Date de publication:

Crozes-Hermitage: topo et géologie

Révision: août 2022

Comme les autres vignobles de la région viticole du Rhône septentrional destinés particulièrement, ou essentiellement, à la production de vins rouges, la syrah est le cépage unique des Crozes-Hermitage rouges; la production de vins blancs de cette appellation étant nettement minoritaire. Toutefois, alors que la plupart des aires des AOC de la rive droite comportent des socles de roches cristallines sur coteaux pentus − granite, gneiss et schiste sur Côte Rôtie, Condrieu, Château-Grillet, Saint-Joseph, Cornas et Hermitage  − celui de l’AOC Crozes-Hermitage, sur la rive gauche, s’appuie particulièrement sur une roche-mère formée de sédiments fluvio-glaciaires. Crozes-Hermitage n’en est pas moins estimable. Un grand nombre de producteurs de la rive droite y ont d’ailleurs acquis des parcelles pour ajouter une syrah à prix plus doux à leur gamme. Il faut aussi savoir que le développement du vignoble de Crozes fut soutenu de ±1980 à ±2000, si bien les jeunes vignes n’y sont plus en fort surnombre et que les vins sont du coup plus aboutis; nombreux à être étonnants, bluffants. Bonne lecture.

CONTENU:
1⇒ Géographie/physionomie du vignoble
1-A→ Au sein de la région viticole du Rhône septentrional
1-B→ Aire de l’appellation
1-C→ Crozes-Hermitage et ses milieux environnants
1-D→ Commentaires sur le climat du milieu
2 ⇒ Un peu d’histoire
2-A→ Résurgence du vignoble en Rhône-Nord après une longue éclipse
2-B→ Une aire consécutivement exiguë, ‘boulimique’, et pondérée
2-C→ Création de l’AOC ‘Crozes-Hermitage’ en 1937: curiosité
3 ⇒ Encadrement de l’appellation
3-A→ Encépagement
3-B→ Règles en vertu du décret d’appellation
4 ⇒ Géologie/pédologie des trois grands secteurs de l’appellation
4-A→ Carte géo-pédologique de l’aire de Crozes-Hermitage
4-B→ Intro aux trois secteurs de l’aire
4-C→ Secteur Nord, berceau de l’appellation sur roches granitiques et gneissiques
4-D→ Secteur, considérable, des ‘Chassis’
4-E→ Secteur au ‘Nord-Est/alentours de Mercurol et Chanos-Curson’

5 ⇒ Les lieux-dits par secteur
→ Bibliographie

NOTICE: Les données afférentes à la géo-pédologie de Crozes-Hermitage sont tirées de ‘Étude géopédologique de l’aire de Crozes-Hermitage’ complétée en 2011 par la société SiGALES. Quelques illustrations en sont également puisées.


1⇒ Géographie/physionomie du vignoble

1-A→ Au sein de la région viticole du Rhône septentrional

Illustrations A. Une carte tirée du site (malheureusement périmé) vin-terre-net, que nous apprécions particulièrement pour la délimitation des départements. Crozes-Hermitage − l’aire de celle-ci est détachée en deux secteurs colorés en rouge sur la carte − et Hermitage, coloré en vert, sont les seules AOC de la rive gauche du Rhône, dans le département de la Drôme.

Cliquez sur l’illustration pour l’agrandir.

Illustration B. Cette autre carte apporte des détails qu’omettent presque toutes les cartes viticoles du Rhône septentrional (dont la carte précédente): elle situe, assez correctement, la minuscule (2,7 hectares) aire de l’AOC ‘Château-Grillet’ (qui y est plutôt nommée ‘Château-Juillet’!) qui est enchâssée dans l’aire de Condrieu. Aussi, il y est signalé, en couleur orangée, le segment sur quatre communes qui est commun à Condrieu et Saint-Joseph.

 Six appellations à l’Ouest du Rhône, sur la rive droite. Du Nord au Sud: Côte Rôtie, Condrieu, Château Grillet, Saint-Joseph, Cornas et Saint-Péray.
Deux à l’Est du Rhône, donc sur la rive gauche: Crozes-Hermitage et Hermitage.


