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Chablis: Géologie

Révisé: mars 2022

UN IMAGE PERSISTANTE
S’il est un vignoble qui, plus que les autres, a un substratum connu des œnophiles, c’est bien le Chablisien et son fameux ‘Kimméridgien’, soit la Marne et Calcaire à Exogyra Virgula. Il n’est donc pas étonnant que le texte qui accompagne la photo ci-contre, tirée du très bon livre ‘Chablis’ de la série Les Grands Bernard des Vins de France (1986) mentionne “à Chablis, les terrains les plus nobles sont des marnes et calcaires appelées ‘Kimméridgiennes‘”. Or, le type de roche de la photo, bel et bien omniprésent au coeur de Chablis, entre autres sur le Grand Cru, appartient plutôt au Calcaire du Barrois, autrement nommé Portlandien!
 Ce topo n’est certes pas simple. Si votre persévérance vous amène jusqu’au dernier volet (volet 4 ‘Propos presque concluants’) vous serez pleinement satisfait, garanti.

DANS CE TEXTE, IL FRÉQUEMMENT MENTIONNÉ:
√ ‘Marne et Calcaire à Exogyra Virgula’, soit le nom formel d’une formation rocheuse du Chablisien, communément nommée ‘Kimméridgien‘.
√ ‘Calcaire du Barrois‘, soit le nom formel d’une autre formation rocheuse du Chablisien, communément nommée ‘Portlandien‘.


Successivement sous ce segment:
1 ⇒ Genèse du substratum
1.1 → Le Chablisien au sein du ‘Bassin parisien’
1.2 → Les lithologies du Chablisien
2 ⇒ Géologie/géomorphologie: schématiquement trois secteurs
3 ⇒ Géologie/géomorphologie: trois grands secteurs / trois types de terroirs
3.1→ Avant-propos
3.2 → Sur l’importance des ‘formations superficielles’
3.3→ Aperçu par secteur
3.4→ Diverses photos, schémas et vidéo éloquents
4 ⇒ Propos presque concluants
5 ⇒ Bibliographie

 

1 ⇒ Genèse du substratum

Petit lexique pour une lecture efficace:
√ Sol:
horizon de surface meuble.
√ Substratum
: socle rocheux immédiat, non affleurant lorsque recouvert d’une ‘formation superficielle’.
Lithologie: nature d’une roche.

Formation superficielle: nappage d’une épaisseur significative sur un périmètre par un agglomérat − roches, cailloux, sables, limons, … − résultant le plus souvent d’un ‘transport’ vers un aval par des phénomènes de colluvionnement et/ou alluvionnement. Une ‘formation superficielle’ substitue le substratum de l’endroit en tant que roche-mère, en occurrence en maints endroits du vignoble de Chablis.

1.1 → Le Chablisien au sein du ‘Bassin parisien’

L’Yonne est située dans l’unité géologique nommée ‘Bassin parisien’; Paris en étant relativement le point central. Occupée par une mer pendant plus de 200 millions d’années, cette cuvette au diamètre moyen de 400 km comporte une impressionnante série de couches de sédiments marins transformés en roches argilo-calcaires.

Entre autres, pendant les cinq millions d’années de l’époque ‘kimméridgienne’ du Jurassique, des colonies d’huitres nommées ‘Exogyra virgula‘ furent fossilisées en quelques secteurs du Bassin parisien, particulièrement dans le Chablisien et le Sancerrois (réponse #6 du quiz). La lithologie qui les renferme est nommée Marnes et Calcaires àExogyra virgula’.

Bassin parisien
Tiré du site internet  le bassin de Paris

Figure 1. Le schéma ci-devant est une perspective en coupe de la la géologie du Bassin parisien. Paris y occupe relativement le point central. Sur la mini carte en exergue, le trait rouge indique la trajectoire de la coupe illustrée, laquelle traverse entre autre le Chablisien, au Sud-Est.

bassinparisienvslucieFigure 2. Une autre illustration schématique du Bassin parisien qui met en évidence l’auréole jurassique.
Le plan de surface du jurassique est nettement concave, en vertu d’un phénomène de ‘cuesta’ que nous esquivons afin de simplifier(!) autant que possible le schéma géologique du Chablisien. Pour en savoir davantage, consulter ‘Plateaux de Basse Bourgogne’ de Denis Baize

