mis en ligne: décembre 2021
Il est peu fréquent qu’un vignoble oublié, littéralement déserté pendant plus d’un siècle, soit résolument replanté et remis en production, et qu’en vertu du niveau élevé des vins alors obtenu, celui-ci suscite en moins de vingt ans la mise de l’avant d’un dossier d’homologation d’une AOC, éventuellement ‘Seyssuel’. |
CONTENU:
1 ⇒ Un dossier d’homologation d’AOC en cours
1.1 → Une AOC prochaine pour le vignoble de Seyssuel
1.2 → Une destinée d’appellation communale
2 ⇒ Cartographie de mise en situation
2.1 → Seyssuel au sein du vignoble nord rhodanien
2.2 → Seyssuel en continuité de Côte Rôtie
2.3 → Aire potentielle de Seyssuel
3 ⇒ Histoire en abrégé: vignoble autrefois réputé
4 ⇒ Physiographie et géologie
4.1 → Physiographie/paysage
4.2 → Géologie: similitude avec Côte Rôtie
5 ⇒ Les viticulteurs actuels de Seyssuel
6 ⇒ Bibliographie
1 ⇒ Un dossier d’homologation d’AOC en cours
1.1 → Une AOC prochaine pour le vignoble de Seyssuel
Il est peu fréquent qu’un vignoble oublié, littéralement déserté pendant plus d’un siècle, soit résolument replanté et remis en production, et qu’en vertu du niveau élevé des vins alors obtenu, celui-ci suscite en moins de vingt ans la mise de l’avant d’un dossier d’homologation d’une AOC.
“La primeur de cette découverte peut être attribuée à Pierre Gaillard, originaire de Ternay au Nord de Seyssuel. Au cours de ses études d’œnologie, il découvre une version originale, an 1600, du Théâtre de l’Agriculture d’Olivier de Serres. Dans celle-ci il est question du vignoble de Seyssuel, carte à l’appui, mettant celui-ci au rang de meilleur vignoble du Dauphiné… François Villard, s’installant et cherchant un vin de pays à intégrer dans sa gamme, lui demande conseil. Un coup d’œil et le coup de foudre. Quelques renseignements auprès des habitants de la commune et François Villard en parle à Yves Cuilleron. Il ne suffit que d’un repas à Valence chez Pic pour créer une association entre les trois amis.” Le Rouge et le Blanc, décembre 1998 |
Le vignoble de Seyssuel a superficie potentielle de ±340 hectares, comprise sur des parties respectives de trois communes adjacentes, Seyssuel au centre− 90% des 50 hectares présentement en vignes − et de part et d’autre, Chasse-sur-Rhône et Vienne.
Le vignoble est actuellement classé en IGP, ‘Indication Géographique Protégée’.
‘Vitis Vienna’, l’association de la vingtaine d’exploitants actuels, dirige l’initiative de la demande d’homolagation auprès de l’INAO.
Il est pertinent de souligner que la démarche auprès de l’INAO fut rendue possible en 2014 en vertu de l’accord, incontournable, du Syndicat des Côtes du Rhône.
L’lNAO, dont des professionnels de cet instance on mené en 2015 des investigations sur le terrain, devra définir le niveau d’appellation, entre une dénomination régionale, sous ‘Côtes du Rhône’ − des aires sous cette AOC sont déjà déterminées en Rhône-Nord, dont à titre d’exemple, sur le plateau surmontant l’aire communale de Côte Rôtie − et une appellation communale.
Seyssuel a indubitablement un potentiel d’homologation en AOC communale. Le topo à la suite en apporte en quelque sorte le justificatif.
1.2 → Une destinée d’appellation communale
L’aire éventuellement définie de cette prochaine homologation s’inscrit dans un contexte privilégié, voire remarquable, soit un coteau pentu qui est largement comparable, tant physiographiquement, géologiquement, que pittoresquement, à ceux propres aux AOC renommées de la région Nord du Rhône, nommément Côte Rôtie qui est quasi voisine. Il apparait ainsi cohérent que la future homologation pour le vignoble de Seysssul soit communale, sous le nom de ‘Seyssuel’. D’autant qu’un pré-requis♦ essentiel est satisfait, soit une antériorité, c’est à dire un usage avéré dans le passé de la dénomination ‘vin de Seyssuel’, en vertu particulièrement du cépage syrah.
Quelques producteurs actuels ont démontré qu’en appliquant sur le vignoble de Seyssuel les règles propres à une AOC communale − vignes en coteaux, peuplement à haute densité, maitrise de rendement et autres − le niveau des vins générés se compare avantageusement aux vins obtenus sur les meilleurs terroirs en Rhône Nord.