1-B→ Aire de l’appellation

Illustration C et D. Celle de gauche correspond à une superposition de l’aire spécifique de Crozes-Hermitage − tirée du ‘Grand atlas des vignobles de France’ de Benoit France − sur Google Earth.
Extraite du cahier des charges de l’appellation.
L’illustration de droite est une vue schématique de l’aire, délimitant les onze communes qui y sont comprises. L’aire se situe à la confluence de l’Isère − rivière majeure qui prend sa source dans le massif des Alpes − avec le Rhône. Le Rhône à l’Ouest et les rivières de de l’lsère, au Sud, et de l’Herbasse, à l’Est, constituent des frontières naturelles de Crozes-Hermitage. En fait, au cours des périodes de glaciation du pléistocène − débutées il y a 1,65 million d’années et s’étant terminée il y a 10 000 ans −, les alluvions charriées par le cours de l’Isère ont produit le plus grand secteur du terroir de Crozes-Hermitage, nommé Terrasse des Chassis.

Alors que les vignobles de la rive droite du Rhône (Côte-Rôtie, Condrieu, Saint-Joseph, …) occupent la bordure du Massif Central, en lisière du Rhône, celui de Crozes-Hermitage recouvre en majeure partie − plus de 65% de l’aire − un périmètre de la plaine de Valence (voir l’illustration E à la suite), au Nord-Est de la rencontre de l’Isère avec le Rhône; ce grand secteur est nommé ‘Les Chassis’. Non propice à l’agriculture alors que propice à la viticulture et l’arboriculture, le paysage de ce secteur est relativement plat, avec quelques ondulations.


1-C → Crozes-Hermitage et ses milieux environnants

⇓⇓⇓ aire de Crozes-Hermiage intégrée à ‘Plaine de Valence’ ⇓⇓⇓

Illustration E. Extraite de ‘Étude géo-pédologique de l’aire de Crozes-Hermitage’ réalisée en 2011 par la société SiGALES. Cette vue en coupe Ouest-Est (gauche-droite) traverse le principal secteur de l’appellation, celui des Chassis, dans la Plaine de Valence. La position du Rhône n’y est pas indiquée, alors que ce fleuve se situe dans l’axe du premier tireté vertical depuis la gauche.
La Plaine de Valence est encaissée entre deux massifs: le Massif Central (secteur Mont d’Ardèche) s’impose immédiatement au delà du Rhône à l’Ouest; l’aire de Saint-Joseph occupe d’ailleurs la bordure du Massif Central. Le massif du Vercors se situe dans le prolongement la Plaine de Valence, du côté oriental.

La partie de la Plaine de Valence représentant l’aire de Crozes-Hermitage est dite fluvio-alluviale. Ce périmètre fut comblé par des galets, sables, limons et autres éléments charriés par les torrents de fontes de glaciers durant les périodes de glaciation du pléistocène, débutées il y a 1,65 million d’années et s’étant terminée il y a 10 000 ans.

Illustration F. Une carrière située en périphérie du secteur des Chassis, expose les couches impressionnantes de sédiments fluvio-glaciaires. Plusieurs dizaines de mètres de sable, graviers et galets forment la roche-mère − cette formation dite ‘superficielle’ se substituant alors au substratum en tant que roche-mère de ce secteur, le plus vaste de l’appellation. L’arrière-scène montre la bordure du Massif Central sur l’autre rive du Rhône; on y aperçoit des vignes de l’aire de Saint-Joseph, à Saint-Jean-de-Muzols.


1-D→ Commentaires sur le climat du milieu

Ce paragraphe-ci du décret d’appellation est éloquent: “Au sud de la commune de Tain-l’Hermitage, les influences méditerranéennes − La région de Valence est la frontière Nord de la zone méditerranéenne stricte sont plus franches, caractérisées par un bon ensoleillement et des températures moyennes élevées. Le régime des précipitations est assez équilibré sur l’ensemble et permet le maintien d’un régime hydrique et d’une ressource en eau particulièrement adaptés à la culture de la vigne, à l’exception du secteur dit des « Chassis », où les galets roulés reposent sur des sols dont la faible réserve utile en eau peut parfois provoquer un stress hydrique de la vigne. Autrefois toute cette région était d’ailleurs vouée à l’arboriculture et abondamment irriguée.”



