Cet onglet aurait pu s’intituler ‘Deux secrets, un sous l’autre!’ Un des deux secrets concerne le climat ‘Ile de Vergelesses’ du finage de Pernand-Vergelesses. Il est peu connu des amateurs alors que le potentiel de ce climat est élevé; certainement le Premier Cru prééminent du segment de la Côte de Aloxe-Corton à Savigny-les-Beaune. Bref, un premier secret. L’autre secret a trait aux ruines d’une villa gallo-romaine qui ont été découvertes récemment sous le sol de ce climat! Cet onglet porte sur la découverte archéologique. Un autre onglet porte spécifiquement sur le climat viticole ‘Ile de Vergelesses’ |
Sous cet onglet:
- Ruines gallo-romaines documentées au piémont de La Côte
- Une découverte récente de ruines gallo-romaines dans la ceinture des crus nobles de La Côte
- Une première découverte de vignoble gallo-romain à la marge de La Côte
⇒ Ruines gallo-romaines documentées sur des climats au piémont de La Côte
Les Romains ont laissé de nombreuses traces de leur présence en Côte d’Or il y a deux millénaires. Entre autres, à différents endroits aux environs de La Côte, des ruines de villas, temples, thermes, et autres ont été découvertes. Ces empreintes permettent de présumer que des agglomérations gallo-romaines plus ou moins importantes y étaient implantées. Dans un texte intitulé ‘L’occupation du sol à Gevrey-Chambertin et dans ses environs à l’époque romaine et au Haut-Moyen Age, découvertes récentes‘, Claude et Michel Mangin décrivent “deux zones (qui) ont fait l’objet de fouilles proprement dites, l’une sur la commune de Brochon (voisine de Gevrey), l’autre sur le territoire de Gevrey. Elles revêtent d’autant plus d’importance qu’elles sont situées dans le vignoble.” Celle signalée à Brochon, en 1980, est une probable villa gallo-romaine située au lieu-dit ‘Le Meix Fringuet’, en limite Ouest de l’aire de l’AOC ‘Côte de Nuits-Villages’, à environ 500 m à l’Ouest de la route Dijon-Beaune. Ladite villa aurait été occupée entre le 1er et le 4e siècle. À Gevrey-Chambertin, c’est un balneum, des thermes gallo-romains, abandonné vraisemblablement au 4e siècle, qui fut découvert en 1981 au lieu-dit ‘Carougeot’, aux abords occidentaux de la route Dijon-Beaune, placé en AOC communale.
⇒ Une découverte récente, inusitée, de ruines gallo-romaines dans la ceinture des crus nobles de La Côte
Si les découvertes décrites ci-haut sont situées à la base du versant de La Côte, celle explorée en 2011 par Emmanuel Chevigny est toutefois positionnée dans la bande privilégiée de La Côte, celle des Premiers et Grands Crus, particulièrement sur un périmètre du Premier Cru, ‘Ile de Vergelesses’ à Pernand-Vergelesses. Redisons-le, aucune anthropisation antérieure à la colonisation en vignes n’avait été découverte jusque là au cœur même du versant de La Côte.
Emmanuel Chevigny, géo-pédologue, a investigué le lieu dans le cadre de sa thèse de doctorat en Sciences de la Terre soutenue à l’Université de Bourgogne l’écrit est intitulé ‘Cartographie de la diversité des sols viticoles de versant par imagerie à haute résolution: contribution à la connaissance des terroirs.
Voici, à la suite, des extraits d’un texte produit dans la foulée par Emmanuel Chevigny, avec la collaboration Amélie Quiquerez (Maître de conférence, UFR Sciences de la Terre, Université de Bourgogne) et Christophe Petit (Professeur en archéologie environnementale, Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne):
“Bien que l’empreinte des travaux viticoles sur les sols soit attestée depuis plus d’un millénaire, une anthropisation plus ancienne des sols n’a pas encore été démontrée en position de versant. Cette absence de connaissance de l’occupation humaine des versants à la période antique a pu être documentée suite à une découverte fortuite au lieu-dit ‘l’Ile des Hautes Vergelesses’, sur le versant viticole de Pernand-Vergelesses (Côte de Beaune).
