Mis en ligne: novembre 2021
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♥ Il nous importe de mentionner que:
La présente couverture s’appuie largement sur deux ouvrages substantiels produits par deux auteurs majeurs du contexte historique de La Côte: celui de Benoit Chauvin de 2008, ‘Le clos et le château de Vougeot, cellier de l’abbaye de Cîteaux‘, dont la longue préface fut rédigée par l’auteur du second ouvrage, Jean-François Bazin, ‘Le Clos de Vougeot’ de 1987.
Aussi, les datations de construction mentionnées dans texte sont issues d’analyses de dendrochronologie mises à profit dans le livre de Benoit Chauvin et aussi abordées dans divers textes disponibles sur internet, entre autres Le cellier et la cuverie du Clos de V: les apports de la dendrochronologie (12e-18e siècles), Benoit Chauvin et Christophe Perrault.
Par ailleurs, la plupart des illustrations sont tirées de ces deux ouvrages. Dans les autres cas, les sources sont mentionnées.
CONTENU:
1 ⇒ Quelques illustrations de mise en situation
2 ⇒ Moyen-Age et Époque moderne: sept siècles cisterciens
2.1 → Fondation de l’Abbaye de Cîteaux en 1098
2.2 → Amorce du vignoble cistercien à Vougeot au cours des dernières décennies du 12e siècle
2.3 → Obtention de la gouvernance du périmètre du Clos, ou concrétisation du Clos, vers 1165 – 1168
2.4 → Construction d’un cellier (chai) au sein du Clos entre 1160 et 1190
2.5 → Acquisition par les cisterciens du prieuré de Gilly, ‘annexe’ du Clos de Vougeot, vers 1300
2.6 → Construction de la cuverie en 1477
2.7 → Construction du Château du Clos de Vougeot en 1551
2.8 → Deux enceintes au Clos de Vougeot du 15e siècle jusqu’à la Révolution
2.9→ Les lieux-dits originaux du Clos
3 ⇒ Du début de la Révolution à 1889 / maintien du Clos de Vougeot en monopole
3.1 → Confiscation des biens des cisterciens à la Révolution / Propriété de spéculateurs de 1791 à 1818
3.2 → Propriété de Jules Ouvrard et ses héritiers directs de 1818 à 1889
4 ⇒ Morcellement de la propriété du Clos débutant en 1889 / Contextes du château et du vignoble au 20e siècle
4.1 → Prépondérance de Léonce Bocquet jusqu’en 1920
4.2 → Prépondérance de Étienne Camuzet de 1920 jusqu’en 1944
4.3 → Phases de démembrement du vignoble du Clos
5 ⇒ Bibliographie
1 ⇒ Quelques illustrations de mise en situation
CLIQUEZ SUR L’ILLUSTRATION POUR L’AGRANDIR (Illustration du BIVB) … … … Chambolle-Musigny Vougeot Vosne-Romanée … … … |
Illustration ci-haut par monocepage.com
Photo aérienne tirée de mappavini.com. Les bâtiments château du Clos de Vougeot apparaissent, isolés, au centre de la photo. Le fin trait noir délimite une bonne partie du clos, la partie méridionale. L’agglomération de Vougeot est au centre, celle de Vosne-Romanée à gauche (au Sud) et celle de Chambolle-Musigny au haut à droite. Les combes de ce secteur, des vallées sèches qui entaillent La Côte, apparaissent très nettement: celle de gauche, nommée combe de Concoeur, s’ouvre surtout sur le vignoble de Vosne-Romanée; celle de droite est la combe de Chambolle-Musigny, laquelle s’ouvre sur le vignoble de cette commune; celle du centre, la combe d’Orveau, s’ouvre dans l’axe des Grands Crus Echézeaux et Grands Echézeaux, de la commune de Flagey-Echézeaux, ainsi que sur le Clos de Vougeot
Illustration du BIVB. Le Clos de Vougeot au sein de la commune de Vougeot.
Photo de Stephane Compoint.
Le bâtiment avec fenêtres et cheminées représente le Château du Clos de Vougeot. Celui avec un pignon étroit est le cellier. De forme carré et comportant une cour au centre constitue la cuverie. |
2 ⇒ Moyen-Age: sept siècles cisterciens
2.1 → Fondation de l’Abbaye de Cîteaux en 1098
La richesse de l’Abbaye de Cluny, puissante organisation clunisienne de type pyramidale, accable certains moines qui souhaitent se dévouer à la règle stricte de St-Benoit. Selon un esprit de rigueur et de dépouillement, l’ordre des Cisterciens est alors créé en 1098. Son fondateur, Robert de Molesme (1029-1111), établit l’Abbaye de Cîteaux à Saint-Nicolas-les-Citeaux, dans la plaine de la Saône à une douzaine de kilomètres au Sud-Est de Vougeot.
La première donation de vignes aux cisterciens, à Meursault par le Duc de Bourgogne, leur est faite dès la première année.
Bernard de Clairvaux, né Bernard de Fontaine (1090-1153) à Fontaine-lès-Dijon au Nord de l’agglomération de Dijon, se joint à l’Ordre des Cisterciens en 1110. Il deviendra Saint Bernard en 1174.
CONTEXTE: Il y a peu d’archives portant sur les débuts de la viticulture en Bourgogne. Les fosses stratigraphiques effectuées sur les versants de la Côte d’Or indiquent une activité qui y aurait été progressivement développée entre le 9e siècle et le 13e siècle. La vigne y est alors plantée de façon disséminée, voisinant friche, polyculture et élevage. La généralisation de la vigne sur les versants est postérieure.