2 ⇒ Un peu d’histoire

2-A→ Résurgence du vignoble en Rhône-Nord après une longue éclipse

La superficie du vignoble en Rhône septentrional a varié selon les époques de façon très contrastée. Entre autres, très étendu et renommé qu’il était au milieu du 19e siècle, le vignoble s’est amenuisé dramatiquement par la suite pendant plus d’un siècle.
Au 18e et 19e siècles, l’extension du vignoble de France est d’ordre général constante. Portée par un essor économique et des progrès dont l’avènement du train, la superficie en vignes atteint son apogée historique en Rhône-Nord au milieu du 19e. Cette longue prospérité est cependant suivie de près d’un siècle de repli dramatique, entre ±1870 et ±1970. Les vignobles du Rhône Nord subissent alors tous un processus de contraction, d’abandon assez systématique, particulièrement sur les parties en coteaux.
D’abord, la crise phylloxérique des dernières décennies du 19e siècle détruit tout le vignoble de France. Puis une suite d’avatars engendrés par l’homme se succèdent, voire s’amalgament: 1) La surproduction des années 1900 (la forte prospérité du vignoble languedocien, les importations de vins algériens et la production de vins factices ont entrainé des surproductions un peu partout en France); 2) les marasmes des deux guerres mondiales; et 3) une interminable période de mévente du vin, jusqu’à ±1960, explicable par les révolutions dans les pays de l’Est, la crise économique des années 1930, la prohibition aux États-Unis, la perte de marchés traditionnels par les guerres, etc…
En concomitance à ces crises et léthargies dans la viticulture rhodanienne, la région septentrionale de la Vallée du Rhône et la vallée voisine du Giers, connaissent un fort essor économique; c’est l’époque des Trente Glorieuses. Une partie de la main d’œuvre viticole se détourne des coteaux pentus, impliquant des tâches harassantes, pour intégrer les nouveaux emplois moins exigeants et/ou plus rémunérateurs et réguliers dans les nouvelles usines et ceux en découlant dans la sphère économique des services. Par ailleurs, l’extension des milieux urbains crée une pression spéculative sur leur périphérie viticole respective. En outre, la production de vins courants et les activités agricoles, maraichères et d’arboricultures (desserte du marché parisien par le train) − le grand secteur des ‘Chassis’ de Crozes-Hermitage était alors largement planté d’arbres fruitiers et il l’est encore en partie aujourd’hui − substituent la vigne sur les plateaux et dans les parties basses des vignobles. Qui plus est, les coteaux escarpés en Rhône-Nord restreignent l’introduction, au milieu du 20e, de la mécanisation des travaux viticoles, laquelle s’est généralisée partout ailleurs. La viticulture en Rhône-Nord est ainsi partout en léthargie, jusqu’à vers 1970/1980. Notamment, le vignoble de Cornas se contracte jusqu’à une surface de 50/60 hectares. Pire, celui de Condrieu s’amenuise à moins de dix hectares!


2-B→ Une aire consécutivement exiguë, ‘boulimique’, et pondérée

L’appellation Crozes-Hermitage, a été créée en 1937. Elle était alors limitée à la seule commune(♦) dont elle porte le nom en raison de la notoriété acquise grâce à quelques parcelles retenues en AOC Hermitage… Il faut attendre 1952 pour que le décret englobe les dix autres communes environnantes.  Ce n’est qu’après l’extension de l’appellation que le vignoble se développa.” (vins-rhone.com).

