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Chablis: focus vignerons

Toujours est-il …
EN SCHÉMATISANT, IL Y A QUATRE CATÉGORIES DE PRODUCTEURS DE VINS EN BOURGOGNE (ET AILLEURS) EFFECTUANT DE LA MISE EN BOUTEILLE:

  • Les producteurs qui se focalisent sur l’optimalisation des prix de revient de leurs vins, entre autres par la quête de rendements correspondant aux maximums autorisés. Il sont ainsi aptes à fixer les prix les plus bas pour leurs vins. Ils disposent d’une large clientèle de consommateurs assez peu exigeants.
  • Les producteurs réalisant des vins corrects, voire intéressants, à des prix attrayants. Leurs vins couvrent les besoins d’amateurs moyennement exigeants et particulièrement soucieux de leur budget.
  • Les producteurs de vins de qualité supérieure. Il sont soucieux de bien gérer tous les aspect de la viti-viniculture susceptibles d’élever le niveau de leurs vins. Les rendements visés par ces producteurs sont généralement des concessions sur les rendements autorisés. Les prix de leurs vins sont corollairement plus élevés. Ils forment l’élite reconnue par les prescripteurs de vins. Leurs vins sont destinés aux amateurs les plus exigeants.
  • Les producteurs hautement estimés, légendaires, dont les amateurs passionnés s’arrachent les vins. Ces derniers attribuent parfois une valeur émotive aux bouteilles placées en cave.

S’adressant à des marchés différents, les quatre catégories sont tout aussi pertinentes une que l’autre.

À LA SUITE, UNE LISTE PORTANT SUR LES CATÉGORIES: ‘PRODUCTEURS DE VINS DE QUALITÉ SUPÉRIEURE’ ET
‘ PRODUCTEURS HAUTEMENT ESTIMÉS’ DU CHABLISIEN.

  • Les producteurs visités figurent par ordre alphabétique de nom de famille.
  • La séquence s’allongera au fil de nos rencontres dans le Chablisien. (Ajouts les plus récents (mi-juillet 2017): Domaines Alice et Olivier de Moor, William Fèvre et La Chablisienne.

Jean-Claude Bessin, (Domaine), La Chapelle-Vaupelteigne (2015)

IMG_0428_2Personnalité réservée, Jean-Claude Bessin reçoit dans son  chai, aussi discret, situé dans un recoin de La Chapelle-Vaupelteigne, à cinq km au Nord de Chablis. Il exploite méticuleusement, en fermage, les 12 ha de vignes appartenant à  son beau-père: un Chablis village, des Premiers Crus sur Montmains et Fourchaume et un GC sur Valmur. Originaire du Nord de la France, architecte, adoptant une approche non-traditionaliste, il est hors norme dans le Chablisien. Sa visée de rendement de 40/50 hl/ha le place au sein des vignerons en quête de vins denses. Il désherbe ses vignes strictement au moyen de labours et, quant aux traitements, il applique une philosophie de lutte raisonnée au sens le plus intègre du terme. Considérant la fréquence de passages dans les vignes, il conçoit que la lutte raisonnée peut parfois comporter un meilleur ‘bilan carbone’ que la règle de la culture biologique. Ses labours visent aussi à faire descendre les racines pour le rendu du terroir dans le vin. Sa lutte anti-mildiou fait appel à la méthode Changins qui adapte la dose à la surface foliaire. Les vendanges sont faites à la main et les fermentations, longues, démarrent par les levures indigènes. Les vins ne sont pas manipulés, c’est à dire produits avec très peu de soutirages. Les élevages sont longs, 18 mois, pour “les mettre en place”. Jean-Claude Bessin réalise depuis 2006 deux cuvées de Montmains sous leur lieu-dit d’origine, Montmains proprement dit et Forêts.
Le domaine est parmi le groupe de sept propriétés vigneronnes chablisiennes impliquées dans le réseau ‘DEPHY ECOPHYTO, lequel couvre toutes les filières viticoles et agricoles engagées à la grandeur de la France dans une démarche de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires.
Nous aimons particulièrement: la présence d’un architecte de formation devenu un grand vigneron. Il nous rappelle Jean le Bault de la Morinière du Domaine Bonneau de Martray, aussi un vigneron méticuleux avec un passé d’architecte.


La Chablisienne (Hervé Tucki, ambassadeur, et Vincent Bartemet, œnologue-viniifcateur), Chablis, juin 2017

Vincent Bartement, œnologue et vinificateur, et Hervé Tucki, ambassadeur.

N’abandonnez pas la lecture en lisant que La Chablisienne traite à elle seule près du quart de la production de vins de Chablis, soit la récolte de ±1300 hectares de vignes issues de ±230 exploitants viticoles composant la coopérative.
À l’onglet ‘Mise en situation’ du ‘topo de vignoble’ sur Chablis, il est dit que “son (La Chablisienne) impact sur l’image du milieu est important et les vins qui y sont produits sont bons. Pour la Revue du Vin de France, cette coopérative “serait la meilleure cave de Bourgogne et peut-être même de France” (copie d’avril 2015). Selon Jacques Dupont, chroniqueur en vins du périodique ‘Le Point’: “La coopérative La Chablisienne fait figure de locomotive; souvent décrite comme la plus performante de France, elle force le respect des vignerons les plus exigeants.” Ces coopérants en sont très fiers. Une preuve nous en fut faite lors d’une tournée du vignoble de France en 1996, alors que nous avions séjourné en chambre d’hôtes chez un producteur adhérent qui avait tenu à nous faire visiter la cave et à rencontrer ses dirigeants. Depuis, nous sommes passés une multitude de fois devant la cave au cœur de Chablis et ce n’est que le 12 juin dernier (2017) que nous y sommes arrêtés pour une seconde fois; une présence de plus de deux heures. C’est Hervé Tucki, ambassadeur de La Chablisienne, qui nous reçoit. Il œuvre à La Chablisienne depuis 1985. Il en connait tous les aspects et tout autant ceux du Chablisien.
Depuis 2011, c’est Vincent Bartement, oenologue, qui est le vinificateur de La Chablisienne. Il fut désigné à deux reprises, 2014 et 2016, le ‘white winemaker of the year’ par le International Wine Challenge.
La Chablisienne a réalisé en 2014 trois cuvées de Petit Chablis, cinq de Chablis, douze de Premiers Crus et six Grands Crus, dont la cuvée du Château Grenouilles, domaine qui appartient directement à La Chablisienne (12 parcelles représentant 7,2 hectares, soit ±80 % du climat Grenouilles). La cuvée ‘Les Vénérables’ de Chablis village concentre une sélection de vignes de ±50 ans d’âge, d’ailleurs une prime est consentie aux possesseurs de vieilles vignes pour inciter la conservation de ce patrimoine; alors que la cuvée village ‘Dame Nature’ provient de vignes, une dizaine d’hectares sur Courgis, Fleys et Prehy, en agriculture et vinification biologique certifiée.
Quelques informations sur les Premiers Crus: Particulièrement longs, jusqu’à 18 mois, les élevages des Premiers Crus sont réalisés sans bâtonnage (pratique pour procurer du gras, de la texture) et des passages en fûts sont effectués. Ce contact avec le bois, assez peu perceptible en bouche, arrondi finement les vins et ajoute certes au plaisir de dégustation auprès d’une catégorie d’acquéreurs. Les cuvées sont mises en bouteilles en une seule opération et les vins commercialisés sont ainsi homogènes.
Les vins sont bons, certains très bons. Nous avons porté une attention particulière aux Premiers Crus, lesquels nous sont nettement apparus des expressions nettes de leur terroir; il s’agit clairement de l’aspect le plus marquant de notre dégustation. Ils ont tous une bonne structure, certains ayant même de la profondeur, apportée manifestement par l’âge des vignes. Des sept Premiers Crus dégustés du millésime 2014, nous retenons particulièrement Les Lys pour sa salinité bien singulière et sa finesse; le Montmains, issu principalement du climat Butteaux, dont l’opulence étonnante et la texture gommante résulte de son sol particulièrement argileux; le Vaulorent qui affiche le caractère aromatique le plus développé, presque exotique, et de fins amers; et le supérieur Montée de Tonnerre pour sa puissance, comme espéré, et son caractère cristallin.