Une hypothèse avancée − d’autres arguments sont aussi développés − pour expliquer la concavité du Bassin parisien tel une pile d’assiettes creuses − réside dans l’effondrement du centre du bassin, attribuable au poids excessif du cumul des strates. Lors de cet effondrement, les strates rocheuses enfouies sous le Chablisien s’inclinèrent de deux à trois degrés vers le Nord-Ouest, vers Paris. Les plans de surface furent ultérieurement lissées par l’érosion, autrement dit par la dégradation intemporelle du relief. En parcourant l’autoroute A6 depuis Paris, qui est positionnée relativement au centre du Bassin Parisien, vers Lyon au Sud-Est, les formations rocheuses du Bassin parisien sont successivement franchies − des montées/descentes correspondent à certaines formations −, vers les plus anciennes. Dans les environs d’Auxerre, la A6 parcourt sur la série lithologique propre au Chablisien.

carte Yonne finale - copie.aiFigure 3. Carte éloquente quant à notre propos, issue d’une étude visant à témoigner du lien entre ‘les matériaux de construction des églises de l’Yonne’ et les sous-sols des environs, réalisée par le géo-archéologue Stéphane Büttner. À consulter ici.
La série lithologique du Bassin parisien propre au département de l’Yonne apparait en bandes obliques sur la carte ci-devant. La sous-série de formations associées au Chablisien est représentée par les deux bandes adjacentes aux tons de bleu.
La localisation de Poilly-sur-Serein depuis Auxerre, à droite (à l’Est) successivement: Chitry, Saint-Cyr-les-Colons et Pouilly-sur-Serein, une des 19 communes inscrites dans l’aire de l’AOC Chablis,  située à la limite Sud de l’aire, nous permet de repérer un fin trait bleu correspondant au cours du Serein; cette carte n’indique toutefois pas la position de Chablis.

L’étage du Kimméridgien supérieur et moyen, soit la lithologie de ‘Marnes et Calcaires à  Exogyra virgula’, tant associé au terroir de Chablis, a une épaisseur de l’ordre de 80 mètres. Son inclinaison est de 2o à 3o. Dans le Chablisien, ce type de substratum couvre une bande d’une largeur de ±10 km transversale au cour du Serein, depuis Poilly-sur-Serein, au Sud-Est, jusqu’à Maligny (non signalé sur la carte), au Nord-Ouest, dans l’axe de ce cours d’eau.


1.2 → Les lithologies du Chablisien

À travers les époques et les étages géologiques, situons la lithologie renfermant les minuscules huîtres fossilisées ‘Exogyra virgula’, tant associée au terroir chablisien:
√ La formation rocheuse de ‘Marnes et Calcaires à Exogyra virgula’ appartient à l’étage stratigraphique du Kimméridgien.
  Les sédiments marins de cette formation se sont formés à l’époque géologique du Jurassique supérieur il y  a environ ±155 millions d’années. Voir le tableau à la suite.

D’une épaisseur de ±80 mètres, cette lithologie alterne:
√ des couches de calcaire marneux (proportions assez équivalentes d’argile et de calcaire);
√ des marnes argileuses (dominante d’argile);
√ et aussi, localement, des minces bancs de calcaire pur et dur.
Bref son faciès n’est pas homogène.

Nous évoquons fréquemment la présence de la formation rocheuse ‘Calcaire du Barrois’, souvent nommée ‘Portlandien’. Cette formation rocheuse de ±50 mètres d’épaisseur est  placée au dessus du Kimméridgien supérieur et  moyen (Marnes et Calcaires à Exogyra virgula); le Calcaire du Barrois relève également de l’époque géologique du Jurassique supérieur. Assez homogène, le Calcaire du Barrois est constitué essentiellement de calcaire dur et compact.

 

chablis-tableau-jurassique
L’organisation géologique évoquée, schématiquement, ci-devant serait toutefois sans intérêt ‘viticole’ si ce n’était du creusement, du profilage, − la ‘Marnes et Calcaires à Exogyra virgula’ ayant une faible résistance à l’érosion − du réseau des vallées du Chablisien au cours des périodes de glaciation du Quaternaire.
Dans le talweg de la vallée principale de ce réseau, le Serein captait et redirigeait vers l’Yonne, affluent du fleuve la Seine, les torrents générés par les fontes printanières et estivales des périodes glaciaires. Est-il à dire que le Serein canalise encore aujourd’hui les eaux de ce bassin.