L’extension de 1952 englobait 4800 hectares. Les acteurs du milieu prirent conscience que cette surface comportait des zones peu propices à une viticulture qualitative. Durant les années 1980, une importante contraction de l’aire fut donc convenue de concert avec l’INAO. En 1989, la surface potentielle fut alors contractée à 1400 hectares. Sur l’autre rive du Rhône, l’aire de l’appellation Saint-Joseph avait été successivement accrue et comprimée de la même façon, sensiblement aux mêmes périodes.

(♦) L’aire était alors réduite à seulement une partie de la commune de Crozes-Hermitage, soit “à l’exception des terrains d’alluvions modernes et de ceux non destinés à la culture de la vigne, en raison des usages locaux“… Une nomenclature des quartiers permet de tracer précisément les limites de la zone géographique originelle (de Crozez-Hermitage): Bourret, Les Habrards, Martinet, Les Méjeans.” source: cahier de charges de l’appellation.

Toujours est-il …
En 1952, l’aire s’agrandit donc sur dix autres communes...
Le site vins-rhone.com indique ‘extension de l’appellation’. ‘Extension’ est un euphémisme. Il eut été plus juste d’écrire ‘déploiement’ puisque l’aire fut considérablement distendue; de ‘une partie’ de la commune de Crozes-Hermitage, à onze communes; la part du berceau ne représentant conséquemment ±5% de l’aire entière.
Ce ‘déploiement’ fut manifestement une opération perspicace, voire futée, puisque le nom, notoire, de Hermitage demeurait associé au ‘renouveau’ de l’appellation.
Qui plus est, cette expansion fut opportuniste car la géo-pédologie de la zone d’extension était, et demeure bien entendu, nettement différente de celle de l’aire initiale.
Il s’agissait en quelque sorte d’une nouvelle appellation.

 


2-C→ Création de l’AOC ‘Crozes-Hermitage’ en 1937, une curiosité

Lors de la mise en place des AOC au milieu des années 1930, le vignoble en Rhône-Nord est alors en léthargie. Les AOC de Saint-Péray et Château-Grillet sont néanmoins créées en 1936, et celles de Hermitage et Crozes-Hermitage en 1937. En fait, il n’est pas étonnant que Saint-Péray et Hermitage aient obtenu promptement leur AOC puisqu’elles étaient déjà détentrices, respectivement, d’une AO; voir impérativement l’illustration à la suite et le texte afférent.
Il peut cependant paraitre curieux, étonnant, que ‘Crozes-Hermitage’ ait obtenu une AOC alors que ce vignoble était lilliputien et sans antériorité, mais jouxtant favorablement un vignoble renommé. Crozes-Hermitage a manifestement bénéficié de l’expérience du milieu de Hermitage.
Le pré-requis, incontournable, à la naissance d’une Appellations Contrôlée − AO selon la Loi en vigueur durant la période 1919-1935 −, et subséquemment d’une AOC, consistait en l’existence et l’implication d’un organisme de représentation des producteurs du territoire viticole concerné. Or, le cahier des charges de l’AOC Crozes-Hermitage nous apprend que “les principales structures de production ou représentatives des producteurs, locomotives de la viticulture sur Tain-l’Hermitage datent de cette période difficile (sont):Syndicat des viticulteurs du canton de Tain-l’Hermitage, producteurs de grands vins’ (1927), (et) cave coopérative de vins fins de Tain-l’Hermitage (1933)…” Ainsi, ce ne serait donc pas deux mouvements de producteurs, un pour Hermitage et l’autre pour Crozes-Hermitage − à l’exemple du contexte bourguignon; exemples: ‘syndicat (communal) des producteurs de Gevrey-Chambertin’ et ‘syndicat (aire de cru spécifique) des producteurs de vins fins de Chambertin’ −, mais bien le même organisme (ou deux organismes), à l’échelle cantonal, qui aurait(ent) animé la création des deux appellations.

Cliquez sur l’illustration pour l’agrandir. (Manque l’AO ‘Clos Saint-Jacques’ sur la carte).

