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Parcours historique atypique

Révisé en février 2023

CONTENU:
1 ⇒ Mutation historique des vignobles de Chenôve/Marsannay-la-Côte/Couchey
2 ⇒ Une lumière additionnelle sur un passé discret
3 ⇒ Transition d’appartenance

→ Bibliographie

1 ⇒ Mutations historiques des vignobles de Chenôve/Marsannay-la-Côte/Couchey

Les climats de Marsannay ne reçoivent pas de classement dans l’ouvrage important de Jules Lavalle de 1855, ‘Histoire et statistique de la vigne et des grands vins de la Côte d’Or’. Sur le vignoble de Marsannay, il écrit “qu’il a perdu peu à peu ses grands vignobles. Le gamet (gamay) a monté peu à peu sur le coteau et le ‘Clos du Roi’ lui-même est aujourd’hui son domaine. Au siècle dernier le vignoble était encore en grand renom.”

Le potentiel des terroirs du versant de Marsannay-la-Côte et de ses communes limitrophes était bien connu de la classe gouvernante, seigneurs et clergé, dès le Moyen Âge. Au 15e siècle, Le ‘Clos du Roy’ de Chenôve fut élevé en cru célèbre par les Ducs de Bourgogne. Ils avaient installé à côté un impressionnant pressoir, devenu un bien culturel et un élément touristique. Au même siècle, l’évêque de Langres/Dijon, en autorité sur le territoire de Marsannay, se réservait déjà une partie de la récolte sur le coteau en exploitation directe “pour ce qu’il croit bon vin”. Si le potentiel du coteau selon une exploitation en pinot était reconnu, il n’en céda pas moins quasiment tout son espace au 19e siècle à la culture du gamay. Celui-ci générait alors une meilleure rentabilité en desservant en vins ordinaires l’immédiat marché de Dijon, alors en forte expansion; la bière n’étant pas encore devenue un breuvage de masse. En fait, historiquement et jusqu’à il y a quelques décennies, les finages de Chenôve/Marsannay-la-Côte/Couchey appartenaient à la ‘Côte dijonnaise’. Celle-ci englobait alors les vignobles s’étendant de Dijon à Gevrey-Chambertin.

Après la crise phylloxérique, qui eut cours approximativement de 1875 à 1890, le vignoble de Marsannay, dévasté comme les autres, ne fut pas revalorisé. L’urbanisation de Dijon était au seuil de Marsannay et la spéculation urbaine inhérente déstabilisa la tradition viticole séculaire. Aussi, à Dijon, le marché de vins de gamay venant de la Côte dijonnaise avait été substitué par d’autres produits arrivant alors par un nouveau mode de transport, le train. De plus, tandis que le monde viticole était en crise, la situation économique de Marsannay, plutôt tournée sur Dijon, était saine. Bref, la conjoncture du début du 20e siècle ne favorisa pas d’emblée la réhabilitation du vignoble de Marsannay. Si bien que plus tard, au cours des années 1920 et 1930, il ne fut pas envisagé de solliciter une appellation d’origine, contrairement aux finages voisins de Fixin, Gevrey et autres qui s’affairèrent à obtenir la leur. Il en résulta que l’aire actuelle de Marsannay fut inscrite dans l’appellation régionale ‘Bourgogne’.

Pas de concurrence d’autres vignobles (que celui de Marsannay-la-Côte) pour le vin de table (le pinard). Le vin se vend bien, sous le pressoir, et ce sont les cafetiers dijonnais qui le gardent en cave. Généreux et friand, le gamay peuple les vignes (…). En 1936 encore, la bouteille de Chambertin vieille de trois ans coûte six francs, le litre de Marsannay âgé de quelques semaines 2,50 francs. Qui est gagnant?Jean-François Bazin, ‘Chambertin’, 1991

Un premier texte législatif de 1880 permet d’ouvrir librement un débit de boisson… Leur nombre s’accroit alors rapidement au tournant du siècle…. un débit pour 82 habitants en moyenne à la Belle Époque.” ‘Les négociants en vin de Bourgogne’, Christophe Lucand, 2011