À l'entrée de sa cave
À l’entrée de sa cave

Vincent Dauvissat (Domaine), Chablis (avril 2016)

GaultMillau Le Vin 1994: ‘Si vous ne voyez pas dans ce guide le nom de Raveneau, ni celui de Dauvissat, c’est qu’ils n’ont plus rien à vendre.’
Dans l’univers du vin, les noms Dauvissat et Raveneau sont légendaires de longue date. L’explication du phénomène réside dans les racines des deux domaines, celle des hommes. Vincent Dauvissat prit en 1989 ‘la main’ de la gestion du domaine qui était dirigé auparavant par son père, René Dauvissat, lui-même ayant pris le relais de trois générations de vignerons. René bâtit la réputation de la propriété lors d’une longue période difficile du Chablisien, l’entre deux guerres et le milieu du 20e siècle. La notoriété des vignerons s’appuyait alors largement sur le bouche à oreille et non sur les mérites attribués par les prescripteurs de vins que sont devenus au cours des 20 à 25 dernières années les Parker, Bettane et autres auteurs de guides pour amateurs. René Dauvissat persista dans l’élaboration de Chablis ‘d’auteurs’ dans les années 1970 quand le Chablisien fut assez généralement banalisé par l’emploi intensif des produits de synthèse pour désherber et engraisser les sols. C’est Vincent Dauvissat qui fait ressortir les temps difficiles traversés par ses parents. Ceci dit, celui-ci n’est pas que la ‘relève’ de son père.

Une des figures sculptées dans la pierre de la cave
Une des figures sculptées dans la pierre de la cave

Vincent Dauvissat ne trahit pas un âge dans la cinquième décennie et encore moins une usure par le travail aux vignes. Des sculptures placées ça et là dans la cave d’élevage et le jardin d’inspiration japonaise à l’entrée de celle-ci semblent des indications de son intérêt pour l’art et le beau. Au fil des années Vincent Dauvissat a lui-même construit quelques extensions à l’initiale cave souterraine voutée. Nous le soulignons car ces extensions sont ‘à l’identique’. Cette œuvre d’agrandissement impressionne par la tâche considérable impliquée, d’autant qu’il eut été bien plus simple de construire un chai climatisé en un lieu rapproché du domaine et à plus forte raison que tout semble assez exigu à la propriété. Dans sa conception des choses, la cave est idéalement immuable; l’environnement doit y être inchangé en autant que chose se peut car la température, l’hygrométrie et les autres influences du lieu interviennent respectivement sur la finalité du vin, sur la signature Dauvissat.
Vincent Dauvissat recherche avant tout les expressions de terroirs selon une version de Chablis ciselés, tendus et pleinement révélés par le vieillissement; il conçoit clairement en vins de garde les crus de Chablis; le dernier vin goûté en cave fut un Vaillons 1986. Il peut paraître étonnant, pour certains, que Vincent Dauvissat levure les moûts pour enclencher les fermentations. L‘expérience lui a démontré qu’un démarrage de la fermentation initié par une levure commerciale neutre réduit les risques de déviation tandis que “le terroir reprend le dessus” après six mois d’élevage, élevage d’une durée totale de l’ordre de 18 mois donc plus longue que quasiment tout le monde sur Chablis. Il souligne que la notion de petits rendements n’est nullement un credo pour lui. La Revue du Vin de France, dans son article ‘De lame (vins Dauvissat) et de chair (vins Raveneau), deux chablis de légende‘ (avril 2005), relatait un de ses propos: “je taille moins sévère que mes cousins et j’ai souvent une charge de raisins plus importante qu’eux”. Pour lui, la taille n’est pas tant une opération technique ou mathématique (maintien d’un nombre assez spécifique de bourgeons) qu’un acte à réfléchir face à l’état, la condition de la vigne. Son seul principe semble n’être que la biodynamie, encore qu’ elle est informellement suivie.
Signalons que Dauvissat et William Fèvre sont les ‘notables’ du GC Les Clos, y détenant chacun quatre parcelles.
Nous aimons particulièrement: Les vins sont autres parce que l’homme est autre. / Il nous est apparu que Vincent Dauvissat accepte beaucoup de demandes de visites. Louable car pas évident.

Pour en savoir davantage:
La Revue du vin de France
La Passion Du Vin


Alice et Olivier De Moor (Domaine), Courgis, juin 2017

Alice De Moor, deuxième à gauche, Olivier De Moor, complètement à droite, et les ouvriers à la vigne de ce matin du 14 juin 2017.

Depuis une vingtaine d’années, résolument indépendants d’esprit, Alice et Olivier De Moor sont les irréductibles du Chablisien. Peut-être n’y a t-il qu’un autre vigneron qui côtoie leur idéalisme vigneron: Thomas Pico du Domaine Pattes Loup, leur émule du même village, Courgis à 5 ou 6 kilomètres à vol d’oiseau au Sud-Est de la commune de Chablis. Il va sans dire que la viticulture des De Moor est bio, formellement depuis 2005; qui plus est, sans aucune concession, cela depuis la création du domaine en 1989 (premières productions de vins en 1995). Le bio n’est en fait qu’un aspect de leur ‘culture’, une vision intégrale qui inclut aussi la gestion des vignes suivant une réflexion sur les pratiques favorisant la vigueur et la pérennité des terroirs. Par exemple, l’automne venue, ils ensemencent les rangs de vignes avec des semis, entre autres de légumineuses et de crucifères, pour réformer la matière organique.
Alice, originaire du Jura, et Olivier, originaire de Courgis, n’ont pas de racines vigneronnes, si ce n’est que l’oncle d’Olivier détenait des vignes sur Courgis qui sont maintenant entre leurs mains. Les deux détiennent des diplômes d’œnologues. Au fil du temps ils ont accru la taille de leur vignoble par des acquisitions et des fermages sur des parcelles de Chablis à Courgis, à Chitry dans l’aire d’appellation Bourgogne (Bourgogne Chitry) et également sur l’aire de St-Bris. Ce n’est que depuis peu (2017) qu’ils se sont affranchis de leur rang de ‘prolétaires de la vigne’, en quelque sorte, en acquérant des parcelles en Premiers Crus, sur Vau de Vey à Beine (un hectare en achat) et Mont de Milieu (un hectare en métayage).
Parce que sans compromis, leur récolte de 2016 fut catastrophique en raison de la mauvaise fortune de l’année. Qu’à cela ne tienne, ils ont acheté des raisins en Vin de Pays d’un collègue d’Ardèche (chardonnay, roussanne, viognier, bourboulenc, …) pratiquant bien entendu une culture bio intégrale, et entrepris de développer une activité de négoce, nommée ‘Vendangeur masqué’.
En une année normale, les rendements visés par les De Moor sont de 38 hl/ha, un objectif nous apparaissant le plus bas de tout le Chablisien. La vendange est réalisée à la main et placée en caissettes de petite capacité (14 kg). Après un pressurage en raisins entiers d’une durée moyenne de 2,5 heures, le moût débourbe une nuit entière, sans sulfitage il va sans dire. Le jus encore assez trouble, de bourbes fines, est ensuite mis en fûts pour fermenter, sans levurage et sans implication par la suite, peu importe les durées et les aléas des étapes, alcoolique et malolactique. Après une période en fûts de près de douze mois, sans soutirage, l’assemblage est effectué en cuve et un élevage final de trois mois pour un dernier décantage permet de mettre en bouteilles sans filtration, chose est-il à souligner, bien peu fréquente en vins blancs. Aussi, les fûts sont dorénavant achetés neufs afin de permettre aux De Moor de les prendre entièrement en charge pour toute leur durée de vie. Les De Moor désirent intensément tout maitriser.
Les vins sont intenses, profonds, avec des jolis gras pour la plupart et subtilement marqués par le bois des fûts. Les terroirs sont explicites, même les aligotés, traités avec noblesse, sont splendides. Leur irréductibilité a cependant un prix: le Chablis y est vendu aussi cher, sinon plus cher, qu’un bon Chablis Premier Cru.
Nous aimons particulièrement: les splendides aligotés qui sont tout aussi valorisés que les chardonnay.


Jean-Paul et Benoit Droin (Domaine), Chablis (rencontres entre 2014 et 2016 avec Jean-Paul / octobre 2016 avec Benoit)

Jean-Paul, le père
Jean-Paul, le père

Jean-Paul n’étant plus impliqué au Domaine, il assouvit depuis quelques années une passion d’historien. Vous pouvez le voir les samedis matins aux archives régionales à Auxerre. Il est l’auteur en 2014 de ‘Par Mots et par Vaux’, un ouvrage étymologique sur les climats du Chablisien édité par le BIVB. Dans l’édition 1996 du guide ‘Bettane et Desseauve’ il était dit ‘qu’il possède un domaine de pointe avec une collection de grands crus et premiers crus qui ne le cède qu’à William Fèvre.’ Après une brève vérification, la gamme du domaine Droin serait aujourd’hui la plus large avec cinq GC et huit Premiers Crus.