Illustration G. La Loi des AO, majeure, étonnamment peu signalée dans la littérature sur le vin de France, fut précurseure de celle des AOC de 1935. Le cadre de cette Loi permettait aux milieux viticoles de revendiquer des Appellations par voie judiciaire. La viticulture étant passablement inanimée en Rhône-Nord durant cette période et on ne s’en soucia manifestement pas, ou peu; il est ainsi étonnant que Hermitage et Saint-Péray aient acquis respectivement une AO.

Carte obtenue de Olivier Jacquet, auteur de ‘Un siècle de construction du vignoble bourguignon’ (2009) et divers textes disponibles sur internet, entre autres cet ouvrage important: ‘Les appellations d’origine et le débat sur la typicité de la première moitié du 20e siècle: le rôle du syndicalisme viti-vinicole bourgignon‘.

Manque l’AO ‘Clos Saint-Jacques’ sur la carte.

 

 



3 ⇒ Encadrement de l’appellation

3-A→ Encépagement

L’appellation produit des vins tranquilles rouges et blancs. En vin rouge, la syrah est le cépage dominant, minimum de 85%, quoique en pratique généralement exclusif; les cépages potentiels d’appoints étant la marsanne et/ou la roussanne.
Les Crozes-Hermitage blancs, représentant une peu moins de 10% de la production totale de l’appellation, sont issus des deux derniers cépages nommés, en proportion libre.

En 1988, la syrah ne comptait en France que pour 2% de l’encépagement en vin rouge (soit l’année d’édition du ‘Livre des cépages’ de Jancis Robinson). Sa grande notoriété actuelle découle primordialement de son emploi ‘impérial’ en Rhône septentrional.

3-B → Règles en vertu du décret d’appellation

Altitude maximale de plantation fixée à 350 mètres.
√ Densité minimum de plantation: 4 000 pieds/ha; chaque pied disposant d’une superficie maximale de 2,50 mètres carrés.
√ Rendement de base: 45 hl/ha.
Rendement butoir: 50 hl/ha.
√ Titre alcoométrique: Les vins doivent présenter un titre alcoométrique volumique naturel minimum de 10,5 %.

Illustration H. Plusieurs dizaines de mètres de sable, graviers et galets forment la roche-mère du secteur des ‘Chassis’, le plus vaste de l’appellation.
De 4 000 pieds/ha, la densité minimale de plantation avantage une gestion motorisée du vignoble.
Le sol du grand secteur des Chassis étant très drainant, voire problématique en circonstance de sécheresse, une densité minimale plus élevée pourrait être inopportune (voir le volet suivant).



4 ⇒ Géologie/pédologie des trois grands secteurs de l’appellation

Nous décrivons les trois grands secteurs de l’appellation selon leur physiographie, pédologie et géologie.

4-A→ Carte géo-pédologique de l’aire de Crozes-Hermitage

Illustration i. Carte de l’aire de Crozes-Hermitage tirée de ‘Étude géopédologique de l’aire d’appellation Crozes-Hermitage: rapport général’ produite par la société Sigales.


4-B→ Intro aux trois grands secteurs de l’aire

L’aire de l’appellation est très contrastée, tant au regard de sa physiographie que de sa géologie.
• Le secteur ‘appendice Nord-Ouest’ de l’appellation, s’étirant de la commune de Crozes-Hermitage à Serves-sur-Rhône, comprend des coteaux granitiques passablement pentus.
• Le considérable secteur ‘Sud, nommé des Chassis’, est constitué de dépôts fluviaux-glaciaires. Très spécifique, ce secteur a une morphologie de plaine, faiblement ondulée.
• Le secteur Nord-Est/alentours de Mercurol et Chanos-Curson comporte un ‘panachage’ de contextes physiographiques et géologiques.


4-C→ Secteur ‘appendice Nord-Ouest’, berceau de l’appellation, sur roches granitiques et gneissiques

De superficie plutôt réduite, représentant approximativement 5% de l’aire de Crozes-Hermitage, ce secteur forme le berceau de l’appellation.

Illustration J et K. Ce secteur qui s’étire, tel un appendice, de Crozes-Hermitage, la commune, à Serves-sur-Rhône à l’extrémité Nord, ne représente que ±5% de l’aire de l’appellation.

