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Histoire du vin en France

mis en ligne: mars 2022

L’histoire du vin en France comporte des faits étonnants, très étonnants. Des exemples? À une époque, les régions du bassin parisien et de la Picardie détenaient les vignoble prédominants du territoire de la France actuelle. Aussi, un milieu viticole environnant La Rochelle fut un temps prospère, ayant prévalu sur celui de Bordeaux.

Rédigé en 1959 par le géographie et historien Roger Dion, ‘Histoire de la vigne et du vin en France / Des origines au 19e siècle‘ est un ouvrage monumental de 700 pages denses dont nous tentons d’en produire un abrégé.
”Notre civilisation a toujours marqué, à l’endroit de la vigne et du vin, une sensibilité particulière… La France est un pays où l’histoire de la vigne et du vin éclaire celle du peuple tout entier.” Roger Dion

SÉQUENCE DES BLOCS:
A ⇒ Haute Antiquité
B ⇒ Deuxième et premier siècles avant notre ère
C ⇒ Premier siècle de notre ère
D ⇒ Deuxième segment du premier siècle jusqu’à la fin du troisième siècle
E ⇒ Quatrième siècle
F ⇒ Haut Moyen Âge / cinquième au dixième siècle
G ⇒ Moyen Âge Bas / onzième au quinzième siècle
H ⇒ 16e au 18e siècle
I ⇒ 19e siècle
J ⇒ 20e siècle

A ⇒ Haute Antiquité

Civilisation et vin

L’expansion de l’Islam − abstention de consommation d’alcool − en Asie Antérieure y soustrait la culture de la vigne destinée au vin, sur des sols pourtant propices. La propagation de la culture de vignobles vers le Nord en est ainsi favorisée.
Avec la civilisation grecque, puis les conquêtes romaines, la culture de la vigne s’étend dans les pays européens.
Les marchands grecs initient le commerce du vin en Gaule avant la venue des romains, principalement aux abords de la Méditerranée et par les couloirs fluviaux.

Première pratique connue de la culture de la vigne en Gaule au 6e siècle avant notre ère par une colonie grecque implantée à Marseille, en Provence.
Le remarquable réseau fluvial de la France favorisera le développement de la civilisation romaine et du commerce du vin.


 

B ⇒ Deuxième et premier siècles avant notre ère

Contexte historique

Les romains étendent leur expansion géographique en Méditerranée à partir de -270. La Gaule couvre alors la France actuelle, une partie de la Belgique, ainsi qu’une partie de la Grande Bretagne.
Au premier siècle avant notre ère, la Gaule se divise en une soixantaine de territoires occupés par des peuplades, dirigées par des grandes familles réunies en assemblées aristocratiques. Ces peuples gaulois entretiennent des relations entre eux, toutefois sans grands objectifs communs qui puissent les fédérer; cela constitue leur vulnérabilité face aux romains. Les Gaulois sont de formidables artisans et ils détiennent des solides compétences en métallurgie (fer), orfèvrerie et émaillage. Ils font du commerce, organisé, entre eux et aussi avec les grecs et les romains. L’esclavage est alors un créneau de commerce.
La Narbonnaise − grosso modo, la région méditerranéenne, le Languedoc et le couloir du Rhône − devient une province romaine en -118.
La Gaule est conquise par les romains en -57, dont les armées sont menées par Jules César.
Outre la Narbonnaise déjà province de l’empire, les romains divisent la Gaule en trois provinces: l’Aquitaine, la Belgique et la Lyonnaise.
Le système institutionnel romain impose une hiérarchie aux ‘civitates’ (agglomérations), avec des administrations dirigées par des magistrats locaux, selon des statuts juridiques respectifs. Un réseau routier ramifié par les romains favorise les échanges.

Société et vin

Pour les romains, la vigne et l’olivier sont indissociables.
L’implantation de vignobles est d’abord un phénomène urbain, une fonction urbaine, ou péri-urbaine si les contraintes d’espace l’imposent. Les cités sont érigées surtout le long de cours d’eau.
Sous l’empire romain, l’oeuvre d’institutionnalisation est en phase avec l’extension de la vigne, de l’olivier et du blé. Ces commodités sont alors les fondements de l’activité économique. Des lois protègent la production vinicole.
Le formidable réseau fluvial de la Gaule, sa vaste mosaïque de sols infertiles à l’agriculture mais en revanche propices à la vigne, et sa climatologie sont les puissants avantages comparés de la Gaule quant à l’économie du vin.

Vignoble

Une concordance de faits historiques permet de postuler que des vignobles furent cultivés en Rhône Nord avant à notre ère. Il est en effet plausible, qu’avant d’être soumis à l’autorité romaine, le peuple gaulois allobroge, ait exploité des vignes notamment en Isère aux derniers siècles avant J.C.
Implantation de vignobles gallo-romaines dans les régions actuelles du Languedoc-Roussilon, de la Provence et Rhône-Alpes, soit le territoire de la province romaine ‘La Narbonnaise.’
Au Ier siècle avant notre ère, il est vraisemblable que le vignoble du haut Tarn (Gaillac), situé à la frange occidentale de la province romaine de la Narbonnaise, ‘prend racine’. Le transport fluvial sur le Tarn (affluent de la Gironde) lui ouvre l’accès au marché de la cité gallo-romaine de Burdigala (Bordeaux), une civitate (cité gallo-romaine), et aux pays de la mer du Nord par mer. Burdigala n’a alors pas de vignoble.
C’est toutefois un cépage autre que ceux cultivés par les romains dans le vignoble de ‘La Narbonnaise’ qui aurait permis d’initier l’activité vinicole bordelaise. Le qualitatif biturica, ‘ancêtre’ du cabernet franc, y aurait été relayé depuis la Cantabrie, dans le Nord-Ouest de l’Espagne. Le vignoble bordelais nait. Un commerce avec l’archipel britannique sera entrepris.