Selon qu’une appellation communale ‘Seyssuel’ soit éventuellement homologuée, celle-ci serait la neuvième en Rhône-Nord, à la suite de Saint-Péray et Château-Grillet en 1936, Hermitage et Crozes-Hermitage en 1937 (aire alors limitée à la seule commune de Crozes-Hermitage et extension en 1952 sur les dix autres communes ), Cornas en 1938, Côte Rôtie et Condrieu en 1940, et Saint-Joseph en 1956.
♦ Guide de l’INAO du demandeur d’appellation d’origine (février 2011): La reconnaissance d’une AOC ne vise pas à créer de nouvelles dénominations, mais bien à reconnaitre l’usage d’un nom lié à des usages de production. La notoriété du nom doit donc être dûment établie et démontrée.
2 ⇒ Cartographie de mise en situation
2.1 → Seyssuel au sein du vignoble nord rhodanien
2.2 → Seyssuel en continuité de Côte Rôtie
Cliquez sur les illustrations pour les agrandir
Illustration de gauche produite par monocepage à partir d’une capture d’écran d’une très intéressante scénographie montrée sur le site de la maison Guigal. Seyssuel n’est qu’à 2,5 kilomètres à vol d’oiseau de l’extrémité Nord du vignoble de Côte Rôtie, sur la commune de Saint-Cyr-sur-Rhône; Côte Rôtie sur la rive droite du Rhône, Seyssuel sur la rive gauche. À droite, illustration de la topographie du milieu obtenue depuis le geoportail.
Seyssuel, sur la rive gauche, et Côte Rôtie, sur la rive droite, appartiennent au même milieu géologique de la bordure orientale du Massif Central (voir ‘Géologie’ au segment 4.2). C’est un creusement ‘inopiné’ du couloir du Rhône qui a détaché ces deux milieux l’un de l’autre. Cette séparation est attribuable à un phénomène de géomorphologie nommé épigénie (explication immédiatement à la suite). Un phénomène identique a d’ailleurs détaché la partie Nord du vignoble de Hermitage, comprenant notamment le célèbre lieu-dit Les Bessards, du secteur d’exception du vignoble de Saint-Joseph sur l’autre rive, sur la commune de Tournon-sur-Rhône.
Autre similarité, Hermitage et Seyssuel sont logés à la même position sur deux méandres (ou coude ou encore défilé) du Rhône qui leur confère réciproquement une exposition au Sud-Sud-Ouest, très favorable à la vigne.
EPIGÉNIE: Dans le Rhône septentrional, le fleuve n’a pas longé la bordure géologique du Massif Central sur tout son parcours. Celui-ci ‘s’est compliqué la vie’ en tailladant çà et là cette frange rocheuse. Cela s’est produit au Quaternaire alors qu’un changement brutal du niveau de la mer a provoqué un encaissement du fleuve. Le phénomène par lequel un cours d’eau n’est pas guidé par les structures géologiques s’appelle en géomorphologie l’épigénie (Larousse: mode de creusement des vallées indépendant de la nature des reliefs). Le géologue P. Georges (1941) a appelé le phénomène d’épigénie ‘les trouées héroïques du Rhône’. Cette explication est une adaptation d’un texte de l’Étude géologique de l’aire de l’appellation Crozes-Hermitage’ produite par la Société d’études de sols et de terroirs Sigales. Merci Sigales pour l’explication. |
2.3→ Aire potentielle de Seyssuel
Seyssuel, aire potentielle de ±340 hectares en continuité, en quelque sorte, avec Côte Rôtie.
Cette illustration est une autre approche de visualisation de Seyssuel. La partie supérieure de l’illustration est une superposition sur Google Map produite par monocepage de la carte du potentiel vignoble de Seyssuel, captée depuis l’ouvrage de documentation ‘Vitis Vienna / Renaissance d’un vignoble aux portes des Côtes-du-Rhône’, réalisé par Florian Marcelin. La mosaïque numérotée en partie inférieure est celle des lieux-dits de Côte Rôtie (Saint-Cyr-sur-le-Rhône, Ampuis et Tupins-et-Semons, soit les trois communes de Côte Rôtie), déjà illustrée par monocepage dans le ‘topo de Côte Rôtie‘.
3 ⇒ Histoire en abrégé / vignoble autrefois réputé
Seyssuel a une histoire de viticulture qui remonte à l’Antiquité. Il est connu qu’à l’époque romaine, il y a près deux millénaires, des vignobles étaient exploités dans le segment le plus septentrional de la vallée du Rhône, notamment dans les alentours de Vienne, alors la principale cité romaine du Dauphiné.