2 ⇒ Géologie/géomorphologie: schématiquement trois secteurs

CARTE GÉOLOGIQUE (QUE LE SUBSTRATUM) DU CHABLISIEN À L’ÉCHELLE 1/50 000
(Les ‘formations superficielles’ n’y figurent donc pas)

chablis_terroirFigure 4. Cliquez sur la carte pour la grossir. Cette carte géologique du substratum extraite de  https://infoterre.brgm.fr/
Il vous faut repérer d’abord le cours du Serein. Celui-ci traverse Chemilly-sur-Serein (en partie inférieure droite) et Chablis, qui sont tachetés en jaune. Puisque assez large, la bande de couleur blanche associée au Serein correspond certainement à l’alluvionnement laissé par le lit de cette rivière lors des périodes glaciaires. Les vallées s’observent par des sillons transversaux au Serein.
Substratums de la zone cartographiée:
J9:   Portlandien (Calcaire du Barrois)
J8:   Kimméridgien supérieur et moyen (Marnes et Calcaires à Exogyra virgula)
J7b: Kimméridgien inférieur (Calcaire à Astartes)
J7a: Calcaire de Tonnerre

Quelques observations et commentaires dégagés de la carte géologique:
√ La carte géologique du BRGM laisse entrevoir la séquence de substratums du Chablisien. Suivant le cours du Serein, les lithologies dominantes sont consécutivement du Sud-Est au Nord-Ouest: l’Oxfordien (Calcaire de Tonnerre J7a), le Kimméridgien inférieur (Calcaire à Astartes J7b), le Kimméridgien supérieur et moyen (Marnes et Calcaires à Exogyra virgula J8) et le Portlandien (Calcaire du Barrois J9).

√ En bref, l’épaisseur respective des formations, leur inclinaison mutuelle de 2o à 3o et leur érosion sur des millions d’années − genèse évoquée dans le premier volet − constitue l’explication de la séquence de bandes de substratums.

√ La carte géologique permet aussi de constater que le creusement des vallées survenu aux périodes de glaciation a exposé l’étagement de lithologies en les faisant apparaitre successivement sur un même périmètre restreint, selon les positions du paysage: plateau supérieur, versant et fond de vallée (voir la figure 5 ci-contre). Bien entendu, la formation la plus récente étant en position de plateau et  la plus âgé en fond de vallée. Figure 5. Cette image est une section de la carte géologique précédente (figure 4). Le plateau supérieur, est formé de Portlandien (Calcaire de Barrois / J9). Les coteaux le sont de Kimméridgien supérieur et moyen (Marnes et Calcaires à Exogyra virgula / J8); dont des coteaux en Premiers Crus: Côte de Léchet, Vaillons et Montmains. Les fonds de vallée s’appuient sur du Kimméridgien inférieur (Calcaire à Astartes / J7b). Rappelons que les trois formations en question sont successives dans l’étagement lithologique du Chablisien.

√ Dans le secteur Sud-Est du Chablisien (Chemilly-sur-Serein, tacheté en jaune, est ±au centre de celui-ci): aucune présence de Premier ou Grand Cru −. La formation dominante sur les versants est le Kimméridigien inférieur (Calcaire à Astartes) /J7b), tandis que le Kimméridgien supérieur et moyen (Marnes et Calcaires à Exogyra virgula /J8) ) forme le substratum des plateaux supérieurs.

Dans le secteur central du Chablisien: présence de tous les Premiers Crus et Grands Crus −, la séquence suivante est observée: Portlandien (ou Calcaire de Barrois/J9) en plateau supérieur; Kimméridgien supérieur et moyen (Marnes et Calcaires à Exogyra virgula) /J8) sur les coteaux; et Kimméridgien inférieur (Calcaire à Astartes) /J7b) en position de vallée.

