Révisé: avril 2022
CONTENU:
1 ⇒ Description des Premiers Crus beaunois par les auteurs contemporains
2 ⇒ Les Premiers Crus à travers trois classements référentiels
3 ⇒ Un classement ‘partisan’ de la fin du 19e siècle , cependant très éloquent
4 ⇒ Quelques observations de notre part
1 ⇒ Description des Premiers Crus beaunois par les auteurs contemporains
Dans son ‘Grand Atlas des Vignobles de France’ (2002), Benoit France écrit que “la tradition veuille que les vignes situées dans la partie Nord du vignoble soient plus souples que celles situées au Sud”. Dans ‘Le vin de Bourgogne’ (1996) Jean-François Bazin fait valoir plutôt l’inverse: “du côté de Savigny (donc la partie Nord): un vin tannique, robuste, puissant. Le côté de Pommard (partie Sud) apparaît souvent plus rond, plus souple, plus élégant.”
Une même discordance se constate chez deux auteurs britanniques réputés: Jasper Morris souligne dans ‘Inside Burgundy’ (2010) quant aux climats à la frange septentrionale que “as the vines move north toward Savigny … the wines are lighter“; tandis que pour Clive Coates, ‘The Wines of Burgundy’ (1997), “to the north … theses wines are full, firm and even solid”.
Pour Clive Coates, en général, les vins de Beaune “are varied, … but they lie somewhere between Pommard (somewhat four-square, but they should always be muscle) and Volnay (fragrance, delicacy, subtlety and finesse). Only rarely they reach the quality of the best of these other two communes.” De son côté, Jasper Morris résume sa perception des Beaune comme suit: “the point of Beaune is not to offer firmly constructed, powerfull wines but to tickle the pleasure points (all about the fruit).”
Le topo des Premiers Crus réalisé en mars 1999 par la revue ‘Le Rouge et Le Blanc’ se termine par le lieu commun suivant “… s’il fallait les caractériser et leur trouver une typicité deux adjectifs nous semblent s’imposer: l’élégance et la minéralité.”
2 ⇒ Les Premiers Crus à travers trois classements référentiels
Le tableau ci-devant décline les climats, avec leur taille, dénivelé et situation; et leur classement respectif selon les deux classifications historiques, ceux de Jules Lavalle de 1855 et du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860; de même que le classement ‘d’appoint’ de Camille Rodier de 1920.
La réponse à la question no 8 du quiz: les climats Champs Pimont, Aux Cras, Les Fèves et les Grèves.
- Le classification de Jules Lavalle de 1855.
Il importe de mettre en relief deux commentaires apportés par Jules Lavalle dans sa classification rattachée à Beaune: il écrit que “la (sa) classification par climat ne donne qu’approximativement la valeur relative des vins de chacun...” Aussi, il signale que “les climats sont en général très étendus et ont, par conséquent, des qualités différentes dans leurs parties différentes.” Pour ces derniers climats, Jules Lavalle a attribué la cote de leur meilleure partie. Autrement dit, il a jugé de façon favorable ces climats de ‘qualités différentes dans leurs parties différentes’. Les climats jugés ainsi par Jules Lavalle sont assez facilement identifiables par la consultation du classement du Comité de Beaune de 1860. À titre d’exemple, Jules Lavalle situe le climat Les Aigrots en Première Cuvée, lequel selon le Comité d’Agriculture de Beaune de 1860 se situe pour 60% en Première Classe et 40% en Deuxième Classe.
- Le classification du Comité d’Agriculture et de viticulture de l’Arrondissement de Beaune de 1860
Ce Classement de 1860 fut produit entre autres pour la promotion des vins de Bourgogne lors de l’exposition universelle de Londres de 1862. Le classement a couvert tous les vignobles de La Côte, bien que les finages de l’arrondissement même de Beaune − de Santenay à Vougeot inclusivement − furent traités de façon nettement plus exhaustive que ceux de la Côte de Nuits. “L’enquête, méticuleuse et désintéressée, dressa un plan par commune. Le comité constata la valeur de crus reconnus par l’usage sans vouloir chercher aucune innovation. Il désigne sous le nom de Premiers Crus (Premières cuvées) ceux qui donnent des vins de choix sous le triple rapport du bouquet, de la finesse et de la conservation. Les deuxièmes cuvées comprennent les vignes moins favorisées par le sol, l’exposition, la pente, l’altitude et qui, dans les bonnes années, peuvent donner des vins approchant des meilleurs. Les troisièmes cuvées comprennent les vignes qui se trouvent à l’extrême limite des bons climats et laissent à désirer, soit pour la finesse, soit pour la conservation. Le plan se refuse à établir une hiérarchie par commune et se borne à constater la gamme des valeurs dans chaque commune.” (M. Peyre, ‘Le Vignoble de Bourgogne, la Question des Appellations’,1935 Extrait de la page 92)
La section du finage de Beaune de l’éminente classification en trois catégories du vignoble de la Côte d’Or réalisée en 1860 par le Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’Arrondissement de Beaune. Ce classement a notamment servi en 1943 de référence pour fixer les Premiers Crus de La Côte. La Première classe est en rose. La Seconde en jaune et la Troisième en vert.
