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Crus du Beaujolais: géologie-pédologie

Mise à jour: mai 2020

SOUS CE SEGMENT:

1 ⇒ Mise en situation sur la région du Beaujolais
2 ⇒ Géo-pédologie du secteur des dix Crus du Beaujolais
2.A → Cartographie et descriptif sommaire de la géo-pédologie
2.B → Aperçu des trois principaux types de ‘roches-mères’

N.B.: Les principales sources documentaires de ce segment sont le ‘Rapport général de l’Étude géo-pédologique des terroirs du Beaujolais’ et le ‘Rapport (individuel) pour le Cru Moulin-à-Vent’ réalisés par SIGALES (bureau d’études spécialisé dans la cartographie, les études de sols et de terroirs viticoles), pour le compte de l’Inter-Beaujolais, en partenariat avec l’Union des Vignerons du Beaujolais.
Nous remercions particulièrement les personnes suivantes qui ont directement et aimablement collaboré à la mise à notre disposition de ces documents: Audrey Charton, présidente (lors de la production de ce topo) de l’Union des Crus du Beaujolais et Bruno Pin, président (lors de la production de ce topo) de l’ODG (Organisme de Défense et de Gestion) du Cru Moulin-à-Vent.

Au sujet du rapport entre la géologie et le terroir: « Le granite (et les roches métamorphiques associées au granite, comme le micaschiste de Côte Rôtie) est une roche très sensible à l’altération (ou désagrégation), car le feldspath et le mica, qui le composent avec le quartz, sont facilement désorganisés. Les radicelles (des racines) extraient des éléments chimiques: le feldspath donne surtout du potassium, du calcium et du sodium; le mica donne du fer, du magnésium et du potassium. Une fois que ce réseau minéral est appauvri (ou dégradé), l’échafaudage du silicate d’aluminium s’effondre; silice et alumine se recombinent pour donner des argiles. Et là, tout est gagné en matière de terroir. »
Propos de Georges Truc, œnogéologue
, en 2015  à la revue Le Rouge et le Blanc (no117)

1 ⇒ Mise en situation sur la région du Beaujolais

Le monts accueillant les crus du Beaujolais se situent dans la partie Nord-Est du Massif central, dernier contrefort au Nord-Est.

L’illustration de gauche, empruntée du rapport géo-pédologique du Beaujolais, représente une carte simplifiée couvrant la partie Nord-Est du Massif Central. Celui-ci est formé principalement de roches cristallines, représentées en ocre. Des roches sédimentaires, représentées en bleu, bordent le secteur oriental du Massif en certains endroits, entre autres dans le secteur en AOC régionale ‘Beaujolais’ logé entre Maçon et Lyon. Le rectangle délimité en rouge isole les régions du  Beaujolais et du Mâconnais.
Illustration de droite: Situé au Sud de Mâcon, le secteur des dix Crus du Beaujolais repose en très large partie sur un substratum granitique. Situé au Nord-Ouest de Lyon, le secteur des Beaujolais régionaux (AOC ‘Beaujolais’), nommé Pays des Terres Dorées, repose plutôt sur des roches sédimentaires, sur un socle ‘argilo-calcaire’. Localisé entre les deux secteurs nommés, celui des Beaujolais-Villages (illustré par la couleur rouille), est principalement appuyé sur un socle granitique, comme celui des Crus.

VUE EN 3D DES CRUS DU BEAUJOLAIS

Cliquez sur la carte pour la grossir. Réalisée par monocepage à partir de Google Earth, cette carte montre les dix Crus du Beaujolais en 3D. La prise de vue est depuis la rive gauche de la Saône. Les Crus sont positionnés sur la bordure du Massif Central, littéralement sur son flanc terminal, oriental. Cisaillé par de nombreuses rivières et biefs, cette bordure est très accidentée. La plaine de la Saône s’étend immédiatement à l’Est du cortège des Crus du Beaujolais.
De gauche à droite: 1) Brouilly (jaune)  2) Côte de Brouilly (vert) 3) Régnié (orange) 4) Morgon (rouge) 5) Chirouble (bleu)  6) Fleurie (vert)  7) Moulin-à-Vent (jaune)  8) Chénas (orange)  9) Juliénas (bleu)  10) Saint-Amour (rouge).