Benoît, le fils
Benoît, le fils

Benoit, œnologue formé à l’Université de Dijon, dirige le domaine depuis 1999. Doté d’une forte personnalité, il a une vision claire de son action. Appuyé sur une étonnante maîtrise de tous les aspects du milieu chablisien, il en donne une vision cohérente. Issu de vieilles vignes de plusieurs terroirs du cœur même de Chablis, dont des envers de Premiers Crus, le Chablis village du domaine est un chablis modèle, structuré et aux accents iodés et crayeux. D’ailleurs, les vignes de la plupart des crus sont maintenant âgées. Pour l’esthète du vin, le bénéfice qui en découle est considérable, soit des vins denses et expressifs originant de vignes peu vigoureuses et livrant ainsi de rendements faibles; “40/50 hl/ha, c’est parfait, pas de concentration, pas de dilution”. Les replantations se feront dorénavant à partir des plants d’une parcelle, une ‘vignothèque’, qui  résultent de sélections massales de ses terroirs. La culture est sage: travail des sols, “peu profond pour ne pas déstabiliser les sols”, emploi d’amendements organiques et minéraux “pour le support et non la vigueur”, etc. Les vendanges font appel à la machine à vendanger depuis 1983 et sont réalisées assez tôt: “les machines sont devenues efficaces, si la qualité n’y est pas, on ne le fait pas… Le Chablis est un vin de fraîcheur et de minéralité, une récolte à 12/12,5o c’est donc bien. Nous sommes parmi les premiers à vendanger, avec William Fèvre et Vocoret. Plus mûr, ce n’est plus du Chablis, mais du chardonnay.” Les jus sont placés en cuves sans être levurés, celà depuis 2012. Les fermentations malolactiques sont parfois provoquées afin qu’elles soient terminées avant la fin de l’hiver. Les vins demeurent sur lies, sans soutirage, “pas d’air car le Chablis par nature doit ‘réduire’ (maintenu en milieu réducteur)”, et sans bâtonnage avant de les déplacer en cuves quelques semaines avant d’entreprendre la mise en bouteille, après neufs mois approximativement pour les Premiers Crus, car “l’élevage long retire de la fraîcheur.” Pour les Premiers et Grands Crus, les vins séjournent partiellement en fûts, entre 20 et 50% selon les crus, soit une proportion moindre qu’auparavant, cependant avec des fûts plus récents.
Le domaine comprend 26 hectares. Entre autres: le Vaillons est issu de cinq lieux-dits couvrant 4,8 ha; le Montmains provient de plusieurs parcelles voisines totalisant plus de 2 ha du lieu-dit éponyme; Les Clos réunit les raisins de deux parcelles, une au cœur même du climat et l’autre s’étirant sur la partie supérieure jouxtant le Blanchot.
Benoit Droin est d’avis que la “reminéralisation inhérente” au retour du travail des sols explique en bonne partie la nouvelle vitalité du Chablisien, que les vins sont meilleurs qu’auparavant.
Au Concours des vins de Chablis 2016 (millésime 2014), les vins du domaine Droin sont plébiscités.
Nous apprécions particulièrement: la précieuse collaboration de Jean-Paul Droin à notre couverture sur Chablis.


Drouhin-Vaudon (Domaine), Chichée (octobre 2015)

Maison Joseph DrouhinLa demeure bourgeoise du 18e siècle qui est le lieu du domaine, à l’entrée du village de Chichée depuis Chablis, quelque peu en retrait de la route. L’écluse du moulin adjoint au bâtiment est visible.

Plusieurs maisons de négociants de La Côte d’Or ont fait des acquisitions dans le Chablisien au cours de la dernière décennie. Pour certaines d’entre elles, l’ajout de vins de Chablis sert vraisemblablement davantage à élargir leur gamme de produits, leur base d’affaires, qu’à ajouter à leur patrimoine des parcelles enviées. Il n’y a pas de mal à cela. Entre autres, pour accroitre son volume d’affaires, Albert Bichot n’a t-il pas acquis, en 2015, que la partie négoce de la propriété de Pascal Bouchard, les vignes du Domaine ayant été léguées à ses deux fis qui ont créé depuis le Domaine de L’Enclos. Parmi les négociants présents sur Chablis, Drouhin-Vaudon se distingue sous deux aspects estimables. D’abord, sa présence est historique. Robert Drouhin, le père des Drouhin frères et sœur actuellement en place, guidé par des vignerons chablisiens, y a acquis en 1968 des vignes alors que le Chablisien voyait s’étirer sa crise en place depuis plusieurs décennies, donc bien avant tout le monde de La Côte. Aussi, l’approche appliquée à Chablis est aussi qualitative que celle mise de l’avant à Beaune pour les vins de La Côte.
En quête constante de vignerons exemplaires, la revue Le Rouge et le Blanc a produit le texte suivant sur Denis Méry, régisseur de Drouhin-Vaudon, dans sa copie de l’été 2010: ‘Les vignerons les plus consciencieux de Chablis sont unanimes, les plus belles vignes et les plus beaux raisins sont celles et ceux de Denis Méry… Il passe l’ensemble du domaine en bio dès 1997, puis progressivement en biodynamie… Denis Méry pousse la perfection au plus loin de ses convictions: par exemple, pour les pulvérisations, il n’utilise que des plantes du même terroir que la vigne. Évidemment de telles pratiques nécessitent un personnel nombreux: 12 personnes (plus de 20 en mai-juin) travaillant à l’année sur les 38 ha de vignes… ‘C’est facile quand on a quelqu’un comme Philippe Drouhin qui vous donne comme seule consigne de faire le meilleur possible. Même si on doit faire pour cela 45 hl/ha au lieu des 60 hl/ha autorisés par l’appellation!’ (Denis Méry)”
Les raisins sont pressés sur place à Chichée et les moûts sont transportés à Beaune pour les vinifications. Les vendanges sont effectuées à un point d’équilibre entre les deux tendances locales dont l’une, précoce, favorise la préservation de la fraîcheur et le rendu des terroirs (Droin, William Fèvre, …) et l’autre, tardive, le fruité bien mûr (Romain Bouchard, Thomas Pico, Guillaume Michel…). Des élevages en cuves de 7/8 mois pour les villages et les Premiers Crus, dont un premier stade de 5/6 mois sur lies sans soutirage, puis un second soutirage si nécessaire avant la mise en bouteille. Les grands crus restent sur leurs lies en fûts de 500 litres pour les 3/4, sans bâtonnage, durant environ neuf mois et remis en cuves pour un à deux mois après un soutirage.
Les rendus de terroirs des vins sont fidèles et les vins sont des classiques du Chablisien. Nous exprimons un enthousiasme particulier pour deux vins de la gamme: le Chablis ‘Réserve de Vaudon’ (prudence, ne pas confondre avec la cuvée de négoce du domaine qui au demeurant est un bon Chablis), un ‘petit’ Premier Cru provenant de vignes situées dans la vallée de Vauvillien, entre la Montée de Tonnerre et le Mont de Milieu, qui affiche toujours de la  profondeur et de franches notes iodées et de mousseron propres aux Chablis du cœur du terroir (goûté sur plusieurs millésimes); et le Premier Cru Sécher (lieu-dit du climat Vaillons) pour sa densité impresssionnante, sa tension et son trait de pierre à fusil et de mousseron (2011). Les autres Chablis produits: GC Les Clos, Vaudésir, Les Preuses et Bougros; Premiers Crus Vaillons, Montmains, Sécher, et une cuvée ronde issue des lieux-dits Mont de Milieu, Montée de Tonnerre, Roncières et Morein.
Nous aimons particulièrement: La famille Drouhin a manifestement voulu valoriser le patrimoine du lieu en adjoignant le nom Vaudon à celui de Drouhin en 2008 ; Vaudon étant le nom du moulin du 19e siècle, désaffecté, rattaché à la grande demeure bourgeoise servant de lieu d’affaires à Chichée, commune voisine de Chablis.
Voir aussi: Le Franc Buveur


Nathalie et Gilles Fèvre (Domaine), Fontenay-près-Chablis (2014 et avril 2016)

Marcel - Bernard - Gilles

  • C’est surtout au début du XXème siècle, avec MARCEL (1876-1976), l’arrière-grand-père de Gilles, un homme très entreprenant et qui voyait dans le Chablis un vin d’avenir, que notre vignoble se développe.
  • Ensuite, avec BERNARD (1902-1993), le grand-père de Gilles, notre vignoble s’agrandit encore grâce notamment aux achats de vignes de Chablis Grand Cru (Les Preuses) et de Chablis Premier Cru (Fourchaume).
  • Puis, JACQUES, le père de Gilles, fait à nouveau grandir le domaine grâce à des achats de parcelles de Chablis, ainsi qu’à des plantations sur des parcelles jadis détruites par le Phylloxera.