Des travaux de défonçage sur la parcelle de vigne, ont révélé des pierres nombreuses et des blocs de mortier de tuileau, fabriqué à base de chaux et de débris de terres cuites. De plus, de nombreux débris de tegulae, tuiles plates utilisées durant l’Antiquité pour recouvrir les toits, et d’imbrices, tuiles semi-cylindriques qui recouvraient les tranches des tegulae pour étanchéifier l’ensemble, ont pu être observés à la surface de la parcelle. Enfin, un fragment de céramique sigillée, destinée au service à table au cours de l’Antiquité, a également été retrouvé à la surface du sol. Ces premiers indices attestent d’une occupation humaine sur le versant contemporaine de l’époque romaine.
La carte en exergue découpe la parcelle au sein de Ile de Vergelesses, climat dont la forme est ovoïde.
À gauche, cartographie des structures archéologiques gallo-romaines par prospection géo-magnétique. À droite, retrouvés: blocs de mortier de tuileau à base de chaux et de débris de terre (A) tuiles de toit (B et C), fragment de céramique sigillée (D) .
Pour ce qui concerne son substrat, l’aire d’étude se situe sur une formation géologique présentant des alternances marno-calcaires de l’Oxfordien moyen, localement dénommée Marnes de Pernand. Il a été observé que l’épaisseur du sol était très variable, de 30 cm jusqu’à 80 cm, pour un même type de substrat. Cette variabilité s’explique par la présence de structures archéologiques situées au sein de la parcelle. Les épaisseurs des sols localisés à l’aplomb des structures archéologiques sont de l’ordre de 40 cm, c’est-à-dire deux fois moins que les sols hors des structures archéologiques qui montrent une épaisseur de l’ordre de 80 cm.
Des investigations géophysiques du sous-sol ont été réalisées pour localiser d’éventuelles structures anthropiques enfouies, et en établir le plan, par deux méthodes géophysiques: la prospection par résistivité électrique et la prospection magnétique. Ces deux méthodes permettent d’identifier des changements de propriétés du sol et du sous-sol, comme par exemple des changements de nature des terrains, des variations d’humidité, etc. Les mesures de la résistivité électrique du sol, réalisées en 2012 par la société Géocarta, ont été effectuées pour trois profondeurs d’investigation, sur les parcelles plantées.
Prospection du site par résistivité électrique.
La carte représentant les anomalies magnétiques met en évidence deux types de structures matérialisées par des anomalies positives (couleur rouge) et des anomalies négatives (couleur bleue). Les fosses pédologiques réalisées au sein de la parcelle ont permis d’expliquer la présence de ces anomalies. Ainsi, les anomalies négatives attestent de l’existence de murs ou de fondations de mur démantelés. Réciproquement, les anomalies positives, dues à la terre cuite, suggèrent de la présence de sols bétonnés constitués de mortier de tuileau. L’ensemble de ces observations laisse à penser que cet ensemble construit constitué de plusieurs pièces avec des sols bétonnés en mortier de tuileau était une villa occupée à l’époque romaine.
Ces deux bâtiments présentent de nombreux points communs avec la villa découverte au lieu-dit l’Île des Hautes Vergelesses (tandis que le climat est plutôt nommé Ile des Vergelesses). Tout d’abord, sur les trois sites les vestiges montrent des bâtiments à fonction hydrothermale (mortier de tuileau, bassin). Il semble donc que les trois édifices n’étaient pas liés à une fonction agricole, mais bien à une fonction résidentielle.