Toujours est-il … |
Ces vignobles antiques étaient-ils situés en coteaux ou en plaine? La réponse n’est pas vraiment connue. Toujours est-il … Que lors d’une visite en 2018 chez un couple de vignerons de Condieu, à une quinzaine de minutes de la route de Seyssuel, une discussion survient sur la position des vignes en Rhône-Nord à l’Antiquité. Madame conçoit que les vignobles romains étaient logés en coteaux; ils sont nombreux à les voir en coteaux. Monsieur les situe plutôt sur le piémont, voire en plaine; monsieur n’a peut-être pas tort. À deux cents kilomètres au Nord de Condrieu, une découverte assez récente apporte un éclairage étonnant sur un contexte viticole romain de l’Antiquité, qui positionnent les vignes en plaine! Une fouille archéologique dirigée par Jean-Paul Garcia (ici), géologue-archéologue de l’Université de Bourgogne (Dijon), met à jour en 2008 et 2009 au lieu-dit ‘Au-dessus de Bergis’ de Gevrey-Chambertin un grand nombre de fosses alignées, rectangulaires, attribuées à des plantations d’un vignoble ancien, romain, qui daterait de la fin du 1er siècle/début du 2e siècle. L’endroit se situe en périphérie Nord-Est de l’aire de l’AOC communale Gevrey-Chambetin. Cette localisation en plaine s’avère étonnante car elle témoigne d’une conception antique des terroirs viticoles qui diffère des considérations médiévales et contemporaines qui situent les meilleurs crus sur les coteaux. |
ll est bien documenté que du 16e au 19e siècle, les vignobles, en coteaux, de Seyssuel à Saint-Péray, furent exploités commercialement, fort avantageusement.
La dernière partie du 19e siècle et plus de la première moitié du 20e siècle constituèrent toutefois une période de forte contraction, voire de déclin profond en certains endroits, particulièrement à Condrieu, sinon d’éclipse totale, comme à Seyssuel.
Malgré la léthargie dans le vignoble du Rhône Nord, des secteurs, tels Hermitage et Saint-Péray, obtinrent des AO avant 1931 − période des ‘Appellations d’Origine’ de 1919 à 1935, laquelle fut en quelque sorte le préambule à celle des ‘Appellations d’Origine Contrôlée’ qui débuta en 1935 −, puis des AOC communales furent décrétées à compter de 1936 sur huit milieux en Rhône septentrional, cependant pas sur Seyssuel, plausiblement le seul milieu demeuré sans porte-parole − des syndicats de producteurs ailleurs − auprès de l’INAO durant ces épisodes de fixations d’appellations.
Si les vignobles de l’axe du Rhône Nord ont, respectivement à des moments plus ou moins différents, connu leur relance durant la deuxième demie du 20e siècle, celui de Seyssuel, une renaissance plutôt qu’une relance, ne s’est amorcée, à toute fin utile, qu’au début du présent siècle. Yves Cuilleron, François Villard et Pierre Gaillard, alors jeunes vignerons établis sur d’autres appellations en Rhône Nord, ont entrepris en 1996, individuellement et mutuellement (‘Les Vins de Vienne’), de remettre en culture des parcelles en friches appartenant à un agriculteur local à la retraite. Anthony Paret a par la suite planté des vigne en 1999. En 2007, une vingtaine de domaines étaient devenus propriétaires de vignes et avaient planté une quarantaine d’hectares.
L’éclipse du vignoble du Rhône-Nord entre 1870 et 1970
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L’ouvrage (2016) ‘La renaissance d’anciens vignobles de français disparus’ de Robert Chapuis nous dit sous ‘petit rappel historique’ que “avec la conquête de la Gaule transalpine, à partir de -121 avant J.C., puis surtout avec la conquête de la Gaule par César, entre -58 et -51, et l’installation de colons romains, la vigne s’étend en Gaule transalpine et remonte le Rhône. Au premier siècle après J.C., on la trouve (…) dans le Sud-Est, à Béziers, à l’Hermitage et Vienne (Seyssuel)…” Dans le chapitre, ‘Quatre vingt ans de folle extension (1788-1875)’, Robert Chapuis note que “l’extension des surfaces se réalise sur des départements où la vigne était déjà bien implantée… Des gains remarquables se situent dans la vallée du Rhône… date symbolique de 1875 où le vignoble atteint sa surface maximale.” Le livre traite également, bien entendu, du déclin décrit ci-devant.