Nathalie et Gilles Fèvre sont œnologues. Nathalie a travaillé à La Chablisienne par le passé. Ils sont vifs d’esprit et après quelques chocs d’idées, ils ont développé une assurance conjointe en leurs méthodes. Leur travail est raisonné, non pas tant dans le sens de la ‘culture raisonnée’, approche certes adoptée par le domaine, mais du fruit d’une réflexion sur l’optimalité compte tenu que le domaine s’étend sur une surface assez considérable de 49 hectares. En fait, les Fèvre ont opté pour une démarche environnementale portant sur l’ensemble de la propriété, une démarche reconnue par l’obtention de la certification HVE, Haute Valeur Environnementale. La proportion qui donne lieu à une commercialisation directe est d’une vingtaine d’hectares. Le travail des sols est effectué pour contrôler l’enherbement. Les vendanges sont mécaniques, sauf sur le GC Les Preuses et sur Le Vaulorent (cru majeur de Fourchaume). Au chai, récemment modernisé, un tri des raisins est effectué sur tapis vibrant. Les jus sont levurés. Les vins sont élevés sur lies en cuves inox, avec bâtonnage. Les soutirages sont effectués pour stabiliser les vins. Les Preuses, Vaulorent et Mont de Milieu fermentent et sont élevés en fûts.
Nous aimons particulièrement: C’est un domaine contemporain modèle du Chablisien considérant la taille élevée de l’exploitation et l’approche pragmatique de qualité. Puis la certification HVE n’est pas banale.


Domaine William Fèvre (Didier Seguier, directeur), Chablis, juin 2017

Didier Seguier, directeur du domaine

De l’ordre de  25 à 30 hectares, la superficie moyenne des domaines chablisiens est nettement plus élevée que celle des exploitations de la Côte d’Or. Regroupant 130 parcelles totalisant 78 hectares, la superficie en vignes du domaine William Fèvre est ainsi considérable. Par ailleurs, nombreuses sont les propriétés chablisiennes dont les pratiques se rattachent à une production de volume. À l’opposé de celles-ci, le Domaine William Fèvre est très méticuleux et vise prioritairement la qualité. Le Domaine William Fèvre est une antinomie du Chablisien.
C’est William Fèvre qui accru considérablement la taille du domaine, de longue lignée familiale, durant les années 1960 et 1970; une période qui fut difficile pour le Chablisien et qui permit à de futés visionnaires et (ou) opportunistes (William Fèvre, Michel Laroche, Joseph Drouhin, …) d’acquérir des vignes à des prix qui suscitent aujourd’hui l’ébahissement, sinon l’envie. William Fèvre fut un tribun qui s’est battu dans les années 1970, en vain, pour que l’aire de Chablis soit limitée au seul secteur de la commune de Chablis et ses périphéries immédiates, qu’il martelait être le ‘Chablis historique’ (l’aire de l’AOC fut néanmoins élargie en 1978 / voir ‘les héros de l’histoire’ dont William Fèvre). La propriété de William Fèvre, qui portait le nom ‘Domaine de la Maladière’, fut confiée en fermage (location) au cours des deux dernières décennies à la maison champenoise Henriot, jusqu’à son acquisition globale, via un bail emphytéotique, par cette dernière société, en 2015.
Le domaine est dirigé depuis 1998 par Didier Seguier, dont le parcours de carrière est ‘éclectique’: Bordelais, Alsace, Champagne, Rhône-Sud et sur La Côte bourguignonne au Domaine Bouchard Père et Fils (aussi sous la propriété de la maison Henriot) de 1992 jusqu’à sa promotion au Domaine William Fèvre. Didier Seguier a mis en place les pratiques actuelles de la propriété et il en est ainsi l’édificateur de la forte notoriété.
Le domaine compte 40 employés permanents. La pratique biologique dans le vignoble a été entreprise partiellement en 2006 et est maintenant intégrale; même biodynamique pour les parcelles en Grands Crus depuis 2010. Une pratique cependant non revendiquée et à laquelle le domaine dévie exceptionnellement lors de circonstances critiques, comme en 2016 alors que de sévères problèmes cryptogamiques ont très durement touché le Chablisien. Le vignoble est aujourd’hui âgé, soit une moyenne de plus de 40 ans sur près de 70% du vignoble. Le domaine arrache trois hectares de vignes par année. Les replantations se font en Guyot simple (le Guyot double étant davantage en usage dans le Chablisien) selon une densité de 9100 pieds/hectare, pour accentuer la concurrence entre les vignes. Si le travail des sols est une pratique permanente, celui sur ceux des replantations est effectué au cheval pendant les trois premières années de croissance.
Effectuées entièrement à la main par près de 200 vendangeurs et placées en caissettes, les récoltes sont entreprises après un protocole d’analyses de maturité qui implique une séquence de tests sur quelques semaines. Le domaine est généralement l’un des premiers à débuter les vendanges à Chablis, comme entre autres les réputés domaines Droin et Dauvissat. Si le bas rendement des vignes, entre 35 et 45 hl/ha, résultant notamment de l’âge élevé du vignoble, entraîne un mûrissement plus précoce des raisins, Didier Seguier n’en préconise pas moins d’éviter des récoltes à des maturités alcooliques avancées, comme pour les deux autres domaines cités. Suivant un pressurage et un débourbage léger peu sulfité de 12 à 24 heures, les vinifications sont entreprises, sans levurage si l’état sanitaire du moût est satisfaisant, pour les Premiers et Grands Crus. Celles-ci démarrent, avec beaucoup de lies, en cuves, puis sont poursuivies et achevées en fûts dans une proportion de 10 à 70%, selon les crus. Les crus nobles sont ensuite élevés en fûts de plusieurs vins dans une proportion d’environ 40% pour les Premiers Crus et approximativement 60% pour les Grands Crus, puis placés en cuves pour un décantage final. En tout, l’élevage est de 15 à 18 mois.
Quelques observations sur les vins: Les parcelles de l’importante superficie de 4,1 ha sur le GC Les Clos sont très majoritairement situées au haut du climat où les vins sont théoriquement plus ciselés, plus tendus, qu’en partie basse. Les parcelles des GC Valmur et Vaudésir sont placées sur les adroits (parties des climat les mieux exposées) de ces deux climats, plus ensoleillés, et aux vins généralement plus aboutis. Des deux cuvées issues du climat Les Bougros, la ‘Côte de Bouguerots’ (2.1 ha) provient de la partie très contrastée en forte pente et livre un vin parmi les plus complexes des sept climats du GC. Sur le regroupement Fourchaume (regroupement de cinq climats), les vignes du domaine sont placées essentiellement sur le fameux climat Vaulorent (deux cuvées produites: Fourchaume et Vaulorent). Les Montée de Tonnerre, Montmains et Vaillons sont respectivement des assemblages de la plupart des climats composant ces ‘porte-drapeaux’ (les trois climats pour le Montmains). Vu l’acheteur perspicace qu’était manifestement William Fèvre, il est étonnant que la cuvée de Beauroy ne soit issue que du climat Côte de Troesme, autrement dit qu’elle ne comporte pas de raisins du climat même Beauroy, un terroir mieux coté. Les raisins du climat Les Lys donnent lieu à un vin individualisé, c’est à dire non regroupés dans la cuvée de Vaillons, avec lequel porte-drapeau les Lys est attaché; ce vin (Les Lys) est aussi remarquable que le climat est intrigant car exposé au Nord en bonne partie.
Le Domaine adhère à l’Union des Grands Crus de Chablis, dont Didier Seguier est le président. L’adhésion à l’Union comporte des conditions, dont celle de la vendange à la main, laquelle constitue un achoppement pour plusieurs propriétaires.
Il faut le souligner, les vins issus du vignoble du domaine comprennent la mention ‘Domaine’ (Domaine William Fèvre), tandis que les vins commercialisés par le négoce sont simplement nommés sous ‘William Fèvre’, telle la cuvée ‘Champs Royaux’ qui n’en serait pas moins composée de raisins issus surtout de Chablis même et de Vivier, aussi un terroir intéressant de l’aire de Chablis qui intègre vingt communes.