Après la conversion du vignoble en faveur du gamay au 19e siècle, et son éclipse de l’après crise phylloxérique, le parcours vers l’obtention d’une appellation communale s’avéra un assez long ‘purgatoire’:  Dynamique vigneron de Marsannay-la-Côte, Joseph Clair Daü initie à Dijon la vogue du rosé de pinot noir au début des années 1920. La plantation en Pinot noir se développe à nouveau. La coopérative locale fait un succès du Bourgogne rosé, l’appellation régionale ‘Bourgogne’ ayant été créée en 1937. La production de vins rouges est ranimée durant les décennies suivantes. En 1965, une entrave juridique enraye une première demande de classement ‘communal’; en revanche les nouvelles désignations régionales de ‘Bourgogne de Marsannay’ et ‘Bourgogne rosé de Marsannay’ sont décrétées.
En 1979 et en 1983, le camp ‘sudiste’ (Corgoloin et Comblanchien) de l’appellation Côte de Nuits Villages entrave le projet d’intégration de Marsannay à ladite appellation; rappelons qu’une section du finage de Brochon, immédiatement au Nord de Gevrey-Chambertin, est désignée en ‘Côtes de Nuits-Villages’ et que les producteurs de Fixin, entre Couchey (commune inscrite dans l’aire de Marsannay) et Brochon, ont l’option de désigner leurs vins rouges en Côtes de Nuits Villages. C’est en 1985 que Marsannay acquiert le statut d’appellation communale. Au final, l’obtention de l’appellation communale Marsannay est certainement une meilleure destinée qu’une filiation à l’appellation Côte de Nuit-Villages.

Marsannay aurait-elle pu obtenir un statut d’appellation communale dès la création des appellations d’origine? Même si le milieu eut manifesté une volonté d’obtenir une appellation dans la mouvance de la création des appellations, il lui aurait été ardu de s’appuyer sur les ‘bons usages, locaux, loyaux et constants’, qui fut le puissant principe juridique ayant prévalu durant les années 1920 à la détermination des premières appellations, alors simplement désignées ‘Appellations d’Origine’ (AO). Cela, parce que le milieu viticole s’était en quelque sorte disqualifié lui-même en ayant privilégié le gamay au cours du 19e siècle et en n’ayant pas réhabilité le vignoble en faveur du noble pinot noir après la crise phylloxérique.

La p’tite(!) histoire de l’AOC Côte de Nuits-Villages, voulue un temps par Marsannay-la-Côte et Couchey:
Les choses commencent devant le tribunal civil de Dijon, le 10 décembre 1924. Plusieurs viticulteurs de la Côte entendent appeler leurs vins ‘Côte de Nuits’, usage que leur contestent leurs collègues de Nuits (Nuits-Saint-Georges), s’estimant lésés. Les juges donnent raisons aux Nuitons. Aucun usage local, loyal et constant en semble justifier cette prétention. Cette pratique porterait préjudice aux viticulteurs de Nuits. Le 15 juillet 1925, la cour d’appel de Dijon confirme le premier jugement, estimant cette fois que ‘Côte de Nuits’, ne constitue pas une dénomination géographique susceptible d’être considérée comme une appellation d’origine (AO selon la Loi de 1919 et non pas AOC, lesquelles prendront forme vers 1935 (voir https://monocepage.com/histoire-vin-bourgogne-20e-siecle/), mais seulement une division territoriale ou administrative. Un pourvoi en cassation est admis le 15 juillet 1927, mais l’affaire tombe à l’eau. On peut donner tort aux juges dijonnais. Dès le 18e siècle en effet, la Côte de Nuits constitue une entité viticole reconnue, sans précision toutefois quant aux vins compris dans cette définition. Nouveau jugement du tribunal civil cette fois, le 15 octobre 1934 à propos de l’appellation (toujours AO et non pas AOC) ‘Vin fins de la Côte de Nuits’. Conformément à un accord intervenu entre le syndicat viticole de Nuits-Saint-Georges et les demandeurs, celle-ci est reconnue mais pour ‘éviter toute confusion avec les vins fins en provenance de la commune de Nuits-Saint-Georges, il importe de compléter le vocable par une indication différenciant sans équivoque les vins de Nuits (Nuits-Saint-Georges) et ceux des autres communes pouvant revendiquer cette Appellation d’Origine.’ En définitive, on ne trouve pas cette ‘indication’. Le décret du 31 juillet 1937 entérine l’AOC  ‘Vins fins de la Côte de Nuits’. Ses bénéficiaires sont toujours Fixin (dont les vins peuvent également être désignés sous l’appellation communale ‘Fixin’), Brochon (partie de ce finage non inscrit dans l’AOC Gevrey-Chambertin), Prissey (Premeaux-Prissey), Comblanchien et Corgoloin… Vins fins de la Côte de Nuits est imprononçable par un palais anglo-saxon, Louis Audidier (devenu président du syndicat de ladite AOC) souhaite changer le nom de l’appellation. Un décret du 20 août 1964 transforme l’AOC en Côte de Nuits-Villages. Mais les palabres sont interminables… Fixin refuse. On suggère Côte de Nuits Comblanchin, Côte de Nuits Corgoloin. Les viticulteurs de ces deux villages se prononcent à 80% pour Côte de Nuits-Villages, plus facile à expliquer… Marsannay-la-Côte et Couchey frapent à la porte (souhait d’intégration à Côte de Nuits-Villages). Lucien Audilier prêche pour le refus.…”
Jean-François Bazin, ‘La Romanée-Conti’ (ouvrage portant sur les finages de Flagey-Echézeaux, Vosne-Romanée Nuits-Saint-Georges et Premeaux-Prissey.)