- Dans son ouvrage important ‘Le Vin de Bourgogne’, Camille Rodier, co-fondateur, avec Georges Faiveley, de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin, écrit « Nous tenons à ce qu’il soit établi que nous n’avons pas cherché à faire un classement nouveau, mais que le travail que nous présentons aux lecteurs résultent de deux classements faisant autorité à des titres différents, savoir … » et il nomme les classements de Jules Lavalle (1855) et du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860. Il n’en adapte pas moins de temps à autre ces deux classements(♦), avec justesse, d’autant que les valeurs des climats étaient certainement mieux connues quelques décennies après ceux nommés.
Après les classements historiques de Jules Lavalle et du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1850, le classement de Camille Rodier doit également être considéré tel une référence importante.
♦Au sein des Premières Cuvées de son classement, Camille Rodier utilise des majuscules pour faire valoir, sobrement, les climats qu’il considère exceptionnels, ses ‘Têtes de Cuvées’ en quelque sorte; en occurrence, sur Beaune, les climats Les Bressandes, le Clos de la Mousse, Au Cras, Les Fèves, Les Grèves et Les Marconnets.
3 ⇒ Un classement ‘partisan’ de la fin du 19e siècle , cependant très éloquent
Ci-contre, matériel promotionnel de la fin du 19e siècle de la Maison Bouchard Père et Fils. L’illustration est tirée de l’ouvrage de René Danguy et Charles Aubertin de 1892, ‘Les Grands Vins de Bourgogne’.
La Maison Bouchard Père et Fils était déjà au 19e siècle propriétaire de nombreuses parcelles sur plusieurs de climats beaunois − l’ouvrage de Jules Lavalle de 1855 énumère les propriétaires respectifs des climats −. En fait, les climats sur lesquels ce négociant-propriétaire était alors exploitant semblent correspondre en large partie à son patrimoine actuel, si ce n’est que cette maison ne détient plus de vignes sur Les Fèves. La localisation des parcelles détenues présentement par cette maison aurait figurée durant un laps de temps sur le site internet de la maison Bouchard. Le site internet ‘Burgmap’ qui illustre entre autres la position des parcelles de Bouchard Père et Fils y a alors certainement capté cette information. Toujours est-il que la classification ancienne de la Maison Bouchard Père et Fils est éloquente sur la valeur qu’elle accordait à ses crus. Voici quelques observations dégagées de cette nomenclature:
√ Cette classification-maison s’appuie en bonne partie sur le classement du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860;
√ La Maison Bouchard Père et Fils manifeste une certaine objectivité dans sa classification;
√ La large ventilation en cinq classes traduirait la valeur contrastée des Premiers Crus;
√ Le négociant-éleveur conforte en quelque sorte la valeur des meilleurs climats: Les Grèves, Les Fèves, Les Cras et Les Marconnets;
√ Il importe de mettre en évidence qu’il est distingué ‘Hautes’ et ‘Basses’ pour les Cent Vignes car ce climat a bel et bien deux parties selon le classement de 1860;
√ La valeur, inférieure, des climats de la partie inférieure du versant est aussi confortée.
4 ⇒ Quelques observations de notre part
Avant le 20e siècle, la ville de Beaune était bien davantage que l’épicentre du vignoble de La Côte, qu’il est actuellement. Elle en était un chef-lieu fourmillant et prestigieux. Notamment, les grandes maisons de négoce, alors les seuls acteurs du commerce, y avaient d’importantes installations de production au coeur de la ville, et non pas, tel actuellement, que des simples bâtiments de prestige témoignant de ce passé. Aussi, les négociants étaient nombreux à détenir, et vigoureusement mettre en valeur, d’importants patrimoines de vignes sur Beaune même. La maison Bouchard Père et fils en est le meilleur exemple. Le vignoble de Beaune était particulièrement estimé. Cette valorisation se constate dans les premiers classements référentiels du 19e siècle, selon des classements certainement surestimés.