Nous aimons particulièrement: l’engagement de Didier Seguier a hisser les Premiers et Grands Crus du domaine à un rang élite; lesquels, à notre avis, sont maintenant au niveau ce ceux des mythiques domaines Raveneau et Dauvissat. Nous apprécions aussi la carte des parcelles du domaine (disponible à la boutique du centre de Chablis, voir ci-après) qui illustre les positions des parcelles des Premiers et Grands Crus. De plus, le domaine publie annuellement un résumé des conditions du millésime qui démontre un souci peu commun des détails (feuillet disponible sur le site internet du domaine).

Le domaine William Fèvre produit une cartographie localisant les parcelles détenues. Ce volet du dépliant montre la situation des parcelles sur le Grand Cru. La carte est disponible à la boutique du domaine au centre de Chablis.


Grossot (Domaine), Corine, Ève et Jean-Pierre, Fleys (2014 et 2015)

IMG_0174Jean-Pierre Grossot est maintenant assisté de sa fille Ève, jeune trentenaire. Le vignoble du domaine est géré en agriculture biologique depuis quelques années.
À la recherche de rendements modérés, s’est ajouté le travail des sols au cours des années. Les vendanges sont mécaniques, sauf en certains endroits, notamment pour les vieilles vignes de Vaucoupin. Des essais de fermentation sans levurage sont en cours. Les fermentations malolactiques se produisent sans intervention. Les vins sont soutirés à deux ou trois reprises. Les élevages, surtout en cuves, sont assez longs pour les Premiers Crus, 14 mois. Les crus Fourchaume et Mont de Milieu sont partiellement élevés en fûts de plusieurs vins.
Les Chablis villlage du domaine sont très bons. Les Premiers Crus: Les Founeaux, Fourchaume, Vaucoupin, Mont de Milieu et Côte de Troëmes.

Nous aimons particulièrement: Senior au sein d’un chablisien encore majoritairement traditionaliste, le cran manifesté par Jean-Pierre Grossot pour faire le passage à la culture bio.

Domaine d’Henri, Michel Laroche, Chablis (mai 2016)

IMG_0619Pilier de l’important domaine Laroche (voir le profil de ce domaine ci-après) pendant des décennies, Michel Laroche serait-il davantage un entrepreneur qu’un vigneron?! S’il est surtout vigneron, son attachement aux vignes est certes sans frontière car sous sa gouvernance le domaine Laroche a acquis beaucoup de vignes dans le Chablisien et … aussi sur deux autres continents. Toujours est-il que ses fibres de vigneron et d’entrepreneur se confondent toujours dans le Domaine d’Henri qu’il a créé en 2012, à mi-chemin dans sa soixantaine.
La lignée vigneronne des Laroche est originaire de Maligny. Ouvrier de la vigne, Jean-Victor Laroche achèta ses première vignes vers 1850. L’épopée, la quête de vignes débuta toutefois avec Henri Laroche après la guerre 1939-1945, mais c’est vraiment à partir des années 1970 que son fils Michel agrandit frénétiquement le vignoble familial. Henri fut parmi les pionniers de la lutte contre les gels printaniers, au moyen d’abord des brûleurs puis de la technique de l’aspersion. Le vignoble familial atteignit une centaine d’hectares au début des années 1990. Des activités de négoce furent aussi initiées et maintenues qu’un temps sur La Côte. Puis Michel Laroche fut attiré par le petit Klondike qu’était le Languedoc dans les années 1980 et il y acquit le Domaine de la Chevalière qui est toujours sous la propriété du domaine Laroche.
Il faut rappeler ici que Michel Laroche a quitté le domaine Laroche en 2010. Il faut aussi dire que Henri (son père) lui avait transmis un patrimoine de vignes que Michel avait confié en fermage (formule qui s’apparente à la location) auprès du domaine Laroche. Pour asseoir l’approvisionnement du Domaine d’Henri, Michel récupère donc graduellement ses vignes aux termes des conventions de fermage avec le domaine Laroche. La production de 2012, s’est appuyée sur 6,5 ha de vignes en Premiers Crus Fourchaume (trois cuvées), Chablis et Petit Chablis. Après la reprise de la totalité des vignes en 2019, le domaine sera doté d’un vignoble de 22 ha, dont 6,5 ha de Premiers Crus Fourchaume (lieu-dit L’Homme-Mort) et Beauroy (lieu-dit Troesmes). Nous formulons l’hypothèse que, chemin faisant, Michel Laroche achètera d’autres vignes.
Immanquable à l’entrée de Chablis depuis Auxerre, le bâtiment du domaine est d’architecture moderne, le seul de ce type dans les environs. Il est identifié ‘Michel Laroche et ses enfants’. Cécile et Margaux, ses filles, y travaillent. La parcelle de vignes entre la route et l’immeuble est le ‘conservatoire’ du domaine. Il s’agit d’un jardin de ±1200 vignes issues de sélections massales d’une parcelle plantée en 1937. Les premières vinifications au nouveau chai y ont été réalisées en 2014, les 2012 et 2013 ayant été effectuées dans les installations du domaine Laroche.
Michel Laroche est ambitieux de produire des Chablis estimés et a adopté des pratiques et conçu son équipe, ses pratiques et son chai en ce sens. Alors quoi dire qui le différencie. Autant que chose se peut il vise énergiquement à très peu chaptaliser, sinon pas, si bien que le vignoble est géré pour optimaliser la maturité du raisin, entre autres par des charges visant un rendement moyen de 40 à 50 hl/ha, des effeuillages de fin d’été et des vendanges en vert au besoin, sachant que ces deux dernières tâches sont bien peu pratiquées dans le Chablisien. Aussi les fermentations démarrent d’elles-mêmes sans levurage. Ils sont bien peu nombreux dans le Chablisien à privilégier cette discipline, à écarter l’emploi de levures commerciales. Il s’agit bel et bien d’une discipline car elle comporte un stress inhérent à l’attente de l’enclenchement de la fermentation. Michel Laroche évite toutefois cette anxiété en produisant préalablement un ‘pied de cuve’. Quelques jours avant les vendanges, une petite quantité de jus aura initié spontanément sa fermentation via les levures naturelles du vignoble et servira ensuite à ensemencer les masses placées ultérieurement en cuves.
Nous aimons particulièrement: indiscutablement sa ferveur à entreprendre encore.


Laroche (Domaine), Gréogory Viennois/directeur technique, Chablis (mai 2016)

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Laroche est une propriété importante. Comme quelques autres noms du Chablisien (William Fèvre, Drouhin-Vaudon, …), la maison est hybride, c’est à dire qu’elle est vigneronne, cultivant environ 80 ha de vignes détenues en mains propres et en fermage, et aussi négociant, achetant également des raisins. Le bâtisseur est Michel Laroche. Originaire de Maligny, septuagénaire depuis peu, Michel Laroche est tout autant un entrepreneur qu’un vigneron. Brièvement, la crise financière de 2008-2009 ayant bousculé son parcours d’affaires qui avait intégré des acquisition de vignobles au Chili, en Afrique du Sud et dans le Languedoc, Michel Laroche et la société languedocienne JeanJean réalisèrent une fusion, la société Advini. Depuis, JeanJean en a acquis le contrôle. Le méchant a t-il bouffé le bon? Pas du tout. Tout c’est plutôt bien conclu. Pour tous les intéressés, dont les amateurs de vins et le Chablisien, il en résulte après coup deux entités solides, deux références:  le domaine Laroche bien entendu et la création du domaine d’Henri par l’entrepreneur Michel Laroche en 2012 (voir le volet sur le domaine d’Henri).