 

C ⇒ Premier siècle de notre ère

Société et vin

Les pays de l’Europe du Nord constituent les principaux marchés du vin. Pour les romains, l’attraction de ces marchés justifie le projet d’expansion vinicole sur le territoire septentrional de la Gaule, soit les régions dont les cours d’eau s’écoule vers l’Atlantique et la Mer du Nord. Les cépages employés en zone méridionale par les romains ne permettent toutefois pas d’entrevoir l’expansion du vignoble davantage au Nord.
Le trafic suit les cours d’eau navigables par chalands et des chemins de vallées et de plaines.

Vignoble

En période de paix avec les conquérants romains, le peuple gaulois allobroge (Isère et Savoie) élabore ou trouve sur place à l’état lambrusque une variété, nommé en ce temps l’allobrogica, apte à étendre l’expansion du vignoble vers le Nord, sur des sols plus froids, soumis à d’éventuelles gelées.
En 2006, des archéologues découvrent à Gevrey-Chambertin des éléments d’un vignoble correspondant au mode de culture romaine de la vigne. L’aménagement serait de la fin du 1er siècle ou le début du second (à ce sujet; voir sur monocepage le thème ‘début de notre ère‘ de ‘Antiquité et Moyen-Âge‘.


 

D ⇒ Deuxième segment du premier siècle jusqu’à la fin du troisième siècle

Contexte historique

La transition des cultes indigènes (païens) des gaulois en faveur de la religion chrétienne se fait par acculturation et implique la disparition des druides. À partir du 3e siècle, l’évangélisation est très active. La religion chrétienne devient celle de l’empire.
En 213, Rome accorde le droit de cité à tous les gaulois de l’empire. Ceux-ci montrent de l’attachement pour l’Empire.
Les invasions en Gaule se succèderont pendant de nombreux siècles. L’empereur Probus (276-282) repousse les premiers raids des peuples germaniques, les Alamans et les Francs; ce sont les premières manifestations d’ ‘invasions barbares’. Cette dernière expression s’applique de façon générale aux multiples incursions/implantations des peuples envahisseurs sur le territoire actuel de la France pendant les siècles suivants.
Les romains acceptent néanmoins une première occupation paisible aux frontières orientales pour contenir les pressions germaniques ‘émigrantes’.

Société et vin

Des cépages utilisés et des techniques développées en Rhône Nord et dans le Bordelais permettent d’entamer l’expansion vinicole en climat continental sur les franges septentrionales de la Gaule, particulièrement les régions dont le débit des cours d’eau se déverse vers l’Atlantique et la Mer du Nord.
L’essor du vignoble gallo-romain inverse la direction du commerce du vin: le vin gaulois est désormais exporté à Rome!
L’empereur Domitien (règne de 81-96) freine − ou interdit, c’est selon l’historien! − l’expansion du vignoble en Gaule. L’empereur Probus (règne de 276-282) rétablira la liberté de culture de la vigne deux siècles plus tard.
Lyon devient une plaque tournante du commerce du vin.

Vignoble

Il n’y a pas de certitude sur les origines du vignoble de la Côte d’Or. Aussi, c’est avec circonspection que le géographe-historien Roger Dion convient que sa première mise en valeur remonte approximativement au début du deuxième siècle. Depuis la métropole gallo-romaine Autun, le peuple gaulois des éduens aurait aménagé un vignoble, ‘Pagus Arebrignus’, sur les Côtes bourguignonnes ou ses proximités. En fait, à la faveur de leur excellente relation avec les romains, les éduens auraient bénéficié d’un privilège d’implantation en dépit de l’interdit de l’empereur Domitien.
Pour stimuler la croissance socio-économique et favoriser la loyauté, l’empereur Probus (276-282) défait l’interdiction de plantation de vignes de Domitien (81-96) et en favorise l’extension dans toute la Gaule. Le vignoble atteindra ses limites d’expansion septentrionale durant la seconde portion du quatrième siècle.

Les vignobles qualitatifs, pour l’époque il va sans dire, du bassin de la Seine nommément la région parisienne et la Picardie, sont nettement avantagés pour desservir par voie fluvial, de même que par des accès terrestres plus immédiats, les vigoureux marchés des pays de la mer du Nord. Ces vignobles ‘nordiques’ jouiront de la primauté commerciale sur ces marchés pendant près d’un millénaire.


 

E ⇒ Quatrième siècle

Contexte historique

Tandis que l’Empire Romain vacille, des incursions barbares (afflux de peuples étrangers) font des ravages en des endroits la Gaule auparavant paisibles. L’Empire Romain s’adapte forcément, en intégrant progressivement des barbares dans leur organisation et leur armée.

Société et vin

Les gallo-romains avaient une forme de vénération pour la vigne. La vigne était un art. Les métropoles alors créées, les civitates, avaient toutes des vignobles soignés qui attisaient l’orgueil de leur aristocratie. Au quatrième siècle, les grands personnages résidaient dans des lieux vinicoles ou en voie de le devenir.
Les romains ont initié un formidable rayonnement commercial à la viticulture du territoire actuel de la France. 

Vignoble

Le remarquable réseau fluvial de la France favorise le développement de la civilisation romaine et du commerce du vin.
ll y a une évidence de l’exploitation du vignoble de la Côte d’Or. Autun, commune de Bourgogne à 50 km à l’ouest de Beaune, est une grande cité de l’empire romain et l’exploitation du vignoble de la Côte d’Or est sous sa juridiction administrative. Après les gallo-romains, la juridiction devient un diocèse (civilisation de la chrétienté), diocèse d’Autun, et l’évêché sera le possesseur du patrimoine viticole au Haut Moyen-Age.
Aucune donnée historique permet d’établir que l’Alsace ait eu un vignoble commercial au troisième et quatrième siècles. Toutefois, sur l’autre versant des Vosges, en Lorraine, l’axe de la Moselle comportait un grand vignoble commercial décrit par Ausone.
Pour exporter le vin depuis l’axe du Rhône vers les pays du Nord, les romains optèrent pour la Moselle, plutôt que le Rhin, cela d’abord par transport fluvial sur le Rhône vers Chalon-sur-Saône, puis par la Moselle après la traversée d’un inévitable couloir terrestre.
Les origines des vignobles de la vallée de la Loire ne sont pas connues avec exactitude. Il est vraisemblable qu’aux sources de la Loire, en Limagne/Auvergne − secteurs environnants les vignobles actuels de St-Pourçain, Côte-Roannaise, Côtes de Forez et Côtes d’Auverge −, la vigne y ait été implantée dès le quatrième siècle.


