Date de publication:

Quatre habiles producteurs sur Pernand

Vincent Rapet, Domaine Rapet, Perand-Vergelesses

Nonobstant le domaine Bonneau du Martray, détenteur d’un patrimoine magistral de vignes en Corton-Charlemagne, le domaine Rapet est plausiblement le domaine le plus notoire de Pernand-Vergelesses. Il est celui dont la présence hors le village est la plus disséminée, soit sur Aloxe, Savigny, Chorey et Beaune. Le vignoble comprend d’ailleurs un peu plus de vingt hectares, avec des parcelles sur les Grands Crus Corton-Charlemagne et Corton rouges (Pougets et une cuvée assemblant des vins issus de vielles vignes des climats Chaumes et Combes), cinq Premiers Crus sur Pernand-Vergelesses (Ile des Vergelesses, Les Vergelesses, Sous Frétille, Clos du Village et En Caradeux) et quatre Premiers Cru sur Beaune.
Le domaine se dit ‘implanté entre Côte de Nuits et Côte de Beaune, à Pernand-Vergelesses’ (site internet du domaine). Bien dit, puisque autrefois la limite de la Côte de Nuits se situait aux abords de Corton! Ses antécédences généalogiques sur Pernand remonteraient au 18e siècle. Personnalité réservée, Vincent Rapet est présent au domaine depuis 1985.
Le vignoble est conduit de manière traditionnelle mais attentiste. Pas d’insecticide, autant que possible du souffre et du cuivre en début de saison, et l’emploi de produits phytosanitaires est géré selon des besoins stricts établis au moyen d’ordinateurs installés sur les deux enjambeurs de la propriété. Aussi, pour réduire les risques de maladies cryptogamiques et favoriser le mûrissement, les vignes sont effeuillées partiellement après la nouaison, côté soleil levant, dans leur partie basse, et relevées dans leur partie haute. Les rendements recherchés sont de l’ordre 40 hl/ha en Premiers Crus, en année normale. Les vignes sont renouvelées en plants fins sélectionnés pour induire des maturités plus hâtives, un atout sur Pernand. Vincent Rapet choisit de ne pas vendanger à haute maturité pour “produire des vins aux arômes de fruits rouges plutôt que noirs” (V. Rapet). Les récoltes sont manuelles et les raisins sont triés. Les rouges sont égrappés pour ±75%, placés en cuves béton thermo-régulées et soumis ensuite à une macération à froid d’une durée variable selon les millésimes, n’excédant pas une semaine. Des pigeages sont effectués jusqu’à la densité 1030/1040, suivis de remontages. D’ordre général, deux soutirages sont effectués avant les mises en bouteilles après 15 mois d’élevage.
Les blancs du domaine sont étonnants pour l’intégration remarquable du boisé d’élevage, l’éclat des fruités et leur finesse. Sans égrappage préalable, les raisins sont pressés, sans montée de tension, pendant près de deux heures et sont débourbés sans intrants, c’est à dire sans colle, enzyme ou autre, puis placés en fûts de 350 litres pour la fermentation. Des bâtonnages sont réalisés au besoin, pour agiter les lies et ainsi soutenir les fermentations. Ceux-ci sont élevés sur lies jusqu’à la mise en bouteilles, précédée d’un collage et d’une filtration. Des bâtonnages sont effectués éventuellement en cours d’élevage pour atténuer les acidités, selon les années. Des soutirages ne sont réalisés que “s’il y a des goûts de réduit, et sont alors protégés avec du SO2 ou de l’azote’ (V. Rapet).Dans l’ensemble, l’utilisation de fûts neufs est de 10-15% pour les ‘villages’, 20-25% pour les Premiers Crus et 30-35% pour le Corton-Charlemagne.

Les rouges allient le classicisme et la modernité. Les fruités sont toujours engageants sans être démonstratifs, les vins rouges sont généreux, les tannins sont détendus. Le cru ‘Ile de Vergelesses’ représente la cuvée emblématique et confirme le niveau élevé du cru. En blanc, notre coup de cœur se porte sur l’étonnant Premier Cru Sous Frétille, vigne plantée en 1960, régulièrement minéral (pierre à fusil), élancé, fin, racé. Le Domaine Rapet reçoit dans un lieu accueillant au milieu du village sa clientèle. Le Premier Cru En Caradeux a été planté en 1986, le Clos du Village (Premier Cru) en 1997 et les villages Combottes et Les Clous en 2000.