√ Dans le secteur Nord-Ouest: aucun Premier ou Grand Cru −, le Portlandien (ou Calcaire du Barroi/J9) est, à toute fin utile, le seul substratum observé, soit à partir de La Chapelle Vaupelteigne (dont la discrète désignation apparait à gauche de celle de Fourchaume). En un mot, le Portlandien − épaisseur de ±50 mètres − s’y retrouve tant sur les plateaux supérieurs, que sur les versants, qu’en fonds de vallée. Les vallées y sont moins entaillées étant donné la dureté de cette roche, puisque le Portlandien (Calcaire de Barrois) est nettement moins érosif que le Kimméridgien supérieur et moyen.

OCCURRENCE DES SUBSTRATUMS
SELON LES SECTEURS DU CHABLISIEN ET LES POSITIONS DANS LE PAYSAGE

Sud-Est
Chichée, Béru,
Poilly-sur-Serein, …
Centre
Chablis, Beine,
Fleys, …
Nord-Ouest
Maligny, Lignorelles,
Ligny-le-Chatel…
 Substratums Positions dans le paysage
Portlandien
(Calcaire du Barrois)
J9
plateaux plateaux, coteaux
et pieds de coteau/fonds de vallée
Kimméridgien sup. et moyen
(Marnes et Calcaires à Exogyra virgula )
J8
plateaux coteaux
Kimméridgien inférieur
(Calcaire à Astartes)
J7b
plateaux et
coteaux
pieds de coteau/fonds de vallée
Calcaire de Tonnerre
J7a
coteaux

Le tableau ci-haut indique les sous-sols (substratums) en place selon les secteurs du Chablisien et les positions dans le paysage.

Marne à Exogyra virgula (‘Kimmméridgien’) au haut de l’illustration. Calcaire de Barrois (‘Portlandien’) au bas. Photos par monocepage.com. Exogyra virgula (mollusques fossiles) observables en retrait du chemin séparant les climats Les Bougros et Les Preuses.

Cliquez sur les illustrations pour bien constater.

 

Chablis_inclinaison_1

Figure 6-A ci haut. Vue en coupe issue de l’adaptation d’une illustration tirée de ‘Plateaux de Basse Bourgogne’ du pédologue Denis Baize.

Figure 6-D ci-contre. Pour faciliter le repérage de la vue en coupe: une vue en plongée du périmètre de la figure 6-A

Cliquez sur les illustrations pour agrandir.

La vue en coupe (6-A) s’étend sur environ quatre kilomètres le long du Serein (sur l’illustration 6-B, la route Nord-Sud/droite-gauche longe le Serein), entre Chablis, hôtesse du Grand Cru, et Maligny qui est située à la limite Nord du climat ‘Fourchaume’. Complètement à droite, le versant terminal du GC est celui du climat Blanchot, qui se positionne principalement à l’entrée dans la vallée de Bréchain (non identifiée).
Les positions de la vallée de Fontenay et de la commune de Maligny constituent des repères pour délimiter le Premier Cru Fourchaume.
L‘objectif de cette image consiste à montrer qu’en vertu de l’inclinaison de 2o à 3o des formations rocheuses du Chablisien, le Kimméridgien supérieur et moyen (J8) s’enfonce irrémédiablement à partir de Maligny. Au delà de ce point vers le Nord, cette formation ne figure donc plus en tant que substratum de contact.


3 ⇒ : Géologie/géomorphologie: trois grands secteurs / trois types de terroirs

3.1→ Avant-propos

Nous tenons à le souligner: l’exposé de ce troisième volet résulte principalement de la consultation des études citées à la suite et de nos rencontres avec leur auteur respectif. Les contenus de ces études indiquent clairement que les sols des coteaux chablisiens, nommément et particulièrement ceux du Grand Cru et des Premiers Crus, comportent une empreinte significative de Portlandien (Calcaire du Barrois), qui est la formation lithologique surmontant celle du Kimméridgien supérieur et moyen (Marnes et Calcaires à Exogyra virgula).
Principales études consultées:
√ ‘Typologie des sols de l’Yonne – Plateaux de Bourgogne’, 1989, Denis Baize, pédologue, membre de la commission de l’INAO de révision des aires des AOC chablisiennes (±1976/78);
√  ‘Réalisation d’une typologie des sols du Chablisien et recommandations culturales associées’, 2006, Lucie Depuydt, œnologue (dossier de fin d’étude du Master Vigne et Terroir)