VUE AÉRIENNE DES CRUS DU BEAUJOLAIS


2 ⇒ GÉOLOGIE DU SECTEUR DES CRUS DU BEAUJOLAIS

2.A → Cartographie et descriptif sommaire de la géo-pédologie (légende au bas de l’illustration)

Mosaïque géo-pédologique du secteur des Crus du Beaujolais, composée de quatre images juxtaposées. Cliquez sur celles-ci pour les agrandir. Il est assez net que deux types de formations caractérisent ±90% du secteur des Crus: la formation typiquement granitique, essentiellement observée en coteau, et celle désignée sous ‘formation de piémont’.
Les ‘formations de piémont et alluvions anciennes’ n’occupent que la base du grand versant des Crus du Beaujolais. Celles-ci sont constituées de matériaux provenant des coteaux granitiques qui ont été transportés sur le piémont par les activités, répétitives, dalluvionnement et colluvionnement, qui l’ont littéralement nappé. Les pédologues et géologues désignent ce type de nappage, en l’occurrence de plus d’un mètre de profondeur, de ‘formation superficielle’  (en superficie, au dessus du substrat granitique) et qualifie celle-ci de roche-mère du milieu.

Précisions importantes afférentes à la terminologie utilisée:
Le terme ‘substratum‘ ou ‘substrat‘, désigne le socle rocheux sous-jacent; nous employons aussi le terme ‘sous-sol‘ en guise de synonyme.
Une ‘formation superficielle‘, de plus d’un mètre d’épaisseur, nappe le substratum en maints endroits sur le piémont. C’est cette ‘formation superficielle’ qui constitue alors la ‘roche-mère‘. Les ‘sols d’alluvions et de colluvions du piémont’ représentent des ‘formations superficielles’.
Le terme ‘roche-mère‘ apparait inapproprié pour maints pédologues qui lui préfèrent la désignation de ‘matériau parental‘. Nous utilisons néanmoins le terme ‘roche-mère’ étant donné son usage et sa compréhension généralisée.


2.B → Aperçu des trois principaux types de ‘roches-mères’

La légende compte une dizaine de types de roches-mères. Deux types sont prédominants: ‘les granites‘ et les ‘formations de piémonts‘. Ces deux types de roches-mères recouvrent ensemble ±90% du secteur des Crus. Celles-ci sont décrites brièvement à la suite. Par ailleurs, nous avons jugé bon de décrire également un troisième type de roche-mère qui, bien que couvrant que 9% du secteur des Crus, est néanmoins notoire étant donné l’aspect spectaculaire de ses pierres: les ‘roches volcaniques bleutées ou schisteuses‘, dont les fameuses ‘pierres bleues’ présentes particulièrement sur les crus de Morgon et Côte de Brouilly.

♦ Les granites:
Description du granite et sa position usuelle sur le territoire des Crus du Beaujolais:
Les crus du Beaujolais sont situés sur un segment de la bordure Nord-Est du Massif central, ainsi sur le versant terminal de celui-ci et son piémont. Ce massif montagneux est composé principalement de granites et de roches métamorphiques apparentées, particulièrement le gneiss et le mica. De la famille des roches ‘magmatiques’, le granite résulte du refroidissement du magma souterrain.
Roche très dure, le granite est composé de trois minéraux: quartz, feldspath et mica. Dans le secteur des Crus du Beaujolais, ses grains sont de moyen à gros et sa couleur est variablement grisâtre, beige ou rose. Sur les aires de Fleurie et Moulin-à-Vent, sa couleur est surtout rose. Il est désigné de granite d’Odenas-Fleurie.
Le granite représente la roche-mère de ±50% du secteur entier des Crus; ±65% en excluant les aires de Juliénas, Saint-Amour et Côte de Brouilly.
Malgré leur réputation de roche dure et massive, les granites sont vulnérables à l’érosion car assez rapidement (tout étant relatif, longueur de temps tout de même) affaiblis par l’altération chimique, notamment par les cours d’eau. Le granite s’altère, se dégrade, en perdant sa dureté, devenant poreux et en gonflant quelque peu, tout en conservant son organisation; l’état de ce premier stade d’altération est désigné de ‘saprolite’ de granite, l’altérite du granite. Sous cette dernière forme, la masse contient dorénavant de l’argile (peut ainsi stocker de l’eau), puisque deux minéraux composant initialement le granite, le feldspath et le mica, en produisent en s’altérant. La texture du saprolite est sablo-argileuse et en mesure de stocker de l’eau. Le contact avec le saprolite s’établit à une profondeur variable, d’ordre général à 40/60 cm. Entre la surface et le seuil du saprolite, le granite est entièrement dégradé, désengrené, et forme le sol meuble, surtout sableux; ce sol meuble, porte le nom ‘d‘arène’. Bien reconnaissables par leur caractère sablonneux, du sable à gros grains, les sols de surface sont tantôt minces, particulièrement dans les zones en altitude, tantôt d’épaisseur moyenne, mais toujours acides.