Le site internet du domaine est intéressant. Nous aimons que les parcelles soient localisées sur cartes et que les cuvées issues de vieilles vignes y soient désignées par l’âge de celles-ci.

 

Luc et Lise Pavelot, Domaine Pavelot, Pernand-Vergeleses

Le domaine Pavelot de Pernand (ne pas confondre avec le domaine J.-M. et Hugues Pavelot de Savigny-les-Beaune) illustre l’évolution des cinquante dernières années de très nombreux domaines de La Côte: Maurice, le grand-père de Luc et Lise, pratiquait une culture conventionnelle durant les années 1950 et ne mettait en bouteille qu’une bien petite partie de la récolte; Régis, leur père a quitté graduellement la culture traditionnelle durant les années 1990 et il a accru la commercialisation directe; Luc et Lise ont adopté la culture biologique en 2009 et tout est dorénavant mis en bouteille et vendu par le domaine. Nous le soulignons, le domaine est un des quelque 80 membres du GEST, un groupement d’adhérents à la culture biologique.
C’est la parcelle des Iles de Vergelessses appartenant ‘maintenant’ au domaine Pavelot que les gallo-romains ‘avait choisie’ il y a près de deux millénaires pour y aménager une villa gallo-romaine. Cette ‘fortune’ est fantastique puisque ce lieu est l’unique du genre découvert en versant sur toute La Côte! Les Pavelot en éprouvent des sentiments partagés. À raison, ils ont espéré que le site ne soit pas confiné à la recherche archéologique, ou qu’il ne devienne une destination touristique (sachez qu’il n’y a que des vignes à contempler aujourd’hui). Cependant cette présence souterraine magistrale les anime et ils en conservent discrètement et fièrement des vestiges.
Lise et Luc, casquette vissé sur la tête, sont réservés. Une discrétion qui explique possiblement en partie que leur savoir-faire ne soit signalé dans les guides comme le Bettane et Desseauve ou celui de la RVF. L’aspect encore discret du finage de Pernand explique certainement aussi que les superbes vins des Pavelot n’aient pas encore une notoriété médiatisée. Il en serait certainement autrement si les Pavelot étaient logés sur Vosne avec des vignes de Vosne! Quoiqu’il en soit leurs vins sont précis et d’une grande finesse.
Le domaine exploite une dizaine d’hectares. Soulignons en premier lieu deux particularités: l’aligoté de la maison provient de vignes inscrites dans l’aire de l’AOC Pernand-Vergelesses et le Corton rouge est issu d’une parcelle du climat ‘En Charlemagne’ qui pourrait donc tout aussi bien produire du Corton-Charlemagne. Ceci pour signaler que les Pavelot sont soucieux de la tradition familiale puisqu’il serait certainement plus rémunérateur de produire un Pernand blanc plutôt qu’un aligoté (très bon / Pernand était autrefois réputé pour ses aligotés) et un Corton-Charlemagne plutôt qu’un Corton rouge dont la mention du climat n’est pas autorisée (interdiction de mention du climat d’origine pour les Cortons issus de ‘En Charlemagne’ et ‘Le Charlemagne’), d’autant que l’arrachage et la retransplantation de la parcelle sur En Charlemagne a donné lieu à une prise de décision récente quant au cépage à replanter.
Les blancs: les raisins récoltés manuellement sont foulés avant le pressurage et le débourbage naturel qui s’ensuit est réduit, afin de conserver une assez grande quantité de bourbes pendant la vinification et ainsi, entre autres, minimiser l’emploi de souffre, conférer de la structure et bien traduire l’identité du terroir. Le bâtonnage des lies en vinification pour soutenir la transformation et si nécessaire pour atténuer les acidités en phase d’élevage, en fûts de 350 litres. La production: une cuvée ronde de Pernand village, deux Premier Crus des climats Sous Frétille et En Caradeux, et une cuvée Corton-Charlemagne issue, précisément, de trois parcelles dont une sur Aloxe et deux sur ‘En Charlemagne’ de Pernand, comme déjà mentionné.
Les rouges: dont les vignes, autant que pour les blancs, sont dorénavant replantées en sélection massale pour la diversité, et les raisins généralement éraflés et foulés avant la vinification pour pour procurer plus de structure: Un Aloxe-Corton, une cuvée ronde de Pernand-Vergelesses issue des climats Les Pins, Belles Filles, Les Boutières et Les Noirets; et les Premiers Crus Ile de Vergelesses, Les Caradeux et Les Fichots, et le Corton rouge.