 

F ⇒ Haut Moyen Âge / cinquième au dixième siècle

Contexte historique
De nombreuses tribus barbares entrent en Gaule à partir du début du 5e siècle. La gaule-romane est alors disloquée et une instabilité débute avec les ‘grandes invasions’. En résumé, voici la séquence de ‘guerres civiles’ post-empire qui fragmentent la Gaule:
√ Premier épisode post-empire: le peuple asiatique wisigoth conquiert le Sud-Ouest de la Gaule, de l’Aquitaine jusqu’à la Loire.
√ Deuxième épisode: venus de la Baltique, les Burgondes s’installent en maîtres sur le territoire couvrant la Bourgogne actuelle, la basse vallée du Rhône, les Cévennes et la Suisse occidentale.
√ Troisième épisode: les Francs, de souche germanique, s’emparent du Nord de la Gaule, la Belgique et l’Artois. Ce sont les futurs conquérants de la Gaule.
√ Quatrième épisode: les Alamans s’installent dans l’actuelle Alsace, la Suisse et le Sud de l’Allemagne.
Les barbares assimilent les coutumes gallo-romaines. En corolaire, les gallo-romains acceptent les nouvelles autorités.
Le troisième épisode est marquant: en 476, Clovis (466-511) un franc d’origine germanique, devient le premier monarque du royaume. Il a étendu progressivement son territoire aux détriments des autres tribus franques, des derniers romains, des Alamans et des Wisigoths. Il réalise systématiquement ses conquêtes, lesquelles seront accrues par ses successeurs. Aussi Clovis se convertit au catholicisme, ce qui détermine son acceptation par l’Église et les gallo-romains. Il préserve les structures et les institutions romaines, si bien qu’une collaboration réciproque s’établit avec l’Église. C’est la fin de la période Antique et le début du Moyen-Age.
Clovis et ses descendants forment la dynastie ‘mérovingienne’. Ils agissent en possesseurs sur cinq territoires constituant le royaume jusqu’au milieu du 8e siècle: Neustrie (Gaule du nord-est), Bourgogne, Austrasie (France de l’Est) et Aquitaine. Le régime de vassalité est graduellement instauré. Dès le milieu du 7e siècle, la dynastie mérovingienne s ‘affaiblit d’elle-même; les derniers rois mérovingiens sont considérés fainéants. Il s’ensuit un long coup d’état sans violence qui mettra au pouvoir royal la dynastie subséquente, celle des carolingiens, jusqu’au 10e siècle. En bref, les lieutenants des rois mérovingiens se sont approprié le trône en quelque décennies, avec la complicité de l’Église au dernier épisode. De gain en gain réalisé, l’ancienne Gaule romaine sera rassemblée à nouveau sous l’autorité du premier roi carolingien, Pépin le Bref (714-768 / règne de 751-767).
Le règne carolingien de Charlemagne (Charles 1er, dit ‘Le Grand’; 742-814 / roi des Francs à partir de 767) est un moment majeur de l’histoire de l’Occident. Conquérant tel ses prédécesseurs francs, il étend le royaume sur une superficie correspondant à deux fois celle de la France actuelle. Homme d’état magistral, il dirige son empire avec une habile autorité tout en favorisant notamment l’épanouissement des arts et des lettres. Ministre de Dieu, il intervient pour faire progresser et mieux organiser la chrétienté, sans tolérer l’ingérence de l’église. Le pape consacre sa dynastie en le désignant empereur. Il structure son empire en 300 comtés où il jette les bases de la vassalité. Les successeurs carolingiens de Charlemagne morcellent l’empire en cinq royaumes au cours des quarante années après sa mort. Ce morcellement est en quelque sorte l’amorce de l’Europe. Les duchés et les comtés, des territoires de vassalités, sont issus de ce partage. Durant le 10e siècle, les dynasties carolingiennes et capétiennes sont rivales et s’échangent la Couronne du royaume. Les capétiens émanent de la vassalité. Ce sont les descendants des comtes, des seigneurs, du régime (vassal) créé par Charlemagne; les seigneurs n’ayant de cesse à accroître leur puissance depuis leur émergence suscitée par Charlemagne pour contrôler son royaume.En 987, Hugues Capet devient le premier roi de la nouvelle dynastie royale des capétiens. À cette époque, la proximité entre les seigneurs et l’église est de règle. Notamment, des seigneurs possèdent des abbayes; certains d’eux sont des abbés (dirigeants des abbayes) laïques. Le vin produit par ces abbayes est alors partiellement subordonné aux besoins des seigneurs. Aussi la désignation du trône est sujette à l’élection des vassaux, les seigneurs. Les grandes décisions sont prises par un conseil royal et les évêques. Au changement de millénaire, le royaume est divisé en grandes unités territoriales; dont les duchés, entre autres de Bourgogne, d’Aquitaine, de Normandie, des marquisats et autres. Au Haut Moyen Age, la mosaïque des territoires du royaume est en constante mouvance, au gré de successions, d’alliances, de coalitions, de complicités, ou encore d’achats et bien entendu de guerres. C’est la France féodale. Seuls les historiens et les férus d’histoire s’y retrouvent. Les Vikings auront pénétré la Gaule au 8e siècle par ses voies fluviales de l’Atlantique, depuis la Mer du Nord, et effectué des raids et occupations en maints endroits. Les ambitions des vikings scandinaves sont stoppées en 911 par une forme de traité qui leur concède en quelque sorte un territoire qui deviendra la Normandie. Plus tard, Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, sera indirectement l’initiateur de la fameuse dynastie des Plantagenets, qui guerroiera avec les Francs pendant quelques décennies.
Société et vin