La présence de la villa au lieu-dit Ile des Hautes Vergelesses s’intègre bien dans le paysage de l’époque gallo-romaine; elle se situe à proximité de deux voies gallo-romaines (voir l’illustration à la suite). A quelques kilomètres à l’Ouest, la voie romaine principale reliait les villes de Chalon-sur-Saône et Boulogne-sur-Mer (Langres et Trêves sur la carte). L’actuel chemin des Vergelesses correspond à l’ancien tracé d’une voie romaine secondaire raccordant la ville de Beaune à Arcenant et Quemigny, desservant les villages des Hautes-Côtes. La présence des voies romaines à proximité du site étudié ainsi que les observations des fouilles archéologiques réalisées aux lieux-dits ‘Voljean’ et ‘Charmois’ à Pernand-Vergelesses, suggèrent une occupation de la vallée à l’époque gallo-romaine et mérovingienne.
Ces observations montrent bien que la vigne n’était pas implantée en ces lieux à l’époque gallo-romaine. Il est fort probable que la vigne se soit implantée bien après l’occupation de la villa gallo-romaine.“
Cliquer sur l’image pour l’agrandir. Du Sud au Nord, une route romaine principale passait en retrait à l’Ouest de Beaune, longeait Dijon et remontait au delà de Langres jusqu’à Trèves. Une route ‘intracité’ (selon la légende de la carte: un trait vert continu) reliait Beaune à Arcenant dans les Hautes-Côtes. C’est près de cette dernière route que la villa romaine de Ile de Vergelesses était située.
Toujours est-il … |
… Qu’à ce jour, les archéologues n’ont toujours pas déterré d’éléments qui témoigneraient d’une colonisation en vignes sur le versant, sur La Côte, au premier millénaire. |
⇒ Une première découverte de vignoble gallo-romain au pied de La Côte
Une fouille archéologique dirigée par Jean-Paul Garcia (ici), géologue-archéologue de l’Université de Bourgogne (Dijon), a mis à jour en 2008 et 2009 au lieu-dit ‘Au-dessus de Bergis’ de la commune Gevrey-Chambertin un grand nombre de fosses alignées, rectangulaires, attribuées à des plantations d’un vignoble ancien qui daterait de la fin du 1er siècle/début du 2e siècle. D’une superficie de plus d’un hectare (connu à ce jour), la vigne y était vraisemblablement conduite en palissage haut et incliné, renouvelée et densifiée par provignage pendant plusieurs générations de plants. La découverte renforce la documentation fixant la généralisation du vignoble dans ce secteur à partir de la fin du 1er siècle. L’endroit est en périphérie Nord-Est de l’aire de l’AOC Gevrey-Chambetin, contigu au lieu-dit renommé ‘La Justice’ (quelques exploitants viticoles sur ce lieu-dit en produisent une cuvée individualisée). Cette localisation en plaine, aux abords de l’aire de l’AOC Gevrey-Chambertin, est étonnante car elle témoigne d’une conception antique pour les terroirs viticoles qui diffère des considérations médiévales et actuelles qui situent les meilleurs crus sur les coteaux.
En 2008 et 2009, des fouilles archéologiques ont révélé un vignoble romain de la fin du 1er siècle/début du 2e siècle au lieu-dit ‘Au-dessus de Bergis’ dans l’aire actuelle de production de ‘Bourgogne Grand Ordinaire’ du finage de Gevrey-Chambertin. De façon étonnante, l’endroit est situé à quelques dizaines de mètres de la limite de l’aire de l’AOC communale Gevrey-Chambertin, où le sous-sol devient autrement caillouteux et apte à produire des vins fins … selon la conception actuelle de ‘vins fins’.
→ Bibliographie spécifique à ce thème
• Emmanuel Chevigny, ‘Cartographie de la diversité des sols viticoles de versant par imagerie à haute résolution: contribution à la connaissance des terroirs’, thèse d’obtention du grade de Docteur de l’Université de Bourgogne/Sciences de la Terre, 2014
• Garcia Jean-Pierre et Chevrier Sébastien, ‘Le vignoble gallo-romain de Gevrey-Chambertin ‘Au Dessus de Bergis’: modes de plantation et de conduite de vignes antiques en Bourgogne’, 2010
• Magnin Claude et Michel, L’occupation du sol à Gevrey-Chambertin et dans ses environs à l’époque romaine et au Haut-Moyen Age, découvertes récentes‘