 


3.2 → Sur l’importance des ‘formations superficielles’

Pour bien saisir la suite, il importe de savoir qu’en général, les sols viticoles sont issus de l’altération de la roche-mère, laquelle correspond à l’une des deux formes suivantes:
√ le substratum, le soubassement rocheux sous-jacent;
√ une ‘formation supercielle’, soit une matrice d’une épaisseur significative constituée d’un agrégat − cailloux, pierres, sables, limons, argile, etc. − provenant, dans le Chablisien, de l’amont des coteaux via du colluvionnement() et/ou de l’alluvionnement (transport par flux d’eau). Le caractère pentu des coteaux de vignes est un pré-requis au colluvionnement; les pentes sont souvent supérieures à 15% dans le secteur des Premiers et Grands Crus du Chablisien. Cet important nappage du substratum par des colluvions et/ou alluvions, remaniées, est désignée ‘formation superficielle’. Celle-ci substitut le substratum en tant que roche-mère.

(♦) Le colluvionnement est issu du transport, via solifluxion (écoulement de boues, etc.), et du malaxage sur le coteau de matériaux divers, (fragments de roches, argiles, limons, ..,) provenant inéluctablement de l’amont, de partie(s) supérieure(s) du coteau. Dans le Chablisien, ce phénomène fut initialement induit au cours des périodes de glaciation, particulièrement par le phénomène de gélifraction. Aussi, il importe de souligner que le colluvionnement sur les coteaux comporte une bonne épaisseur sur les coteaux chablisiens, de plus d’un mètre en maints endroits.

Si en Côte d’Or, les sols résulte le plus souvent de l’altération du substratum, de la lithologie sous-jacente, au coeur du Chablisien, les sols des coteaux proviennent en large partie, voire en très large partie, de l’altération de ‘formations superficielles’.


3.3 → Aperçu par secteur

Secteur Sud-Est de l’aire de ‘Chablis’ (Béru,Poilly-sur-Serein, Viviers, …):
Le substratum des plateaux et des coteaux est constitué de Kimméridgien supérieur et moyen (‘Marne et Calcaires à Exogyra virgula’). Le colluvionnement sur les coteaux est du coup issu de matériaux de cette formation. (illustration ci-après, figure 7).

sol_kimmeridgien_CPartie Sud-Est du Chablisien
Fleys, Béru, Courgis, Préhy, Chichée, Chemilly sur-Serein, Poilly-sur-Serein, Viviers

Figure 7. La coupe montre schématiquement les lithologies du substratum et de la ‘formation superficielle’ présente sur les versants de la partie Sud-Est du Chablisien: Le Kimméridgien supérieur et moyen (J8), ou ‘Marne et Calcaires à Exogyra virgula’, est le substratum des plateaux et des parties supérieures et médianes du versant; la trame carrelée illustre les strates calcaires de J8 intercalées dans la marne kimméridgienne.
Les matériaux constituant la ‘formation superficielle’ qui nappe les coteaux est du même type de roche (J8).

La partie inférieure du coteau repose sur du Kimméridgien inférieur (J7b).
Les figures 7 et 8 sont des adaptations d’illustrations de l’étude de Lucie Depuydt, ‘Réalisation d’une typologie des sols du Chablisien et recommandations culturales associées’, 2006.

Secteur Nord-Ouest (Maligny, Lignorelles, Ligny-le-Chatel…)
À toute fin utile de Maligny jusqu’à la limite septentrionale de l’aire ‘Chablis’, tant les plateaux que les versants reposent sur du Portlandien (Calcaire du Barrois/J9), si bien que les sols sont irrémédiablement issus de ce calcaire.