Guillaume Ier, Duc d’Aquitaine et d’Auvergne fonde l’abbaye de Cluny en 910 qu’il place sous l’autorité du pape pour la soustraire à celle des seigneurs; c’est l’amorce d’une réforme générale du monachisme. Vouée à la règle bénédictine, l’abbaye de Cluny deviendra en quelques décennies le pivot d’un ordre, clunisien, unique de prieurés et abbayes: 1450 établissements répartis sur une grande partie de l’Europe. Les abbayes entretiendront des vignobles pour leurs fonctions eucharistiques et d’hospitalité, aussi pour la consommation des moines. Le rôle des ordres monastiques dans le développement de la viticulture en Europe sera considérable, voire fondamental; particulièrement en France, jusqu’à la Révolution.
Les moines Clunisiens sont en fait les instigateurs du développement pérenne de la viticulture en Bourgogne. Notamment, quelque peu en retrait de La Côte, l’abbaye St-Vivant de Curtil-Vergy (à six km de Vosne-Romanée dans les Hautes-Côtes), intégrée dans l’ordre clunisien en 1087, est à l’origine des premières vignes plantées dans le secteur de Vosne-Romanée. Les Clunisiens furent aussi des pionniers importants sur le finage de Gevrey-Chambertin.

Vignoble

Dans son œuvre historique, Grégoire de Tours (539-594) est le premier à signaler la présence de vignes en aval d’Orléans dans l’axe de la Loire.
Dans les environs de Sancerre, la présence de vignes est signalée au neuvième siècle. L’existence d’une voie romaine traversant le territoire de Sancerre suggère toutefois qu’il y ait eu de la vigne à l’époque impériale en vertu de l’évidence du potentiel vinicole, de la spontanéité des romains à l’égard du développement du vignoble et de la présence d’une population.
Malgré un sol et un climat peu favorisés pour la vigne, le vignoble d‘Orléans a eu tout au long du Moyen-Age une notoriété aussi grande que celles, actuellement, du Bordelais ou de la Côte d’Or. Quelques facteurs expliquent particulièrement cette prépondérance: la présence royale immédiate et son influence, le positionnement favorable tant par sa position de carrefour sur la Loire et la relative proximité avec Paris.

Pendant près de cinq siècles, instables, entre approximativement le 6e et le 12e siècle, il y a une rupture du commerce depuis l’Aquitaine vers l’archipel britannique par l’Atlantique.
La production commerciale du vin est surtout concentrée au Nord de la France, en Ile de France, Picardie, de l’Orléanais et Auxerrois. Ces vignobles septentrionaux approvisionnent par voie fluviale, en grande partie, les marchés davantage rapprochés de l’archipel britannique et des pays riverains de la mer du Nord, alors en formidable essor démographique et économique.
Entre les 7e et 10e siècles, ce commerce considérable généré par les pays de la mer du Nord aurait plausiblement suscité le développement du vignoble alsacien. En fait, auparavant, la circulation fluviale sur le Rhin en amont de Strasbourg (limite ici arbitraire) avait été jugée problématique par les gallo-romains, qui avaient ainsi préféré l’axe de la Moselle en Lorraine pour le transit commercial. D’ailleurs les gallo-romaines, puis les ecclésiastiques n’avaient pas manqué de planter des vignes, alors réputées, sur les berges de de la Meuse, affluent de la la Moselle, aujourd’hui disparues en bonne partie.


 

G ⇒ Moyen Âge Bas / onzième au quinzième siècle

Contexte historique en condensé

En l’An Mille débute en France une considérable évolution de l’agriculture et surtout de l’économie qui s’allongera sur trois siècles. La population augmente sensiblement et le phénomène d’urbanisation se développe puis s’organise, particulièrement à Paris; celle-ci et plusieurs agglomérations acquièrent alors leur autonomie politique par édit royal.
L’esprit de profit se développe et le vin devient une denrée commerciale.

Les seigneurs et les châtelains institutionnalisent la féodalité.
La chrétienté connait aussi une phase évolutive. Elle se détache de la tutelle laïque et instaure des règles de civilité et de moralité.
C’est aussi la naissance de l’art roman, symbolisé par la construction des églises aux voutes de pierre, qui remplacent celles avec charpente de bois. Les monastères incarnent ce renouveau architectural. Les châteaux apparaissent aussi. Au départ de bois, ils sont érigés en pierre à partir du 12e siècle. L’art gothique substitue le roman au 13e siècle.
Guillaume le Conquérant (1027-1087), duc de Normandie − territoire concédé aux Vikings en 911 − conquiert l’Angleterre, qui restera dans le girond du royaume de France jusqu’en 1154. À cette date, via des héritages et une dote de mariage magistrale, obtenue de sa réunion avec Alénor d’Aquitaine, Henri II (1133-1189) devient le roi d’Angleterre et le demeure jusqu’à sa mort. Il règne alors sur un vaste territoire assez continu de l’Écosse aux Pyrénées. C’est le premier royaume des Plantagenets.
À la fin du 12e siècle et au début du 13e siècle, le capétien Phliippe Auguste (Philippe II / 1165-1223) reconquiert les territoires des Plantagets en Francie, sauf l’Aquitaine. Par ailleurs, les rois capétiens du début du deuxième millénaires s’emploient à consolider leur autorité et leur pouvoir sur les puissants seigneurs des territoires du royaume; c’est à dire à affaiblir l’autorité que se sont bâtie les vassaux. Philippe Auguste parvient à subordonner le pouvoir des vassaux à celui de la souveraineté et il constitue une administration.
La richesse de l’Abbaye de Cluny rebute certains moines qui souhaitent se dévouer à la règle stricte de St-Benoit. L’ordre rigoureux des Cisterciens est alors créé par Robert de Molesme en 1098, dans la plaine de la Saône, à une dizaine de kilomètres à l’Est de Nuits-St-Georges. L’ordre clunisien constituera une fédération d’abbayes dans toute l’Europe. Les Cisterciens entreprennent promptement et résolument le développement de leur ‘parc’ de vignobles en maints endroits le long de la côte bourguignonne; le Clos de Vougeot est le premier jalon, magistral.
L’épanouissement de l’ordre cistercien aux 12e et 13e siècles coïncide avec une période de prospérité et d’expansion en Europe (forte croissance démographique, expansion du bâti, nombreux progrès techniques, etc…), durant laquelle règne la féodalité.