L’illustration ci-contre tirée de ‘La renaissance d’anciens vignobles de français disparus’ de Robert Chapuis. Seyssuel et Condrieu (le vignoble de Condrieu fut réduit à moins de dix hectares tel que déjà mentionné) y figurent. En prenant Saint-Pourcain comme point central, Seyssuel est positionné à 4 heures, ou à 16 heures, c’est selon. CLIQUEZ SUR L’ILLUSTRATION POUR L’AGRANDIR.
4 ⇒ Physiographie et géologie
4.1. → Physiographie/paysage
• Exposition favorable
• Déclivité du versant pentue à l’instar des autres vignoble en Rhône septentrional
• Paysage propre au vignoble du Rhône septentrional
À l’instar des autres vignobles en Rhône septentrional, le paysage de Seyssuel comprend ses terrasses et murets de pierres. |
4.2 → Géologie de Seyssuel: similitude avec Côte Rotie
• Cartographie de la géologie
• Brève description géologique
Le vignoble de Seyssuel est logé sur des coteaux pentus, aussi en partie sur l’amorce du plateau qui surmonte le versant, à l’extrémité Est du Massif Central.
Les roches du Massif Central sont des granites (du type ‘roche ignée’) et divers minéraux du type métamorphiques.
Les versants de vignes de Seyssuel se situent sur un substratum de micaschistes et de gneiss, des roches métamorphiques. Les sols y sont généralement peu épais, acides avec des réserves en eau assez faibles. Ces sols propices à la vigne.
Des formations nommées ‘moraines’ sont présentes sur l’amorce du plateau surmontant le versant.
• Lexique pratique
leucogneiss fin | leucogneiss fin à grenats | leucogneiss grossiee |
Leucogneiss: roche massive à grains fins du type métamorphique − métamorphisme ‘in situ’ d’une roche magmatique (roche ignée) − le quartz est dominant dans sa composition, de teinte variable, de très clair (leucogneiss grossier), clair (leucogneiss fin) à grisatre (leucogneiss fin à grenat).
Roche ignée: roche résultant du refroidissement et de la cristallisation du magma.
Roche métamorphique: transformation par la chaleur et la pression d’une roche antérieure, ignée ou sédimentaire, en un autre type de roche, dite métamorphique.
4.3 → Seyssuel et Côte Rôtie: similitude géologique
Il a été dit que les vignobles, proches, de Seyssuel et de Côte Rôtie appartiennent à la bordure méridionale du Massif Central et que leur détachement l’un de l’autre s’explique par l’incision créée par un phénomène d’épigénie à la frange du Massif par le Rhône (voir ou revoir la description de ‘épigénie’ dans le segment 2.2). Il est pertinent de souligner que ces deux vignobles ont une géologie assez similaire. La carte de la géologie de Côte Rôtie est montrée au segment 4 du ‘topo de Côte Rôtie‘.
Formations dominantes sur les terroirs du Rhône septentrional
Saint-Peray: granite bien que le terroirs soit assez hétéroclite
Cornas: granite de Tournon
Hermitage / secteur ‘Les Bessards’: granite de Tournon
Saint-Joseph / région Tournon-sur-Rhône: granite de Tournon
Saint-Joseph / long segment central: granite du Velay, gneiss et migmatite
Saint-Joseph / secteur ‘Chavanay’: granite à muscovite
Condrieu: granite à biotite
Château-Grillet: granite à biotite
Côte Rôtie (Tupin-et-Semons): leucogneiss
Côte Rôtie (Ampuis et Saint-Cyr-sur-Rhône): micaschiste
Seyssuel: micaschiste, gneiss et leucogneiss
5 ⇒ Les viticulteurs actuels de Seyssuel
Par ordre alphabétique du nom de domaine (nom de famille le cas échéant):
• Hervé Avallet |
Source du diagramme produit en 2017: ‘Vitis Vienna / Renaissance d’un vignoble aux portes des Côtes-du-Rhône’, Florian Marcelin
6 ⇒ Bibliographie
Bibliographie principale
• ‘Vitis Vienna / Renaissance d’un vignoble aux portes des Côtes-du-Rhône’, Florian Marcelin, 2017
• ‘L’étude géologique et pédologique des coteaux de Seyssuel, Vienne et Chasse-sur-Rhône‘, Tristan Bianchi et Félix de Tombeur, pour la réalisation du rapport; Florian Marcelin en tant que maitre de stage; sous la direction scientifique de Dominique Gasquet et Pierre Faivre, professeurs respectivement de géologie et de pédologie de l’Université Savoie et Mont Blanc, 2015
Bibliographie générale
voir ‘Région Rhône-Nord: bibliographie‘