 

Lauriane André et Jérome Despré, Domaine Françoise André,  Beaune

L’inscription ‘Domaine Françoise Andrée’ à l’entrée du domaine indiquait ‘Domaine de Terregelesses’ jusqu’à il y a encore peu de temps. Il n’y pas que le nom qui a changé.

La famille André est connue sur La Côte pour son important bureau d’expertise comptable. Celle-ci acheta des vignes au début des années 1980 et créa le Domaine des Terregelesses en 1983. Ce domaine, dirigé par Sylvain Pitiot jusqu’en 1990, fut un des premièrs à commercialiser des Chorey-les-Beaune, appellation créée en 1970. Durant une vingtaine d’années après la période conduite par Pitiot, soit jusqu’à 2010, les vignes du domaine furent confiées, en fermage, à un exploitant d’Aloxe-Corton. Depuis, le domaine a été repris en charge par la famille André qui en a confié la gestion administrative à Lauriane André, épouse d’un des trois fils de Françoise André, et les opérations à l’œnologue Jérôme Despré, présent depuis 2010.
Le site internet du domaine est nommé ‘Domaine des Terregelesses – Françoise Andrée pour indiquer la transition entre le nom initial, des Terregelesses, et le nom actuel, Françoise Andrée. ‘Terregelesses’ dérive de ‘Vergelesses’, où (Pernand-Vergelesses) le domaine détient des vignes.
Fait qu’il importe de souligner, le domaine est une des rares entités viticoles dont les installations, bureau et chai, sont situées à l’intérieur du périphérique de Beaune, soit précisément dans un lieu intégré aux remparts mêmes de Beaune. Le fait n’est pas banal car nous croyons qu’il s’agit du seul exploitant viticole qui opère des vinifications au cœur même de Beaune.
Le vignoble d’une superficie totale de sept hectares est réparti sur les finages d’Aloxe, Pernand, Savigny, Chorey, Beaune et Pommard. Les parcelles sur Pernand sont situées sur les Premiers Crus Les Fichots et Les Vergelesses, le Premier Cru (strictement) blanc Sous Frétille et le climat en village Les Pins. Absent sur le Premier Cru Ile des Vergelesses, le domaine détient cependant des vignes sous celui-ci, sur Les Vergelesses (lieu-dit Les Basses Vergelesses) de Pernand tel que déjà mentionné, et également au dessus, sur Les Vergelesses (lieu-dit Aux Vergelesses) de Savigny-les-Beaune.
L’étonnant chai du domaine (voir les photos ci-bas) fut rénové en 2014.
Converti à la culture biologique en 2009, le domaine détient maintenant la certification Ecocert. En rouge, les raisins sont triés puis entièrement égrappés et mis en cuves inox thermo-régulées sans avoir été foulés. Une macération pré-fermentaire à 10o de quatre à sept jours précède la fermentation alcoolique comportant un premier temps de pigeages doux et un deuxième surtout de remontages. L’élevage, équitable pour tous les vins du domaine, se fait en fûts de 350 litres, neufs près du tiers, sans soutirage jusqu’au retour en cuves précédant la mise en bouteilles avant les vendanges. Après pressurage, les blancs subissent un débourbage naturel de 24 à 48 heures, sans apport d’enzyme ou agents de clarification et d’immunisation, et sont placés en fûts pour la fermentation et l’élevage selon la même approche ‘équitable’ que les rouges. Le domaine recherche des vins droits et évite le bâtonnage qui apporterait aux vins un gras jugé inutile. Peu sulfités aux diverses étapes, les blancs sont déplacés en cuves inox à l’été pour un décantage des lies en suspension et mis en bouteilles avant les vendanges suivantes.
Les vins: les 2014 goûtés ont des densités qui reflètent l’ambition du domaine. Les blancs sont droits et précis. Ceux-ci traduisent leur origine, notamment, en blanc, le Sous Frétille (Premier Cru de Pernand) exprime avec précision le caractère aromatique singulier, mix fruité/floral/minéral; en rouge le Pommard Vaumurien, aux tannins fins et serrés, au fruité délicat est une version remarquable de ce très beau terroir.