Société et vin

Au 12e siècle, la région de La Rochelle − vignoble dont la taille est infiniment moindre aujourd’hui − s’approprie une importante position dans le commerce du vin. Son avancée résulte d’une vision stratégique réunissant les éléments suivants: vaste port de mer correspondant à l’avènement de bateaux de grand gabarit; vignoble destiné à satisfaire spécifiquement la demande de l’époque; production de vins doté d’un rapport qualité/prix avantageux − avantage comparatif attribuable à un climat plus propice à la vigne versus les vins des zones septentrionales −, et exploitation opportune du concept de bail à complant, la co-exploitation propriétaire(s) foncier(s) et vigneron(s).
Quatre facteurs expliquent la prédominance, à cette époque, du vignoble de La Rochelle sur celui de Bordeaux, à 200 km au Sud: la présence d’une industrie du sel dans les environs de La Rochelle générant déjà une masse critique de circulation maritime vers les marchés de la Mer du Nord, les principaux débouchés du vin; la demande prépondérante de vins blancs; l’avantage portuaire; et une situation politique plus avantageuse que Bordeaux au sein du royaume britannique.

C’est durant ce siècle que les Cisterciens entreprennent le développement de leur ‘parc’ de vignobles qui comprendra maints endroits sur la côte bourguignonne. Le vignoble qui deviendra le Clos de Vougeot en est le premier jalon, magistral; voir ‘histoire du Clos de Vougeot‘. Les ordres de moines, les cisterciens au premier rang, donnent le premier véritable élan de développement viticole à la côte bourguignonne.

Toujours au 12e siècle, le vignoble du diocèse d’Auxerre est en plein essor. Le clergé et la riche aristocratie plantent une vaste superficie qui recouvre, entre autres, les secteurs de Saint-Bris et Irancy. Les vins sont de haute qualité. La renommée de Chablis s’établit dans la foulée. Ce vignoble de la Basse-Bourgogne, bref l’Auxerrois et le Chablisien, nommé alors simplement ‘Bourgogne’, est favorisé par le transport via l’Yonne, affluent de la Seine, pour desservir Paris et les pays de la Mer du Nord.

Au début du 13e, Beaune obtient une charte de commune, en vertu de sa capacité à l’autonomie politico-économique apportée par la nouvelle vigueur de l’industrie du vin. Le vignoble s’agrandit concurremment à sa notoriété. Au 14e siècle, le ‘vin de Beaune‘ (Côtes d’Or et chalonnaise) devient le plus prestigieux du royaume, la norme du vin de qualité. Fils du roi de France, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi (1342-1404), est davantage qu’un puissant promoteur des vins de Beaune, il intervient directement pour en hausser la qualité: bannissement du gamay, initiation de travaux de sélection ayant généré le pinot noir, améliorations des techniques de viticulture, instauration de la mode du vin vermeil, alors un pinot peu cuvée et bu dans les 12 à 18 mois etc. Les ducs qui lui succèdent font aussi preuve de zèle et le vin de Beaune sera au sommet de la hiérarchie des vins de France jusqu’à la fin du 17e. Au sein du Royaume de France, le vin ‘de Beaune’ maintient sa suprématie durant trois siècles, environ de 1375 à 1660.

La faveur du roi d’Angleterre et de sa cour vont aux vins de l’Ile de France, l’Anjou et La Rochelle. La solide loyauté de Bordeaux à l’égard de l’Angleterre lors de deux guerres du début du 13e siècle engendre toutefois une formidable ascension du commerce du vin bordelais en pays britanniques. La ‘récompense’ royale confère au vin bordelais la suprématie absolue à Londres vers le milieu du siècle. Cette nouvelle notoriété favorise l’expansion des exportations bordelaises sur d’autres marchés. Auparavant, le décalage d’appréciation du vin de Bordeaux découlait en bonne partie de la vogue en faveur des vins blancs et délicats; ces attributs n’étant pas ceux du cabernet.

L’industrie du sel à Salins-les-Bains est l’assise économique du développement de la viticulture dans le Jura. Le vignoble prend une dimension commerciale vers la fin du 13e, autour des bourgs d’Arbois et Poligny. Vu sa proximité, la Suisse représente un débouché naturel.
Au 14e siècle, la filiation politique du Jura avec la Bourgogne − notamment sous le règne du Duc de Bourgogne Philippe le Hardi − favorise sa mise en valeur au sein du royaume et son exportation vers les pays du Nord de la France.

La viticulture champenoise est initiée vers le 12e ou 13e siècles. Jusqu’à la fin du 16e siècle, la production est assimilée aux ‘vin de France’, soit les vins du bassin parisien. La mention Champagne s’applique plutôt au milieu de la plaine céréalière environnante. La suprématie des vins de Bourgogne, du 14e au 17e, a toutefois un impact en Champagne: le long de l’axe de transit entre Beaune et les marchés du nord, Reims et Chalons-sur-Marne sont des étapes établies pour les commerçants. Ceux-ci y achètent des ‘Vins de France’ fins issus des vignobles situés à Hautvillers (face à Épernay), Ay et Vertus sur la Côte des Blancs. C’est une opportunité de débouché pour ces vins, alors tranquilles, blancs et rouges à la teinte vermeille comme les bourgognes.