Le substrat est formé de granite de Tournon et de gneiss, et le vignoble est aménagé en bonne partie en terrasses étant donné son caractère assez pentu et du peu de stabilité du sol ‘d’arène’, constitué de sable et de graviers.
Ce secteur est le seul de l’appellation qui s’apparente à la physiographie et la géologie des appellations de la rive droite de la région du Rhône septentrional (Côte Rôtie, Saint-Joseph, …) et d’une partie de Hermitage, qu’il jouxte d’ailleurs.

Granite de Tournon: granite clair à gros cristaux qui se constate aussi dans la partie méridionale de l’aire de Saint-Joseph, entre Tournon et Cornas. Sa composition minéralogique: ± un tiers de quartz; ± un tiers d’orthose (un des principaux types de feldspath) et ± un tiers d’oligoclase (autre type de feldspath, dit plagioclase); et biotite (mica noir).

Gneiss (illustration à la suite): issu de la transformation par des facteurs physico-chimiques d’une roche en une autre nature de roche, alors du type métamorphique. La minéralogie du gneiss est assez identique à celle du granite: quartz, feldspath et  micas. Les minéraux sont cependant organisés en litages (débit de la roche en couches successives; synonymes: foliation ou schistosité).

Saprolite (illustration à la suite): Le saprolite représente le premier stade d’altération du granite. Il forme un horizon logé entre l’horizon de sol meuble en surface, nommé ‘arène’, et le substrat rocheux. Le granite s’est alors désolidarisé, transformé (de l’argile s’est notamment formé), mais conservant une cohésion interne (les grains conservent leur arrangement primitif). La couleur devient rouille.

Arène granitique: état du granite entièrement altéré, désagrégé. À ne pas confondre avec ‘saprolite’.

Illustration L
À gauche, des morceaux de granite.
Si dur soit le granite, il est composé de minéraux qui sont altérables; les quartz, feldspath et mica étant des gros cristaux fragilisés par les variations de température et d’humidité, particulièrement feldspath et mica.
Au haut à droite, une masse de saprolite tranchée en deux, de couleur rouille.

L’altération, la transformation des minéraux en d’autres minéraux, du granite dur en saprolite, est un phénomène considérablement lent: l’altération de 1 à 10 cm requiert ±10 000 ans.
Le saprolite emmagasine l’eau tout en évacuant l’excès.
Au bas à droite, une poignée d’arène granitique, le stade de désagrégation final du granite; présent en surface.

4-D → Secteur, considérable, ‘des ‘Châssis’

En maints endroits de la France, de nombreux épisodes de glaciation ont donné lieu à des phénomènes d’alluvionnement remarquables.
Au cours des phases de dégel, l’Isère, affluent important du Rhône qui prend sa source dans les Alpes et traverse entre autres le Massif du Vercors, a charrié dans ses torrents d’eau de fonte, sur 100 à 400 kilomètre, des masses de matériaux rocheux arrachés au socle par les glaciers alpins. Gigantesques, les quantités transportées furent étalées, tel un delta, à la confluence du Rhône. Ce ‘délestage’ produit durant les glaciations/dégels de la période de Würn − il y a environ 120 000 ans à 10 000 ans / (voir le tableau joint ci-bas) − a notamment produit un agencement de terrasses et de chenaux couvrant le secteur viticole actuel nommé ‘Les Chassis’ (voir l’illustration ‘Q’ plus bas). S’inscrivant dans la ‘Plaine de Valence’, ce vaste secteur alluvionnaire couvre les deux tiers de l’aire de Crozes-Hermitage. Le secteur est faiblement ondulé; les altitudes variant globalement de 120 mètres à 145 mètres. La capacité de réserve en eau du secteur étant faible, des périodes de plus de 15/20 jours sans pluie sont susceptibles de créer des stress hydriques.
Une forte majorité des producteurs y détiennent des parcelles.

Illustrations M et N. À droite, les avancées hypothétiques des glaciers des périodes Riss (——) et Würm (…….). Ayant pénétré le Bas Dauphinée, les langues glacières se sont arrêtées avant Romans-sur-Isère.