À une exception, toutes les entités viticoles ayant déjà eu des installations de vinification à l’intérieur du périmètre déterminé par les remparts de Beaune, autrement dit au cœur de la ville, ont déplacé cette fonction hors celui-ci au cours des dernières décennies. Ce seul chai de vinification et d’élevage, celui du Domaine des Terregelesses, est aménagé dans l’emprise de l’ancienne palissade historique de la ville de Beaune, les remparts de Beaune. Le lieu a été acquis par la famille André il y a maintenant près de quarante ans. Rien n’y parait de l’extérieur. Seul la discrète plaque identification posée à un mur  constitue un indice de l’occupation au 7 Rempart St-Jean. L’accès au chai, sur deux étages, se fait depuis la rue Armand Gouffé.

 

Claude et François de Nicolay, Domaine Chandon de Briailles, Savigny-les-Beaune

L’histoire du domaine et son lieu sont inusités sur La Côte. À l’entrée de Savigny-les-Beaune, le bâtiment principal de la propriété est un manoir de style Louis XIV construit en 1710 et classé au Patrimoine historique de France. D’inspiration Le Nôtre, l’aménagement du parc et des jardins de Versailles, le jardin de la propriété est vaste, remarquable. Pour apprécier ce square, le visiteur informé doit solliciter sa visite puisque l’entrée des bâtiments viticoles est à l’opposé de celui-ci, séparé par le manoir. La propriété est possédée par la même lignée ancestrale depuis 1834. Après avoir hérité de sa part du patrimoine familial au décès de son père en 1956, le Comte Aymard-Claude de Nicolay, actuel propriétaire, acheta la part de son frère rattachée à la propriété de Savigny.
Nous pourrions aussi ajouter que la grande dame du domaine, la comtesse Nadine de Nicolay, y a aussi amené un aspect inusité. Confiée à un régisseur pendant les vingt premières années de la gouverne du Comte de Nicolay, la gestion de la propriété fut entièrement prise en main par la suite, en 1976, par Nadine de Nicolay. Elle quitta Paris, seule, pour assumer alors la conduite du vignoble et du chai de Savigny. C’est elle qui fixa les premiers jalons de l’agriculture biologique au domaine en abandonnant les produits de synthèse dès 1988. C’est une précurseure dans le milieu vigneron.
La propriété compte 13,7 hectares répartis assez également sur les trois finages de Savigny-les-Beaune, Pernand-Vergelesses, et Aloxe-Corton, dont des parcelles sur les Grands Crus Les Bressandes, Le Clos du Roi et Les Maréchaudes. Les quatre hectares possédés sur le climat Ile de Vergelesses, trois plantés en pinot noir et un en chardonnay, représentent près de la moitié de la superficie (9,4 ha) de ce réputé climat. Le domaine est géré actuellement par François et Claude de Nicolay, les enfants du Comte et de la Comtesse. Ils sont appuyés depuis 2011 par l’œnologue néo-zélandais Christian Knott, chef de cave, et François Granger, chef de culture. La pratique de la biodynamie y a été introduite en 2005 et les certifications Demeter et Ecocert furent obtenues en 2011. Nous signalons, entre autres, que les rendements recherchés pour les Premiers et Grands Crus sont de l’ordre de 30 à 35 hl/ha. Le labourage au cheval sur les Grands Crus est effectué par un cheval appartenant au domaine, conduit par François Granger. La vinification des rouges est initiée depuis quelques millésimes en macération carbonique: Sur un lit de raisins foulés au fond de la cuve, sont déposées les grappes entières, chapeau fermé. La fermentation alcoolique qui démarre au bas de cuve libère du CO2 qui protège le moût de l’oxydation, tandis qu’un stade de fermentation enzymique se produit dans les baies demeurées entières. Celles-ci éclatent et une fermentation alcoolique classique, avec pigeages et remontages est ensuite menée. Cette approche de fermentation qui a pour but de lisser les tanins n’est pas inusitée sur La Côte.

Labourage au cheval en début du printemps dans la grande parcelle des Iles des Vergelesses du Domaine Chandon de Briailles. À droite: prise tôt au printemps, une photo d’une partie du jardin attenant au manoir. D’inspiration Le Nôtre, jardinier du roi Louis XIV, le jardin du manoir de la propriété est vaste, remarquable.

Ile de Vergelesses, climat majeur ← Onglet précédent