À partir du 14e siècle, le vignoble rhodanien détient un quasi-monopole − les trois quarts de l’approvisionnement − sur les celliers pontificaux, tant à Avignon qu’à Rome. Toutefois, avant l’édit de 1776 promulguant la libre circulation du vin dans le royaume de France, les marchés du Nord sont difficilement accessibles à ce vignoble en raison les droits de passage, de traversées territoriales, imposés par Lyon et d’autres territoires, nommément en Bourgogne, le long du parcours fluvial vers les marchés du Nord.
À partir du 17e, voire auparavant, pour les vins du Rhône, le contournement de ces contraintes consiste en la traversée du segment assez court des contreforts du Massif central afin de joindre l’axe la Loire et, de là, la poursuite vers les marchés plus au Nord.

Du 11e au 17e siècle, les plaques tournantes du développement du vignoble du bassin de la Loire sont Orléans, St-Pourçain et l’Anjou. Déjà exploité au 6e siècle, le vignoble de St-Pourçain, proche de l’Auvergne, est vigoureusement stimulé par les sirs puis les ducs de Bourbon (les Bourbonnais) qui règnent sur le duché (départements actuels de l’Allier et partiellement le Cher) jusqu’au 16e siècle. Tous les autres vignobles attenants à la Loire et ses principaux affluents (Sancerre, Saumur, Chinon, Vouvray, etc.) se développeront dans les sillons commerciaux des trois lieux-pivots ci-devant nommés, avec peu, sinon pas de décalage temporel.
L‘Anjou jouit de deux avantages commerciaux distinctifs: sa proche confluence avec l’Atlantique qui lui confère un avantage quant aux exportations et sa proximité avec le marché de la Bretagne, milieu peu apte à la production de vin.

Est créé en 1214 le ‘Privilège de Bordeaux’ qui procure un avantage commercial aux vins des alentours immédiats de Bordeaux, excluant ceux du Médoc. Au fil des siècles, le ‘privilège’ se présente  sous différentes formes de contraintes de commercialisation depuis Bordeaux − exemple: blocus temporaire de chargement sur bateau au port de Bordeaux −. Le ‘privilège’ sera aboli en 1776 en vertu de l’édit royal promulguant la libre circulation du vin dans le royaume de France.
Les crus de Cahors et de Gaillac conservent néanmoins une vitalité puisqu’ils servent à couper les vins de Bordeaux lors de millésimes maigres.


 

H ⇒ 16e au 18e siècle

Société et vin

Dans les sept provinces des Pays-Bas à majorité protestante constituées en confédération (1579-1795) est établie une forte mentalité commerciale. Vers 1670, les trois quarts des bateaux de toute l’Europe appartiennent à la flotte commerciale de la Hollande, une des sept provinces. Durant les quatre siècles suivants, par leur entrepreneuriat, leurs habilités commerciales et leur capacités logistiques, les hollandais développent un empire commercial sur les pays de la mer du Nord. Pour les hollandais, le vin est une opportunité d’affaires. Ils interviennent dans l’élevage du vin et sur la nature des produits en les modifiant, notamment pour leur apporter une plus-value et couvrir diverses gammes, dont celle des eaux-de-vie. En France, leur puissante influence commerciale s’étend surtout sur les vignobles liés à l’Atlantique par des voies fluviales. Après deux siècles de commerce intensif dans les vignobles de France, la production privilégie de plus en plus les vins de masse, à faible prix de revient.

Au cours du dernier quart du 17e, les britanniques sont les premiers à adopter le vin mousseux; puis les français dans la foulée, avec ferveur.

Sous Louis XVI, par un édit de 1776, la libre circulation commerciale du vin est promulguée dans tout le royaume. La donne des marchés en est remaniée. Ainsi, des marchés auparavant peu ou non rentables s’ouvrent en vertu de l’abolition des octrois (droits de passage), en maints endroits.

Au cours de la période couvrant la fin du 16e et le 17e siècle, le ‘vin issu de raisins à peau rouge’ subit une métamorphose considérable. Vinifié auparavant selon une très courte cuvaison et un élevage sommaire, il sera dorénavant élaboré avec davantage de couleur et de corps, au moyen d’une extraction tangible et un élevage allongé. C’est aussi le moment correspondant à l’industrialisation de la bouteille, contenant qui confère alors une meilleure capacité de vieillissement au vin.
En Bourgogne, la pratique de la vente du vin, qui avait systématiquement cours en novembre, est décalée progressivement jusqu’en février suivant la vendange. Du coup, ce sont des vins plus aboutis et, partant, plus caractérisés qui sont commercialisés. Concurremment, l’appréciation des vins subit une évolution graduelle et irréversible. Le cru devient une notion commerciale vers la fin du 17e siècle.
C’est au 17e et 18e siècle que les vins sont graduellement hiérarchisés, que les appellations sont en germination.
Devenus les principaux intervenants du commerce vers 1740-1750, les négociants de la Bourgogne favorisent la différenciation des crus en tant que facteur de distinction, de subtilité de marketing. La ‘parcellisation’ des meilleurs crus devient bel et bien un phénomène culturel et commercial au 18e siècle.

 Vignoble

Du 16e au 18e siècle, le vin blanc et le vin clairet constituent la production bordelaise principale.
À toute fin utile, le vignoble du Médoc ne se développe qu’à partir du 17e siècle, par l’aristocratie. Bordeaux aura auparavant exercé une hégémonie sur le commerce du vin afin de privilégier la production de ses environs immédiats. Bordeaux aura entre autres entravé l’aménagement de facilités portuaires sur la péninsule médocaine, qui eurent permis l’exportation directe par voie maritime à partir des berges de la Gironde.