Illustration 0. Situé en plaine, le considérable secteur ‘Les Chassis’ délimité entre autres par le Rhône (à gauche de l’illustration) et l’Isère (à droite de l’illustration)

L‘illustration P, au haut à gauche est la section de la carte géo-pédologique correspondant au secteur ‘Les Chassis’ soit les zones en bruns, pâle et foncé, et rosâtre.
Lillustration Q au haut à droite: Elle vise à illustrer que le secteur fut sillonné par des chenaux lors de la formation la plaine alluviale. Les sillons ont induit un type spécifique de sol alluvionnaire que la carte géo-pédologique, qui lui est adjacente, illustre. Le paysage des Chassis comporte des ondulations et dépressions allongées correspondant aux reliquats des chenaux du temps périglaciaire.

L‘illustration R, semblable à l’illustration F, au bas à gauche est le flanc d’une carrière située sur dans le secteur des Châssis. Épaisse de vingt à trente mètres, l’impressionnante sédimentation alluvionnaire, fluvio-glaciaire, comprend des couches de compositions variables d’argile, de sable, de galets et cailloux cristallins (déplacés depuis les Alpes) et calcaires (depuis les pré-Alpes). Cette sédimentation représente la roche-mère, le ‘matériau parental’ (matériau dont l’altération produit le sol meuble) de ce secteur.
L’illustration S au bas à droite montre de plus près les éléments du sol, notamment les galets, des pierres très émoussées lors de leur roulement/frottement dans les flots d’eau de fonte des glaciers, typiques des vignes du Chassis.


4-E → Secteur au ‘Nord-Est/alentours de Mercurol et Chanos-Curson’

Secteur d’environ 600 hectares en exploitation, soit approximativement 30% de l’aire de Crozes-Hermitage. Ce secteur surmonte celui des Châssis, entre les altitudes de ±260 mètres et ±360 mètres; un talus de 10/15 mètres détache ce secteur à celui des Châssis.

Illustrations T et U. Ce secteur se situe très majoritairement au Nord de la route D532 qui sépare grosso modo ce secteur de celui des Châssis au Sud. Il s’inscrit dans les alentours des communes de Mercurol et Chanos-Curson, ainsi que la zone à l’Est de Crozes-Hermitage et Larnage. La géologie y est variée, ‘panachée’. Voici, à la suite, certaines unités géologiques constatées.

La géo-pédologie y est panachée: des fractions éparses de, entre autres, ‘hautes terrasses alluviales à galets’, ‘loess’ et ‘marnes pliocènes’.

‘Hautes terrasses alluviales à galets’: Les phases de glaciation, gels-dégels, sur plusieurs milliers d’années ont déterminé un jeu de terrasses emboutées, dont les plus hautes correspondent aux alluvionnements les plus anciens. L’illustration V adossée montre ce jeu de terrasses. Celles-ci comporte chacune une ‘personnalité’ de sol.

 

√  ‘Loess‘: D’origine éolienne, il s’agit de dépôts limoneux sableux, de texture douce et de couleur brun-jaune. Ils ont été soufflés sur de longues distances et se sont déposés en pourtour des plateaux.

√ ‘Marnes du Pliocène‘: Entre deux terrasses sédimentaires (voir l’illustration V ci-devant), s’observe parfois des dégagements de Marnes du Pliocène (une époque). Cette formation constitue en fait le substrat rocheux, qui ne représente plus la roche-mère puisque substituée sous ce titre par la formation de sédiments.

 

 

 

 

 



5 ⇒ Les lieux-dits par secteur

→ Secteur de roches cristallines en ‘appendice au Nord-Ouest’: de la commune de Crozes-Hermitage à Sevres-sur-Rhône à l’extrémité Nord

→ Secteur ‘Nord-Est/alentours de Mercurol et Chanos-Curson’

→ Secteur ‘Sud, des Chassis’

⇒ 6 Bibliographie

VOIR: ‘Bibliographie: Région Rhône-Nord