Cœur du Chablisien (englobant les Grands Crus et les Premiers Crus):
Les plateaux surmontant les versants reposent sur un substratum de Portlandien (Calcaire du Barrois/J9). Le substratum des versants est principalement constitué de la formation du Kimméridgien supérieur et moyen (Marnes et Calcaires à Exogyra virgula/J8). C’est cependant la ‘formation superficielle’ − désignée sous ‘colluvions du Portlandien et du Kimméridgien supérieur et moyen’ dans la figure 8 − qui y constitue la roche-mère. Conséquemment, le sol des versants du secteur central est issu de l’altération de cette ‘formation superficielle’, mixant des matériaux du Portlandien et du Kimméridgien.

sol_portlandien_couleurCoteaux du cœur du Chablisien
Beine, Chablis, Poinchy, Milly, Fleys, Béru, Courgis, Rameau

Figure 8. Cette autre coupe est typique du contexte géomorphologique du cœur du Chablisien qui englobe les Grands Crus et les Premiers Crus. Le plateau supérieur repose sur du Portlandien (Calcaire du Barrois/J9). Le substratum des coteaux est formé de Kimméridgien moyen et supérieur/J8.
L’importante matrice (rappel: une ‘formation superficielle’) qui recouvre le coteau assemble des colluvions: d’une part, du plateau du Portlandien (Calcaire du Barrois) et, d’autre part, du niveau supérieur de la strate du Kimméridgien supérieur et moyen (Marnes et Calcaires à Exogyra virgula/J8).

Figure 9. L’illustration ci-contre (CLIQUEZ SUR CELLE-CI POUR L’AGRANDIR)  provient de ‘Carte des sols de l’Yonne – Chablis’ par Denis Baize et J. Chrétien, 1976.
Celle-ci figurait en page 46 du livre ‘Les vignobles de Chablis et de l’Yonne’ d’Henri Cannard (1999). Le texte d’accompagnement mentionnait entre autres que “les sols des pentes à substrat marneux sont, en fait, tapissés par un manteau de recouvrement, un ensemble colluvial, dont l’épaisseur varie de 40 cm à plus d’un mètre. C’est principalement sur de tels types de sols que sont installés les Grands Crus et les Premiers Crus du Chablisien.”
La coupe #3 (‘sols de pente à substrat marneux’) correspond aux versants des grands terroirs de Chablis. La demie supérieure, de 35 à 100 centimètres d’épaisseur, a trait à la ‘formation superficielle’, mixant de colluvions de Calcaire du Barrois et de Marnes et Calcaires à Exogyra virgula.

‘Overexposure’ (‘Kimméridgien’) / ‘Underexposure’ (‘Portandien’)

Un extrait (ci-conte) du site chablis.fr informe le lecteur de ce qui apparait être une forme d’idéalisation du terroir du Chablisien, le ‘Kimméridien’: “Chablis, au Nord de la Bourgogne, est un vignoble de bassin sédimentaire… Ce sous-sol à Chablis est appelé Kimméridgien… ‘Les vignobles du chablisien n’ont qu’une seule religion : le kimméridgien’ indique Jacques Fanet dans son livre Les terroirs du Vin, édité chez Hachette… À Chablis, on trouve dans le sous-sol des marnes grises qui alternent avec des bancs de calcaire parfois très riches en fossiles d’Exogyra virgula, petites huîtres en forme de virgule caractéristiques des marnes du Kimméridgien moyen et supérieur… C’est dans ce sous-sol particulier, affleurant par endroit, que les vins de Chablis puisent leur typicité, leur pureté, leur finesse, leur minéralité.” Rien n’est donc formulé sur l’incidence, pourtant significative, du Portlandien, le Calcaire du Barois.
CLIQUEZ SUR L’ILLUSTRATION POUR L’AGRANDIR.

De longue date, le Kimméridgien fait foi de tout concernant la géologie du chablisien. La première ‘mise en scène’ du Kimméridgien remonte à 1904 (ou 1908 selon la source), lorsque MM. Rousseau, directeur de la station agronomique de l’Yonne, et Georges Chappaz (1875-1953),  ingénieur agronome, professeur départemental d’agriculture et haut fonctionnaire de l’État, réalisèrent une monographie sur le vignoble de Chablis. lls y établissent que ”les vins de la région proprement dite de Chablis poussent sur un sol formé de marnes kimméridgiennes, de telle sorte que l’étude des terres du vignoble de Chablis est en quelque sorte l’étude des sols et des sous-sols d’origine kimméridgienne.” Jusque dans les années 1940, ces deux autorités furent incontournables lors des multiples épisodes visant à déterminer l’aire de l’AO, puis de l’AOC ‘Chablis’. Celle-ci fut fixée en 1938, selon une aire un peu plus restreinte que l’actuelle, en précisant ”à l’exception des parcelles non situées sur kimméridgien”. En 1960, le périmètre de l’AOC Chablis fut agrandi de 530 hectares, particulièrement dans le secteur Nord − sur les communes de La Chapelle Vaupelteigne, Malagny, Villy, Lignorelles et Fontenay − qui est plutôt appuyé sur un substratum de Portandien.