Il a été dit que le vignoble d’Orléans fut important pendant près d’un millénaire. Ce milieu fut précurseur de vins de qualité. L’ouvrage ‘Manière de bien cultivé la vigne, de faire la vendange, et le vin dans le vignoble d’Orléans’ de Jacques Boullay et Marie-Rose Simoni-Aurembou, publié en 1703, connu un succès qui s’est confirmé par sa réédition à deux reprises en vingt ans.

Au début du 17e, près de Verzenay, le vignoble du Château de Sillery, propriété de Pierre Brûlat, marquis de Syllery et homme d’État doté d’un puissant réseau d’influence auprès de la Cour, aurait été le foyer du développement de la Montagne de Reims en Champagne, en vin effervescent. Durant la deuxième segment de ce siècle, le vin de Champagne tranquille a néanmoins la cote. Sa finesse et son degré d’alcool modéré gagne la faveur des médecins. Les poètes le louangent.
Dom Perignon est responsable du vignoble de l’abbaye de Hautvillers de 1668 à 1715. Il acquiert une forte notoriété par sa capacité d’analyse et ses méthodes de travail innovantes. Il est l’un des initiateurs des assemblages de crus. Le concept de prise de mousse lui serait toutefois postérieur.

Au 17e et 18e siècles, les vignobles ligériens en aval de Vouvray sont largement exploités par le commerce hollandais. Le prélèvement de taxes à la frontière de la Bretagne sur la Loire − le frais douanier en question fut maintenu en dépit de la réunion de la Bretagne au royaume de France − aurait favorisé une production de bon niveau en amont, notamment en Touraine et dans le Saumurois, à partir du qualitatif Chenin. En contre-partie, dans la région bretonne du Muscadet, non assujettie évidemment au droit de passage en territoire breton, la production prévalente, issue du Melon et du Gros-Plant, est associée à un créneau de prix inférieur.

Jusqu’au 17e siècle, le vignoble languedocien est éclipsé par le développement des vignobles septentrionaux qui sont plus près des marchés riches de la mer du Nord. Sur le marché du royaume de France, il est aussi pénalisé par le protectionnisme exercé en divers endroits. Deux facteurs favorables à l’essor du vignoble méditerranéen surviennent toutefois au 17e: l’inauguration du canal du Midi en 1681 qui ouvre l’accès à l’Atlantique via la Gironde; et bien entendu la levée en 1776 des contraintes à la circulation du vin à la grandeur du royaume. Aussi, la demande grandissante du marché parisien y puisera dorénavant, en partie, son approvisionnement lors des millésimes déficients dans les vignobles du Nord de la France. La production languedocienne est alors qualitative.

Des vins de Crus du Beaujolais sont produits au cours du 16e, puis ils sont exportés à Paris au siècle suivant, conjointement à des expédition de vin du maçonnais. Il est étonnant que la sous-région du Nord du Beaujolais se soit tournée vers Paris en tant que principal débouché. Le phénomène est d’autant plus étrange que le prix du produit n’est pas élevé et que, pour éviter les barrières payantes en Bourgogne, le parcours vers Paris est exigeant: d’abord une première étape pour rejoindre la Loire à un cinquantaine de kilomètre à l’Ouest, puis une seconde sur le fleuve jusqu’à Orléans et, de là, une dernière vers Paris.
Au 18e, le commerce sur Paris est solidement établi. Les crus du Beaujolais comblent une partie de la forte demande de vins de consommation courante et ils auraient aussi servi à valoriser, par coupage, des crus de vins blancs d’ile de France! On l’aura compris, il était requis que le gamay beaujolais à jus blanc soit vinifié de manière ne pas en extraire de couleur. Concurremment, les vins du Sud du Beaujolais sont consommés à Lyon.

Au 17e et 18e siècles, les hollandais encouragent la viticulture du Sud-Ouest, dans le bassin de l’Adour et ses périphéries, les secteurs de Jurançon, Madiran, etc. Leur demande pour les raisins à faible prix de revient destinés à la fabrication d’eaux-de-vie donne lieu à la création de l’Armagnac. Plus au Nord, dans l’axe de la Dordogne qui est non assujetti aux ‘privilèges de Bordeaux’, les hollandais exercent une prééminence sur les vignobles de Bergerac et ses alentours tant leurs achats y sont considérables.

La région méridionale des Côtes-du-Rhône, particulièrement celui du département du Gard (côté occidental du fleuve), a une expansion spectaculaire durant le deuxième segment du 18e.

1789-1793 – La vente des ‘Biens publics’ conséquente de la Révolution, comporte la disposition par encan d’un large patrimoine de vignes réputées ayant été confisquées à la noblesse et au clergé;  notamment 1361 hectares de vignes en Côte d’Or.

 

I ⇒ 19e siècle

 Civilisation et vin

Invasion des maladies cryptogamiques au cours du siècle (oïdium, mildiou et phylloxera).
En 1863, amorce de la très lente progression du phylloxéra au Sud, depuis Nîmes, vers le Nord. Sa migration atteint le Beaujolais en 1874, puis la Côte d’Or vers 1879. En guise de solution, en 1887, l’administration française autorise la solution de greffage sur pied américain.
Fin du 19e siècle et première moité du 20e siècle, le réaménagent des vignobles à la suite du phylloxera est réalisé en rangées et relègue ainsi à l’histoire le ‘provignage’, ou complantation en foule, qui était auparavant le mode de plantation. La replantation des vignobles s’étale jusque dans les années 1950/’60.

Développement intensif du chemin de fer au milieu du 19e siècle. La ligne PLM (Paris, Lyon, Méditerranéen) est terminée en 1856. Le transport par train change à nouveau la donne de l’industrie du vin. Le Languedoc bénéficie de ce nouveau mode de transport et devient l’eldorado des petits vins. L’aramon est capable de livrer un rendement de 300 hl/ha!

Création en France du Ministère de l’Agriculture en 1881.