 

Au sujet de Couchey, un des trois finages de l’appellation Marsannay: “Au Nord de Couchey, la vigne appartient traditionnellement à des gens de Marsannay. En revanche, Couchey exploitait le Nord de Fixin et, pris entre deux attractions, n’a pas pensé revendiquer son propre nom.” Jean-François Bazin, ‘Chambertin’, 1991

 

2 ⇒ Une lumière additionnelle sur un passé discret

Tel que déjà dit, les finages de Chenôve, Marsannay-la-Côte et Couchey, concernés aujourd’hui par l’aire de Marsannay, appartenaient à la Côte dijonnaise, un des trois pôles culturels et viticoles d’autrefois (vins de Beaune, de Nuits et de Dijon). Aussi, la Côte dijonnaise était reliée au diocèse de Langres/Dijon dont la juridiction s’étendait au Sud jusqu’à Gevrey-Chambertin; tandis que, grosso modo, les autres finages de la Côte de Nuits et ceux de la Côte de Beaune étaient englobés dans le diocèse d’Autun, donc dans une autre ‘allégeance’.

La renom de Marsannay a été discret au sein de  la Côte dijonnaise pendant une longue période de son histoire. Jusqu’à la fin du 16e/début du 17e siècle, la notoriété des finages de la Côte dijonnaise, et partant le prix de leur vins, diminuait en s’éloignant du cœur de Dijon. Or, Marsannay est situé relativement en retrait de Dijon, le lieu-référence par son prestige. Ce principe subjectif d’appréciation, qui est bien difficilement compréhensible aujourd’hui, s’est graduellement estompé entre la fin du 17e siècle et le début du 18e siècle, sans toutefois que la notoriété du vignoble de Marsannay ne parvienne à supplanter réellement celle des finages immédiatement limitrophes à Dijon, nommément ceux maintenant quasi disparus de Tarlant et Fontaine, devenus depuis des quartiers de Dijon. Puis le vignoble de Marsannay s’est converti au gamay tel que déjà aussi mentionné.

Le premier bloc de l’onglet Histoire/ Époque moderne (17e et 18e siècles) explique le principe de valorisation des vins ayant prévalu jusqu’à vers la fin du 17e siècle. La valorisation des climats et la tarification inhérente est un concept qui ne se développe concrètement qu’au 18e siècle.


 

3 ⇒ Transition d’appartenance

Si ‘L’Atlas des Grands Vignobles de Bourgogne’ de 1985 de Sylvain Pitiot, co-produit avec Pierre Poupon, ne contenait pas de cartographie de Marsannay, c’est que Marsannay n’allait obtenir son AOC communale qu’en 1987.

Dans son ouvrage ‘Le vin de Bourgogne’ rédigé en 1996, le bourguignon Jean-François Bazin, historien de la Côte d’Or, traite de Marsannay dans un chapitre sur … la Côte dijonnaise. L’intégration de Marsannay dans le vignoble de la Côte de Nuits est donc ‘formellement’ récente.

La promotion d’un nombre de ses climats au rang de Premiers Crus cimenterait certes son identité côte d’orienne, sans complexe.


4 → Bibliographie

Voir ‘La Côte (d’Or): bibliographie

 

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