Toujours est-il que, présentement, bien peu de références officielles − que ce soit le décret d’appellation ou les sites internet d’autorité − font clairement valoir que, d’une part, la formation de Calcaire du Barois, le ‘Portlandien’, constitue le substratum d’une partie de l’aire actuelle de Chablis et que, d’autre part, la ‘formation superficielle’, donc la roche mère, nappant les coteaux du coeur du Chablisien est constituée en large partie de matériaux issus de ce même Portlandien. Cette ‘discrétion’ sur l’incidence du  Calcaire du Portlandien dans le vignoble Chablisien est tout de même étonnante. D’autant que la structure et la minéralité des vins de Chablis, particulièrement les Premiers et Grands Crus, comporte manifestement l’empreinte de ce calcaire.

Deux commentaires sur l’énoncé de MM Rousseau et Chappaz: Selon l’ancienne école de la géologie, prévalent au moment de leur ouvrage, la roche-mère correspondait strictement au substratum, d’où la référence seule au Kimméridgien. La partie de l’énoncé stipulant que ‘l’étude des terres du vignoble de Chablis est en quelque sorte l’étude des sols et des sous-sols d’origine kimméridgienne‘ est largement erronée puisque le sol chablisien assemblait et assemble toujours une part substantielle de matériaux de Calcaire du Barois.


3.4→ Diverses photos, schémas et vidéo ‘parlantes’

Les photos montrent la limite supérieure d’un versant attenant au Bois de Vau-Mâcon à Fleys, dans le cœur chablisien, en AOC Chablis. L’armature de la paroi rocheuse est de calcaire du Barrois (‘portlandien’). Le sol de ce haut de versant est formé de colluvions de calcaire.


Le jeu de croquis ci-contre schématisent les étapes d’altération du Calcaire du Barrois. L’illustration est tirée de ‘Typologie des sols de l’Yonne’, du pédologue Denis Baize.

 

La photo  (par monocepage) traduit en quelque sorte le schéma montré ci-devant. Elle fut prise tout juste au dessus du Grand Cru Les Clos.

 

Baize_substrat_marneuxIlustration d’une fosse-type des versants du cœur chablisien.
L’horizon supérieur représente le sol  de surface travaillé, labouré.
L’horizon du milieu, de 35 cm à un mètre d’épaisseur, voire au delà d’un mètre en certains endroits, correspond à du colluvionnement mixant des matériaux de  Calcaire du Barrrois (‘Portlandien’) à ceux du seuil supérieur de la formation de Marnes et Calcaires à Exogyra virgula (‘Kimméridgien’); voir ou revoir l’illustration 8. Cet horizon est celui dans lequel se développe principalement le réseau racinaire des vignes.
La partie inférieure est le substratum de marnes Kimméridgiennes.
Il est plausible que le réseau racinaire atteigne le seuil altéré de marnes Kimméridgiennes.

La construction du chemin mitoyen aux climats Bougros et Vaudésir a requis un sectionnement du sous-sol des Bougros. Sous le colluvionnement de surface, la paroi laisse apparaître le substratum de Marnes et Calcaires à Exogyra virgula (‘Kimmédigien’). Un des bien peu nombreux endroits du coeur du Chablisien laissant voir la Marnes et Calcaires à Exogyra virgula.

Vidéo de la maison Laroche montrant une fosse pédologique dans le climat des Vaillons. Nous attirons particulièrement votre attention sur le segment entre ±1 min. 30 sec. et 2 min. 30 sec., montrant les horizons associés au colluvionnement.