Les pierres à gauche sont des morceaux de granite. Les agrégats de couleur rouille, ocre, constituent du  ‘saprolite’, le premier stade d’altération du granite, quand les cristaux se désolidarisent; le ‘saprolite’ n’est plus de la roche. La petit amas sablo-limoneux constitue du sol de surface, nommé ‘arène’, du granite entièrement désengrené.

♦ Les formations (dites) de piémonts et d’alluvions anciennes:
Si le granite constitue la principale roche-mère observée en coteaux, la ‘formation de piémonts et d’alluvions anciennes’ (selon la légende de la carte) est dominante à la base des coteaux, sur les piémonts tel que l’indique la dénomination. (N.B. Dans le rapport spécifique à Moulin-à-Vent, Sigales nomme plutôt cette formation sous ‘formation alluvio-colluviales annciennes’.)
Cette formation qualifiée de ‘formation superficielle’ par les géologues et les pédologues résulte du transport vers le piémont de matériaux granitiques provenant des coteaux, remaniés ‘chemin faisant’. Ce déplacement s’explique par les activités d’alluvionnement (transport par des flux d’eau) et de colluvionnement (déplacement par gravité). Les dépôts ont investi le piémont par couches successives il y a entre dix milles et plusieurs centaines de milliers d’années.
De natures relativement différentes d’un point à un autre, les sols de piémont ont évolué sur place sur de très longues périodes. Schématiquement, le profil de ceux-ci est le plus souvent constitué de deux horizons, en quelque sorte de deux couches: un horizon de surface sableux à sablo-limoneux sur environ les 40 à 50 premiers centimètres; sous lequel est logé un horizon de ‘saprolite’, nettement plus argileux.
La présence de cette ‘formation d’alluvions et colluvions annciennes‘ est observée sur les crus comportant, bien entendu, une partie importante de leur aire en piémont, à une altitude moyenne de ±235 mètres, où la pente est généralement inférieure à ±5%. Ce type de formations couvre ±35% de la surface totale des Crus du Beaujolais, particulièrement, du Nord au Sud, sur les Crus Saint-Amour, Chénas, Moulin-à-Vent et Morgon.
Le rapport ‘Sigales’ (voir l’intro de ce segment) indique que “les critères de qualité de ce type de sol en matière viticole sont assez mal définis.” Cela en raison particulièrement du caractère hydromorphe (saturation régulière en eau) observé en maints endroits.

♦ Les roches volcaniques bleutées ou schisteuses ou ‘formations volcano-sédimentaires du cortège des pierres bleues’:
Ce sont des roches métamorphiques, denses, qui s’observent que sur ±10% du périmètre entier des Crus. Celles-ci constituent la roche-mère de parties significatives des crus Juliénas, Saint-Amour et Côte de Brouilly, même importante sur ce dernier. Cette série de ‘pierres bleues’ regroupe des roches bien différentes, telles que plusieurs variétés de laves (émises par des volcans), associées à des roches plutoniques (refroidies en profondeur) et même de vieux sédiments, chacun étant métamorphisé (faciès schistes verts).
L’apparence remarquable de ce type de roches en accentue l’intérêt. Celles-ci ont des pigmentations jouant du gris sombre, au vert et au bleu ‘canard’. Les caractéristiques de cette formation sont assez spécifiques, entre autres: exempte de quartz, minéral prépondérant du granite; pH neutre, alors que les sols associés au granite sont acides;  texture, limon fin/sablo-argileux, contrastant avec la texture sablonneuse des sols sur granite.
Les ‘pierres bleues’ caractérisent aussi une zone restreinte du cru Morgon, cependant pas la moindre en notoriété puisqu’il s’agit d’un périmètre englobant les climats Côte de Py et Javernières.