Il est certes utopique de convenir des dénominateurs communs aux Premiers Crus beaunois en raison de l’étendue du finage, lequel comprend 42 climats en Premiers Crus couvrant 335 hectares sur un lonh versant continu de quatre kilomètres. Ainsi, très globalement (c’est à dire selon un écart-type assez élevé): les ont des parfums élégants; les bouches sont flatteuses, rondes; leurs tanins sont raffinés et élégants; les structures ne sont jamais robustes; les textures sont finement onctueuses. Parlant des Bourgognes ayant un fruité exquis, les auteurs du 19e siècle les disaient ‘franc de goût’, tels sont les Beaune Premiers Crus. Bref, les Premiers Crus de Beaune ont un caractère avenant. Ils s’apprécient jeunes et ils ont pourtant une grande capacité de vieillissement. Nous pourrions ajouter que les Pinots de Beaune sont des archétypes de ce cépage.
Les Premiers Crus supérieurs, les ténors, sont sans contredit le Clos des Mouches, Les Fèves et Les Grèves. Deux d’entre eux ont d’ailleurs de grande superficie qui leur confère une visibilité contribuant favorablement à leur notoriété.
Les Premiers Crus de Beaune comportent entre eux des écarts de valeurs significatifs. À titre d’exemple, le mérite des climats en piémont du versant Sud (Bellisand, Tuvilains, Reversées et autres) est franchement moindre comparativement aux climats ténors. Le nivellement s’effectuant généralement vers le bas, nous croyons que la valeur de ces climats moins intéressants se projette dans une certaine mesure sur celle des meilleurs climats. Cela dit, chaque finage ne comporte t-il pas une disparité dans la valeur de leurs Premiers Crus.
Il est possible que le (très) grand nombre de climats en Premiers Crus entraine un effet de dilution sur l’intérêt porté envers ceux-ci. Nuits-St-Georges conforterait-il ce postulat?! Ses Premiers Crus sont aussi nombreux (37) et la notoriété générale de ceux-ci est clairement plus basse que celle de ses voisins Vosne et Chambolle.
Particulièrement bien implantées sur Beaune, les cuvées rondes (assemblages de vins de plusieurs climats), dont la cuvée ‘Beaune du Château’ de la maison Bouchard Père et Fils est certes la plus connue, atténuent, à notre avis, la cote des Premiers Crus beaunois. Nonobstant leur valeur intrinsèque, elles ne procurent définitivement pas de valorisation aux Premiers Crus du finage. Quoiqu’il en soit, ‘Beaune du Château’ est une cuvée historique, estimable.
Nonobsant les climat ‘ténors’, quelques climats méritent d’être avantageusement considérés puisqu’ils sont aptes à générer des vins de très bon niveau à partir de terroirs assez homogènes selon le classement de 1860, entre autres: Les Bressandes, Les Marconnets, Les Cras, Les Toussaints, Pertuisots et Les Vignes Franches.
Plusieurs climats notoires, entre autres les climats Les Teurons, Cents Vignes, Clos du Roi et Champs Pimont, génèrent théoriquement des vins de niveaux variés selon les positions des vignes au sein de leur climat respectif. La preuve en est fournie par leur situation dans le Classement du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860. Bien entendu, puisque ‘c’est au fruit que l’on juge l’arbre’, des vins issus de vieilles vignes de parties basses des Cent Vignes ou du Clos du Roi et conçus soigneusement sont supérieurs à d’autres cuvées provenant de parties hautes.
En vertu du niveau des prix assez bas des Beaune Premiers Crus qui ont eu cours et qui ont encore cours, il est concevable qu’un nombre de producteurs du finage sioent enclin à en aligner leur prix de revient en faisant des compromis de viticulture et en adoptant des pratiques au chai qui sont des concessions sur les pré-requis à l’élaboration de vins particulièrement soignés. Toujours est-il que la production de vins ‘particulièrement soignés’ semble en hausse sur le finage de Beaune. Ces vins indiquent la réelle valeur de plusieurs Premiers Crus. Notamment, la maison Chanson a incontestablement élevé le niveau de ses Beaune et prouve, entre autres, que Les Fèves est un cru important. De plus, quelques producteurs exigeants qui ne sont présents sur le finage que depuis quelques années réalisent des vins qui sont des témoins des potentiels de leur terroir, nommément de Montille, des Croix et Albert Morot. Bref, une montée en qualité s’observe. Notons pour terminer que deux nouveaux exploitants sur le climat Les Tuvilains nous en feront éventuellement connaître le réel niveau puisque les domaines des Croix et Georges Noëllat (Maxime Cheurlin / Vosne-Romanée) y exploitent maintenant des parcelles, en fermage.
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