Adoption en 1884 de la Loi Waldeck Rousseau qui confère aux milieux vignerons la capacité de créer des syndicats professionnels dotés de personnalités civiles, aptes à générer des procès. Les syndicats seront de puissants agents de changement.
Loi du 1er avril 1898 qui créent les sociétés d’entraide et d’assurance mutuelle agricole, qui se concrétisent via les syndicats.

Vignoble

Le développement du chemin de fer modifie considérablement le transport. Notamment, la pénétration des vins du Languedoc à Paris fut fulgurante. Ces vins d’excellents rapports qualité-prix supplantèrent implacablement ceux du vignoble du bassin parisien, dont la précarité due particulièrement à la climatologie aléatoire du milieu devint du coup un achoppement. Disparu depuis, le vignoble des alentours de Paris couvrait près de 25 000 hectares au milieu du 19e siècle.

 

J ⇒ 20e siècle

Civilisation et vin

La Loi Griffe du 14 août 1889 fut le stade pionnier devant mener quelques décennies subséquentes aux Lois afférentes aux Appellations d’Origine. Le terme vin est réservé aux: « produits exclusifs de la fermentation du raisin frais ou du jus de raisin frais. »

1er août 1905, promulgation de la Loi relative à la répression des fraudes et des falsifications de produits ou de services. Entre 1905 et 1907, pour lutter judiciairement en vertu de ladite Loi, une vague de création de syndicats de viticulteurs a cours dans toute la France viticole. Dans maints cas, ces syndicats se désignent en tant que ‘syndicat de défense des intérêts viticole et agricole de … (endroit spécifique)’. Le décret de délimitation de la Champagne est passé le 17 décembre 1908. Dans la délimitation adoptée en Champagne, la qualité est prise en compte alors que l’objet de la Loi est strictement géographique …

 En 1916, le ratio quotidien de ½ litre par soldat s’est traduit par une consommation annuelle de 12 millions d’hectolitres par l’armée! La boisson de bas de gamme du soldat devient la boisson du peuple. Le pinard est ‘glorifié’ au cours des années subséquentes à 1919.
Le nombre d’exploitations ayant perdu un homme chef de famille durant la guerre s’élève à 160 000. Le vignoble subit une restructuration par les achats de consolidation de patrimoine et les nombreux nouveaux arrivants dans cette activité.

6 mai 1919, promulgation de la  Loi du sur la protection des Appellations d’Origine (AO): Loi conséquente à l’échec des délimitations administratives. Les discussions sur celle-ci remontent au projet de Loi Jules Pams en 1913, donc avant la Première Guerre Mondiale. Cette autre loi confère à tout produit viticole la capacité à une ‘Appellation d’Origine’, déterminable en vertu de l’origine géographique des intrants, les raisins. La Loi a pour effet de reconfigurer à une échelle plus locale les syndicats et du coup à redessiner les enjeux intra-régionaux. Les produits factices et d’assemblages sont alors réprimés, notamment les ‘produits de marque’ issus généralement d’assemblages divers et commercialisés par l’intermédiaire du négoce. La Loi instaure notamment la tenue de registres d’entrée et sortie, permettant la traçabilité du vin de la vendange (déclaration de récolte) à la consommation.
La Loi fait appel au tribunal civil du lieu ‘d’origine’ d’une cause en tant qu’instance décisionnelle pour fixer respectivement les appellations. En pratique, face à ce qui est considéré par un producteur ou un syndicat de producteurs(♦) comme étant un usage commercial non légitime d’une appellation, une cause judiciaire est initiée par ledit producteur ou syndicat, entrainant par jugement la fixation des règles géographiques de l’appellation concernée; le tribunal appuyant sa décision sur le principe des ‘bons usages locaux, loyaux et constants’.
En vertu de la Loi du 12 mars 1920 sur l’extension de la capacité civile syndicats professionnels, les syndicats de viticulteurs obtinrent la capacité d’ester en justice. En regard de la Loi sur la Protection des Appellations d’origine, maints syndicats modifient leur statut et nom pour y intégrer la mention de défense de leur intérêt (exemple: syndicat de défense des intérêts viticoles de Gevrey-Chambertin); ou encore des syndicats parallèles ‘de défense d’intérêt’ prennent naissance. La nouvelle mosaïque des syndicats reflète les enjeux visant les appropriations d’appellations. Bref, le choix d’adhésion syndicale par un producteur détermine son option d”appellation(s) opportune(s) à promouvoir.

2 juillet 1927, Loi complémentant celle du 6 mai 1919. L’article 3 stipule qu’indépendamment des prescriptions ‘relative à l’origine, aucun vin n’a le droit à une appellation d’Origine s’il ne provient pas de cépages et d’une aire de production consacrés par les usages locaux, loyaux et constants’.

1905-1931: dans le contexte de la surproduction nationale, la chaptalisation devient une préoccupation d’ordre national. Épisodiquement, à partir de 1905, lors des tractations nationales en préparation de Lois, des représentations sont conduites par les producteurs du Sud de la France visant la subrogation du droit de chaptaliser en vue contrer la surproduction. Notamment, en 1925, via La Ligue des Viticulteurs de la Gironde, la viticulture bordelaise manœuvre, puérilement, en faveur de la suppression du sucrage en première cuvée.
La Loi du 4 août 1929 abaisse la limite d’usage du sucre par hectolitre de vendanges et interdit de chaptalisation dans plusieurs départements méridionaux.
En avril 1931, la viticulture girondine exerce d’autres représentations pour interdire la chaptalisation lors des discussions au plan national sur le Statut de la Viticulture. Puis en novembre 1931, le directeur de la Station Œnologique de Bordeaux jette de l’huile sur le feu par la rédaction d’un article, ayant un écho national majeur, dans lequel il dénigre les vinifications avec apport de sucre! Des rivalités régionales sont attisées par l’enjeu de la surproduction.

À compter du milieu du siècle, la mécanisation du travail s’introduit graduellement le vignoble.