4 ⇒ Propos presque concluants

Toujours est-il … (partie 1)
… Que les spécimens de marnes renfermant les fameuses Exogyra virgula (Kimméridgien supérieur et moyen’), sont bien peu fréquents sur les sols du cœur du Chablisien. Vos balades au sein des Premiers et Grands Crus pour en trouver seront décevantes. En fait, les cailloux affleurants sont presque essentiellement issus du Calcaire du Barrois (Portlandien) résultant de colluvionnement. Le Kimméridgien étant enfoui sous la matrice de colluvions, vous le constaterez aux quelques endroits où des sections, des tranchées, ont été effectuées; ou encore sur des coteaux abrupts, comme en certains endroits du Blanchot.
Une énigme: le sol nourricier de la vigne des grands terroirs chablisiens résultant largement de l’altération de la matrice de colluvions de calcaire du Baroi (‘Portlandien’), pourquoi donc leurs vins renferment-ils des notes iodées et crayeuses bien propres à un sol associé à la marne kimméridgienne? La question a été posée à Denis Baize, pédologue, directeur de recherche à l’INRA, spécialiste de l’Yonne et expert consulté par l’INAO lors de la révision des AOC chablisiennes durant les années 1970. Sa réponse se lit dans la partie en gras de son propos: L’AOC Chablis (dans son ensemble) a été définie sur des critères beaucoup plus larges que la seule présence du Kimméridgien. Très souvent, le sous-sol intervient peu sur la composition du sol qui est alors développé dans une ‘formation de pente’ que nous avons nommée ‘formation superficielle’ partout de ce texte − très largement alimentée par des matériaux (cailloux, argiles) en provenance des plateaux portlandiens. Mais quand le sous-sol est marneux, surtout quand il est proche de la surface, situé à moins de 50 cm, par exemple, il a certainement une grande influence sur le goût du vin, via les racines profondes.” Le phénomène intrigue aussi d’autres professionnels des sciences de la terre que nous avons interpellés. Certains conçoivent que, étant drainant, le sol de colluvions issues surtout du calcaire du Barois suscite un enracinement plus profond, plausiblement jusqu’au contact avec le seuil altéré du substratum de marnes et calcaire à Exogyra virgula. Une autre hypothèse est avancée par Denis Baize: «le colluvionnement est probablement également issu des produits de l’altération des marnes du Kimméridgien du haut du versant». Ce qui est mentionné plus haut de cette couverture.
Concluons ce ‘toujours est-il’ en évoquant un propos de Olivier Humbrecht du fameux domaine alsacien Zind-Humbrecht (adhérent de la biodynamie), tenu à l’épisode ‘Terroirs d’excellence en Alsace’ (épisode 3 de la saison 2021) de la belle série télévisée ‘Des racines et des ailes’: «… les premiers 30 centimètres en surface, ce qu’on appelle la terre végétale, … n’est pas la partie la plus intéressante. La plus intéressante va se situer entre un mètre et un mètre cinquante, là où se trouvent les minéraux les plus caractéristiques du lieu qui vont donner un goût particulier au vin …»

 

Toujours est-il … (partie 2)
que par son omniprésence sur les versants du cœur du Chablisen, le colluvionnement portlandien transmet indubitablement son ’empreinte’ dans les vins. Il n’y a qu’un petit pas à faire pour formuler l’hypothèse que la structure des vins des Premiers et Grands Crus résulte en partie, peut-être même en bonne partie, de ‘ce contact’ avec des éléments de ce Portlandien altéré.
Faisons un petit pas additionnel. Le plateau ‘Portlandien’ qui surmonte le Grand Cru constitue le terroir qui livre certainement les Petit Chablis les plus consistants; plusieurs renommés producteurs sont propriétaires de parcelles de Petit Chablis de ce secteur et ils en sont fiers (Raveneau, Dauvissat, Billaud-Simon, Droin, etc.). Si bien qu’il est concevable que l’amplitude des vins du Grand Cru soit notamment attribuable à un faciès spécifique du Portlandien de l’endroit!

5 ⇒ Bibliographie principale

• Baize Denis (pédologue, membre de la commission de l’INAO de révision des aires des AOC chablisiennes (±1976/78), ‘Typologie des sols de l’Yonne – Plateaux de Bourgogne’, 1989
• Depuydt Lucie, œnologue, ‘Réalisation d’une typologie des sols du Chablisien et recommandations culturales associées’ (dossier de fin d’étude du Master Vigne et Terroir), 2006
• Fanet Jacques, ‘Les terroirs du vin’, 2001
• Wilson James,  ‘Terroirs’, 1998

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