Gregory Viennois
Gregory Viennois

Grégory Viennois et Stéphane Derenoncourt occupent maintenant l’avant-scène des opérations chez Laroche. D’abord, il importe de faire ressortir trois bornes du parcours de carrière de Grégory Viennois: Bordeaux, Rhône-Nord et Bourgogne! Dans le Bordelais, il fut conseiller auprès notamment au Domaine de Chevalier alors qu’il était membre de l’équipe de Stéphane Derenoncourt (Derenoncourt consultants). Il fut ensuite directeur technique de la fameuse maison rhodanienne Chapoutier. À ce jour il est directeur chez Laroche, en charge des vignes et de la réalisation des vins. Cet itinéraire à travers trois ‘cultures’ est inusité, presque saugrenu. Quant à Stéphane Derenoncourt, détrompez-vous si vous croyez que ce gourou couvre particulièrement les aspects de vinification car son accompagnement porte peut-être même davantage sur la viticulture.
Le tandem Viennois-Derenoncourt a préconisé des réglages et de nouvelles approches dans toutes les étapes allant de la viticulture jusqu’à la mise en bouteille: Des essais d’occupation  hivernale des sols par des céréales sont en cours, “pour décompacter les sols et leur conférer une structure grumeleuse”; des replantations  sont déjà entreprises à 10 000 pieds/ha (Guyot simple), et non 6 600 pieds/ha (Guyot double) comme auparavant, afin d’améliorer le ratio pulpe/peau et ainsi obtenir des peaux plus épaisses, avec davantage d’extraits secs à détacher, car “la peau est un marqueur de terroir, de minéralité” (G.V.); des vendanges manuelles sont maintenant réalisées sur les GC et les Premiers Crus; l’acquisition de nouveaux pressoirs et cuves de tailles adaptées à une approche parcellaire; l’emploi de gaz inerte pour rincer les bouteilles et ainsi réduire l’emploi de souffre à la mise en bouteille. etc. Et il y a encore des projets dont l’implantation prochaine d’une ‘vignothèque’, une parcelle de vignes issues de sélections massales devant générer les greffons à replanter dans l’ensemble du vignoble.
Pour Grégory Viennois, en autant que la rentabilité le justifie, la pratique de la vendange manuelle est primordiale pour “diminuer l’emploi de souffre, permette un tri efficace à l’arrivée au chai et aussi pour obtenir de moûts générant des bourbes ne nécessitant pas d’enzymage ou de filtration, des interventions d’appauvrissement d’expressions de terroirs.”
Les vins des récents millésimes sont très bons.
Nous aimons particulièrement: Le siège social du domaine admirablement situé sur un site historique. / Même si elles sont approximatives, les localisations des vignes en Premiers et Grands Crus sont désignées sur le site internet du domaine. / Aussi sur le site internet, une vidéo d’une fosse d’un mètre dans le lieu-dit Les Roncières du climat Vaillons qui s’avère fort utile dans notre couverture de la ‘géologie-pédologie’.


Domaine Louis MichelGuillaume Michel, Chablis (octobre 2014)

Guillaume Michel
Guillaume Michel

La superficie de 25 ha du vignoble du domaine Louis Michel, dirigé par Guillaume Michel, correspond en quelque sorte à un domaine de taille moyenne dans le Chablisien. À l’instar du domaine Raveneau, le domaine Louis Michel produit depuis 2004 des cuvées individuelles des trois lieux-dits du climat Montmains (1,9 ha sur Forêts, 3,2 ha sur Butteaux et 1,4 ha Montmains proprement dit). C’est en fait quatre cuvées de ce climat qui sont produites avec une ‘Vielles Vignes’ de Butteaux, de plus de 60 ans; le Montmains ‘tout-court’ étant tout de même issu de vignes de ±40 ans.
Dotée d’une forte identité, conférée par un caractère minéral strict (2012), la cuvée de base des Butteaux représenterait l’esprit de ce lieu-dit par la distribution éparse des parcelles. Les parcelles de la cuvée Forêts couvrent le coteau de bas en haut. Des vignes aussi assez âgées, ±40 ans, livrent ici un Premier Cru droit, structuré, bien typé par ses effluves de pierre à fusil (2012).
Le vignoble est géré en culture raisonnée. Voulues les plus mûres possibles, les vendanges d’une durée moyenne de huit jours (utilisation de trois pressoirs) sont mécaniques, sauf pour les vignes des GC, du lieu-dit Vaulorent (cuvée à part) et des ‘Vieilles Vignes’ de Butteaux, vendangés à la main. La vinification, en levures indigènes, et l’élevage sur lies sont réalisés en cuves. Le Domaine fut incidemment l’un des tous premiers du Chablisien à introduire des cuves en inox pour vinifier. Un seul soutirage selon le principe de la moindre manipulation possible. Élevage assez long, de plus de douze mois pour les Premiers Crus et de 18 mois pour les GC.
Nous aimons particulièrement: la taille assez importante du domaine pourrait suggérer l’emploi de levures commerciales pour un prompt et prévisible enclenchement des fermentations, si bien que le choix de favoriser un démarrage par voie de levures indigènes est à souligner. Aussi, le site internet du domaine affichent les localisations des vignes.


Fabien et Christian Moreau, Domaine Christian Moreau Père et Fils, Chablis (2014 et avril 2016)

IMG_0406L’amorce de l’exploitation de ses propres vignes est encore assez récente, soit en 2001. Auparavant, Christian Moreau bossa notamment dans l’Ouest canadien, après avoir épousé une québécoise de Rimouski. Son fils Fabien est né au Canada.
Christian, le père, affirme n’être dorénavant que la ‘cinquième roue du carrosse’. En fait, s’il est encore physiquement très présent, la direction du chai est bel et bien entre les mains de Fabien, le fils. La transmission de la direction à Fabien, jeune quarantenaire formé en gestion à Bordeaux, fut manifestement harmonieuse. Pourquoi le souligner? Parce que Fabien adopta une approche de gestion viti-vinicole différente et exigeante, associée seulement à un groupe de cinq à dix vignerons du Chablisien: viticulture bio, vendanges manuelles, non levurage (depuis 2008), etc.

Les vins: Issu de vieilles vignes du climat Les Pargues qui est avantageusement situé face au Vosgros, le Chablis village est élevé dix mois en cuves inox avec un seul soutirage après la malo. / Le Premier Cru Vaillons ‘classique’ (climats Épinottes, Châtain et Roncières) naît de vignes de près de 60 ans et est élevé pour 30% en fûts de plusieurs vins. / Des vignes de près de 80 ans engendrent le Premier Cru Vaillons ‘Cuvée Guy Moreau’ qui est élevé pour 60% en fûts. / Deux cuvées du GC Les Clos donnent lieu à trois opérations de vendanges tenant compte de maturités décalées dues surtout aux positions différentes sur le coteau; Les Clos ‘classique’ (environ 50 ans, du bas à mi-coteau) et la cuvée des Hospices de Chablis (environ 30 ans, en bas du coteau). / Valmur de vignes de près de 50 ans situées sur les deux versants du climat. / Des vignes d’environ 15 ans de l’adroit (exposition Sud-Est) pour le Vaudésir. / Et le GC Blanchot provenant de vignes d’une trentaine d’années. Pour “leur apport sur la structure des vins et la synergie avec la minéralité” (Fabien), les GC sont vinifiés en cuves puis élevés partiellement en fûts (30 à 50% / 90% pour la cuvée des Hospices) pour des périodes variant de quatre à six mois selon les cuvées.
Nous aimons particulièrement: le site internet du domaine qui localise les positions des parcelles. La force tranquille de Fabien à faire ‘autrement’.

Trois producteurs portent le nom de Moreau à Chablis même. Le nom Moreau fut associé à une seule grande exploitation de plus de 50 ha jusqu’à la cession en fermage (location) du patrimoine de vignes dans les années 1970 à une nouvelle société hybride, vigneronne et négociant, soit J. Moreau, créée conjointement par la famille Moreau et la société canadienne Hiram Walker. Cette dernière entreprise acheta la participation de la famille Moreau en 1986, laquelle conserva toutefois les vignes familiales, toujours en fermage. Aux termes de la convention de fermage, les deux héritiers de la famille Moreau, Jean-Jacques et Christian, reprirent individuellement l’exploitation de leur part respective du patrimoine de vignes, sous les domaines Louis Moreau (fils de Jean-Jacques Moreau) et Christian Moreau Père et Fils. Le négociant J. Moreau, maintenant une filiale du groupe Boisset de Nuits-St-Georges, est toujours bien active (voir  le portrait de cette maison).


J. Moreau (Maison), Lucie Depuydt / régisseur, Chablis (octobre 2015 et avril 2016)

Les maisons de négoce suscitent généralement moins d’intérêt pour les ‘bourguignols’, les amateurs immodérés de vins de Bourgogne. Selon la nomenclature figurant au haut de ce segment, la plupart de ces maisons se rattachent au mieux à la catégorie des ‘producteurs réalisant des vins corrects, voire intéressants, à des prix attrayants’. Leurs vins sont généralement stéréotypés. Aussi ces négociants s’approvisionnent en bonne partie dans le secteur Nord de l’aire de l’appellation, où l’influence du Kimméridgien laissant place au Calcaire du Portlandien, les vins ont moins de corps et n’ont plus les traits de pierre à fusil, de mousseron ou de craie que nous aimons tant.
Maison importante du Chablisien, J. Moreau ne produit certes pas des vins ‘d’auteurs’. Cependant, attrayants, ses Chablis sont conçus sous des principes et des valeurs estimables qu’il importe de souligner. Son propriétaire, le négociant Jean-Claude Boisset de Nuits-St-Georges, n’a t-il d’ailleurs pas déjà démontré un intérêt envers les vins soignés en confiant une carte blanche au régisseur Pierre Vincent du domaine de la Vougeraie de La Côte, domaine hautement estimé pour ses vins raffinés issus de la pratique de la biodynamie. Chez J. Moreau, une carte blanche a aussi été confiée à Lucie Depuydt, formée en œnologie de l’Université de Dijon.

Lucie Depuydt et la carte des sols du Chablisien
Lucie Depuydt et sa carte des sols du Chablisien

Sans être une ‘fille du pays’ chablisien, Lucie Depuydt n’en connait pas moins les particularités des sols des lieux mieux que quiconque puisqu’elle y a consacré le sujet de son mémoire de fin d’étude en œnologie, ‘Réalisation d’une typologie des sols du Chablisien et recommandations culturales associées’. Ce background lui confère une autorité pour réaliser des ‘audits’ sur les sols des producteurs associés à J. Moreau et pour intervenir concrètement auprès de ces derniers sur les différentes pratiques. En fait, si elle ne détient aucun contrôle sur les rendements pratiqués, elle n’en agit pas moins pour susciter une culture sage (griffage des sols, dosages mesurés des produits phytosanitaires, …), culture incidemment soumise au standard de traçabilité BRC, et pour obtenir des jus de qualité en déterminant les dates de vendanges et les paramètres de pressurage des raisins. Elle est consciencieuse et visualise bien les Chablis de terroirs qu’elle souhaite réaliser. Notamment, les levures qu’elle utilise sont neutres, ce qui n’est pas banal dans une grande structure; elle projette d’ailleurs l’emploi de levures indigènes qu’elle obtiendrait de pieds de cuves résultant de la vendange d’une vigne pré-déterminée. Les vins sont élevés sur lies et ne sont soutirés que pour une décantation définitive avant les mises en bouteilles. Aussi, elle isole les jus de fins de presses qui ne seront ultérieurement assemblés que selon. Pas si mal pour une production de nombre, n’est-ce pas!
Nous aimons particulièrement: nous avons sous-entendu ci-devant que nous apprécions moins les Chablis issus du secteur au Nord de l’aire de l’appellation, or les approvisionnements en raisins de J. Moreau font une part très limitée à ce secteur.


Domaine Pattes-Loup, Thomas Pico, Courgis (rencontres en 2014, 15 et 16)

IMG_0401Trentenaire, petit de taille, Thomas Pico, qui a démarré son activité en 2005, est déjà un vigneron de grande pointure. Il a acquis une attitude côte d’orienne de ses études en viticulture à Beaune et de ses stages réalisés aussi en Côte de Beaune: vignes en guyot simple, travail des sols, vendanges à la main, élevage long en fûts, ... Comprenons qu’il œuvre selon l’esprit et l’approche des vignerons de la Côte d’Or. La philosophie respectueuse de la vitalité intrinsèque de la vigne et de l’intervention minimaliste lui a toutefois été transmise par son voisin à Courgis, Olivier de Moor (www.aetedemoor.fr), “mon mentor” souligne Thomas.
Son exploitation maintenant de quinze hectares, est certifiée en agriculture bio depuis 2009. Ses ceps sont taillés en guyot simple selon la technique ‘Poussard’ et taillés pour ne laisser que six yeux afin de restreindre les rendements. Jusqu’à la mi-saison, les griffages, des labours peu profonds, ont surtout pour objectif d’enfouir la végétation qui s’introduit inévitablement dans le vignoble, de désherber autrement dit. Les vendanges sont manuelles et entreprises selon l’école en faveur de la maturité la plus avancée possible. Le millésime 2013 (forte montée de pourriture noble qui a incité la majorité des vignerons à vendanger à la hâte), a ainsi engendré au Domaine Pattes-Loup des Chablis très mûrs, notamment un Montmains avec manifestement quelques grammes de sucre résiduel. Les fermentations alcooliques, sans levurage, et les fermentations malolactiques, aussi naturelles, se font en fûts et les vins y sont maintenus pendant 12 mois, puis déplacés en cuves pour six mois, lequel passage constitue le seul soutirage du parcours. Thomas Pico envisage en 2016 faire de ‘l’inter-culture’ dans les vignes en périodes automnale et hivernale, d’y générer un couvert végétal (graminées, légumineuses, crucifères, …). Cette approche documentée notamment par Mathieu Archambault (‘Les Couverts végétaux’) est destinée à protéger les sols de l’érosion, restaurer leur structure et stimuler leur fertilité.
Thomas souligne que les vins du secteur de Courgis sont plus frais, leur acidité est plus vive.
Nous aimons particulièrement: Sa volonté d’opérer avec idéalisme dans un Chablisien bien conservateur.
Voir aussi: Domaine Pattes Loup , Courgis – Vin Terre Net


Domaine Gilbert Picq, Didier et Pascal Picq, Chichée (rencontres en 2015 et 2016)

IMG_0415_2Nous avons fait une opération d’importations de vins (importation privée via la SAQ) du domaine Picq il y a une vingtaine d’années, à une époque où les Chablis exerçaient assez peu d’intérêt au Québec. Il nous a accueilli en 2015 avec une même convivialité. Des changements, nous en avons constatés. Les vins du domaine sont nettement plus aboutis. Ils le sont entre autres parce que la météo continentale subit des changements qui favorisent le Chablisien peut-être davantage qu’ailleurs. Mais aussi parce que les pratiques du Domaine ont progressé et les vignes, vieillies.
En plus de l’expérience acquise, les Picq ont depuis, entre autres, abandonné l’ensemencement pour enclencher les fermentations. C’est dire que les deux frères ont assumé les deux ou trois années de transition déstabilisantes qu’entraîne inévitablement l’attente de l’enclenchement du processus via les levures indigènes. Ils ont aussi équipé le chai de cuves additionnelles leur permettant d’allonger les élevages jusqu’à 24 mois, particulièrement “pour les cuvées de Chablis village ayant des minéralités affirmées”. Pour Didier Picq, les expressions minérales s’affirment via la réduction. Ainsi, les vins sont conservés sur lies, sans soutirage, pendant les douze premiers mois pour les conserver en milieu réducteur. Au terme de l’élevage, il en résulte des vins en tension. La tension va très bien aux Chablis.
Le domaine Gilbert Picq gère vingt parcelles sur 14 ha. Quatre cuvées de Chablis village sont produites: une, traditionnelle, sans dénomination et les cuvées ‘Vieilles Vignes’ (2012 particulièrement puissante), ‘Dessus des Carrières’ et ‘Vaudécorse’ (2012 souple, remarquable et très singulière en vertu de son fruité démonstratif et son trait beurré, hors norme). Aussi deux Premiers Crus, soit ceux de la commune même de Chichée où réside le domaine, Vosgros (prononcez ‘Vossegros’) de la rive gauche et Vaucoupin de la rive droite. Les vendanges sont mécaniques, “1,5 ha par jour, selon le moment opportun à chaque parcelle et entreprises à maturité juste, certainement pas en maturité prononcée, car il est mieux de chaptaliser modérément que d’ajouter de l’acide tartrique.”
Comme le domaine de Jean-Claude Bessin (voir ci-haut) le domaine Picq fait partie du groupe de sept propriétés vigneronnes chablisiennes impliquées dans le réseau DEPHY ECOPHYTO, engagé à la grandeur de la France dans une démarche de réduction des produits phytosanitaires.
Le domaine serait-il davantage médiatisé si son parc de vignes comprenait des super Premiers Crus (Montée de Tonnerre, …), voire des GC? Pas de doute.
Nous avons particulièrement aimé: le caractère attachant de Didier Picq, qui aurait tout aussi bien réussi en relations publiques. / Un répertoire de terroirs aussi étonnant que remarquable de Chablis village. / Le déplacement du grand chai à cuves vers le cellier souterrain du domaine pour goûter des vieux millésimes.
Voir aussi: Le Franc Buveur


Charlène (fille de Laurent), Laurent et Christophe Pinson, Domaine Pinson, Chablis

Pinson Pinson chaiLes pièces d’élevage sont logées dans un chai semi-souterrain construit en 1839.

Les portes des domaines Pinson, Louis Michel, Duplessis et Billaud-Simon se suivent près du bief du Serein dans Chablis. Le domaine Pinson gère son vignoble pour en obtenir un rendement de 45/50 hl/ha, soit l’objectif de la plupart des domaines qualitatifs (rendement autorisé de 58 hl/ha). Taillées à la manière Poussard, les vignes sont conduites en Guyot double, taille chablisienne traditionnelle, ou en Guyot simple en certains endroits, selon la densité de plantation. Vendanges manuelles. Les Premiers Crus sont vinifiés en partie en fûts (jusqu’à 30%) et en cuves. L’élevage de ceux-ci est toutefois réalisé entièrement en fûts, de trois à huit millésimes, cependant plus récents pour le Mont de Milieu. Les Clos est vinifié et élevé entièrement en fûts. Selon l’année, les vins peuvent être bâtonnés. Bref, le domaine Pinson a adopté une politique exigeante, appropriée à sa dimension de 14 ha, une échelle deux fois moindre que la propriété moyenne du chablisien. Les Premiers Crus 2013 goûtés en bouteille au domaine étaient très peu marqués par l’élevage.
Nous avons particulièrement aimé: l’accueil remarquable. / Le coup de cœur suscité par les 2013, millésime pourtant difficile: le travail d’aération des vignes aurait diminué l’impact du botrytis de septembre qui a provoqué le prompt démarrage des vendanges dans tout le Chablisien.


Patrick Piuze, Chablis (2014 et 2016).

IMG_0599_2Québécois, 43 ans (1973), Patrick Piuze est issu d’une famille bourgeoise de St-Lambert, marié à une française, Fanny Lozano, et père de deux filles de 9 et 11 ans (en 2016). Avec quelques associés, dont Sylvie Quittot sa collaboratrice depuis le début, il a fondé en 2008 le négoce de Chablis portant son nom. Auparavant, il réalisa un parcours de  globe-trotter du vin, en plusieurs coins de différents pays sur cinq continents. Entre autres, il fut sommelier dans un hôtel de Banff dans l’Ouest canadien. Il travailla dans différentes propriétés viticoles en Australie, Afrique du Sud et Israël. Sa première vinification a été réalisée en 1994. Il a géré le restaurant ‘Le Pinot noir’, à Montréal en 1997 et 1998. Il participa aux vendanges du millésime 2000 du négociant Olivier Leflaive de Puligny-Montrachet  et après une formation au CFPPA de Beaune, il pris en charge la vinification des Chablis 2001 de cette maison côte d’orienne dont le chai est situé à Chitry. De cette expérience il apprit la gestion des différentes appellations et le recrutement de producteurs-fournisseurs. En 2005, il collabora à la réalisation des Chablis de Jean-Marie Guffens qui devient sa véritable inspiration, celui qui “aiguisa mes savoirs, m’appris à déterminer le moment de vendanges, à mener les étapes de pressurage et de débourbage, et à accentuer ma considération des terroirs”. Son expérience s’accrût considérablement lorsqu’il pris la fonction de maître de chai auprès de l’importante maison Jean-Marc Brocard (environ 180 ha sur une collection de terroirs). C’est là qu’il acquit sa maîtrise des sols chablisiens.
Patrick Piuze élabore dans son modeste et discret chai du cœur de Chablis (à deux pas du Domaine Vincent Dauvissat) quatre cuvées de Chablis village, onze Premiers Crus et quatre GC. Il vendange à la main les parcelles des producteurs attachés à son négoce, trois fournisseurs principaux et quelques uns en volumes d’appoints. Avec les vendanges manuelles, “moins de souffre est employé, la rafle agit aussi comme un filtre et contribue à clarifier les jus, qui s’enzyment naturellement”. Patrick Piuze est adepte de l’école évitant les maturités avancées, pour conserver l’acidité qui attise les minéralités car “l’alcool acquise par les fortes maturités brûle la minéralité”. Les raisins sont pressés dans de vieux pressoirs Vasselin “qui pressent doucement, plus longtemps, puis au final plus fortement, avec davantage d’extraits secs”. Non levurés, les jus des Chablis village fermentent dans des cuves parallélépipédiques en acier émaillé acquises usagées et sont maintenus sur lies, “beaucoup de belles lies fines”, sans bâtonnage et sans soutirage; “ces cuves procurent un excellent milieu réducteur au vin, le resserre, sans pour autant qu’une réduction s’assimile au vin.”
La cave comprend un passage sous-terrain traversant la petite rue Émile Zola qui conduit au chai à fûts dans lesquels sont placés les Premiers et Grands Crus. Un soutirage est effectué une dizaine de jours avant les mises en bouteilles, en mai (“la vraie minéralité arrive à Pâques”) suivant la récolte pour les Chablis et les Premiers Crus, et en juillet (pour libérer les fûts) pour les Grands Crus.
“Je suis aujourd’hui bien au delà de tous mes rêves.” Patrick Piuze.
Nous aimons particulièrement: Patrick Piuze produit des cuvées de Chablis génériques issus de différents terroirs: ‘terroir de Chablis’, ‘terroir de Courgis’, ‘terroir de Fyé’, etc… Sur ce plan, il est innovateur. / Patrick Piuze reste humble malgré un beau succès.


 Isabelle, Bernard et François Raveneau, Domaine Raveneau, Chablis

Raveneau chai Raveneau
Deux actifs qui se sont ajoutés au Domaine Raveneau: un nouveau chai souterrain et … … Isabelle, la fille de Bernard qui s’est jointe à son père et son oncle.

Ce domaine emblématique de Chablis est déjà largement cité élogieusement depuis des décennies. Le domaine a été créé après la Grande Guerre par le rachat de parcelles. La légende Raveneau est née avec François Raveneau qui entrepris de faire de la mise en bouteilles et de la vente en direct dans les années 1960. Jean-Marie, l’ainé, et Bernard, fils de François lui succédèrent graduellement dans les années 1980. Auparavant logés dans un petit chai où ils étaient empilés, entassés, les fûts pour l’élevage des vins sont maintenant étalés dans un nouveau chai, attenant au précédent. Aussi, les dégustations sont dorénavant conduites de temps à autre par Isabelle, fille de Bernard, qui assurera la relève. De plus, un Petit Chablis s’ajoute à la gamme; pas si petit puisque les vignes sont idéalement situées sur la corniche portlandienne au dessus du Grand Cru. Rappelons quelques aspects de l’approche du domaine: les sols sont labourés, la charge des vignes est limitée à la taille selon des rendements voulus entre 50 et 60 hl/ha, la gestion sanitaire des vignes implique des opérations rigoureuses de rognages et d’éclaircissements, les vendanges sont manuelles, la fermentation démarre par un levurage ou non selon les conditions, les fermentations alcoolique et malolactique sont réalisées en cuves, puis suivant un soutirage effectué généralement avant Noël l’élevage se poursuit en fûts pendant une année. Seuls deux domaines (aussi Louis Michel) réalisent des vins issus des trois climats du ‘porte-drapeau’ Montmains. Le Forêt est issu de deux parcelles dont l’une s’allonge sur tout le coteau (2014 dégusté sur fûts: bien aromatique, floral, bonne structure, minéralité affirmée). Le Montmains provient d’une parcelle de la partie supérieure du coteau, argileuse et bien ventilée (2010: caractère chablisien discret, boisé intégré, notion de salinité, bon volume, sur la finesse / 2014 sur fûts: presque exotique et du fond). Butteaux localisé quasiment sur le replat du dessus du versant, au sol plus lourd (2014 sur fûts: compact, tension, vivacité minérale et austérité).
Nous avons particulièrement aimé: rien de clinquant dans ce domaine adulé, au contraire.


 

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