Des ordonnances de l’église suscitent la multiplication de cloîtres à partir du 9e siècle. L’accroissement des vignobles monastiques est conséquente puisque le vin est requis pour des fonctions eucharistiques, d’hospitalité essentielles, ainsi que de consommation(1). Les abbayes des ordres clunisiens et cisterciens fixeront les premiers véritables jalons vinicoles en Bourgogne.
Guillaume Ier, Duc d’Aquitaine et d’Auvergne, crée l’ordre clunisien en 910, qu’il place sous l’autorité du pape pour la soustraire à celle des seigneurs(2); c’est l’amorce d’une réforme générale du monachisme. En périphérie du vignoble du Mâconnais, la magistrale Abbaye de Cluny − église abbatiale et quinze chapelles attenantes construites entre 1088 à 1130 − devient la plus grande de toute la chrétienté(3).
Il est à souligner qu’à Curtil-Vergy, à six kilomètres en retrait de Vosne-Romanée dans les Hautes-Côtes, l’Abbaye de Saint-Vivant est intégrée dans l’ordre clunisien en 1087. Celle-ci fut pionnière du vignoble de Vosne-Romanée et maître d’un territoire qui englobe cette dernière commune et certains de ses environs dont le lieu où s’établira le Clos de Vougeot. Les clunisiens de Saint-Vivant seront directement impliqués dans l’histoire du Clos de Vougeot, particulièrement au 12e siècle.
(1) Notamment les Cisterciens sont autorisés à boire jusqu’à trois verres de vin par jour (chapitre 40: ‘usage modéré de vin, non jusqu’à plus soif’)..
(2) Cluny rompt avec la coutume des abbayes qui étaient auparavant placées sous la dépendance de seigneurs.
(3) L’abbaye de Cluny devient en quelques décennies le pivot d’un empire abbatial unique de 1450 établissements dans une grande partie de l’Europe.
L’état actuel de l’abbaye de Cîteaux à Saint-Nicolas-les-Citeaux selon une photo tirée de echodescommunes.fr, soit un peu plus de neuf siècles après la fondation de l’ordre monial des cisterciens. Le site est situé dans la plaine de la Saône à une douzaine de kilomètres au Sud-Est de Vougeot. L’abbaye fut confisquée et vendue en tant que ‘bien national’ en 1791. Celle-ci fut transformée en maison de plaisance, en raffinerie, en phalanstère, puis en pénitencier avant que les cisterciens réintègrent les lieux en 1898. Ils exploitent actuellement une vaste ferme, d’où provient le réputé ‘fromage de Cîteaux’.
2.2 → Amorce du vignoble cistercien à Vougeot au cours des premières décennies du 12e siècle
L’amorce du vignoble cistercien à Vougeot se situe entre 1109 et 1115. Elle découle de donations, tantôt des vignes, plus souvent des friches ou de terres à l’abandon. La noblesse et des établissements religieux participent à ces cessions. Par son influence auprès de nombreux propriétaires fonciers de la contrée bourguignonne, de membres de sa famille et notables, Elisabeth de Vergy joue un rôle intermédiaire crucial dans le jeu des donations. Les moines obtiennent des parcelles jugées aujourd’hui qualitatives, mais possiblement quelconque à cette époque.
Pendant les première décennies, les acquisitions de parcelles par les cisterciens constituent un canevas de vignes qui prélude le périmètre du Clos.
CONTEXTE: Au début du 12e siècle, tel que déjà mentionné, la vigne est disséminée en différents endroits sur La Côte et n’est donc pas l’occupation hégémonique qu’elle est aujourd’hui; Vougeot ne fait pas exception. Cet endroit et Vosne-Romanée qui est adjacent n’ont alors aucune notoriété particulière. Pour les cisterciens, l’endroit du futur Clos de Vougeot est cependant avantagé par au moins deux facteurs de localisation, autres que le potentiel viticole. D’une part, à proximité du Clos se trouve la source de la rivière La Vouge dont le parcours dans la plaine de la Saône s’approche de l’abbaye à Saint-Nicolas-les-Citeaux; le réflexe de remonter ce cours d’eau est naturel pour les moines. D’autre part, les cisterciens exploiteront rapidement une carrière à proximité du Clos pour leurs nécessitées en pierres de construction.
Si Vosne, Vosne-Romanée, est déjà un hameau à cette époque, Vougeot ne le deviendra qu’au 13e siècle.
2.3 → Obtention de la gouvernance du périmètre du Clos, ou concrétisation du Clos, entre 1165 et 1168
En vertu d’une cession en 1131 par le Duc de Bourgogne Hugues II (1085-1143), les moines clunisiens de l’abbaye de Saint-Vivant de Vergy détiennent les droits de gouvernance territoriale sur Vosne (Vosne-Romanée), Flagey (Flagey-Echézeaux) et le secteur du Clos de Vougeot. Entre 1165 et 1168, face au persévérant développement réalisé par les cisterciens dans le périmètre qui deviendra le Clos de Vougeot et quelques secteurs des environs immédiats, Saint-Vivant de Vergy transmet aux cisterciens la gouvernance des terres que ceux-ci ont et auront dans le secteur du Clos en contre-partie d’un sens (synonymes: dîme, taxe ou impôt perpétuel). Les limites du territoire cédé sont comme suit: les bordures à l’Est, la route de Beaune à Dijon (D974), et au Sud, le chemin dit de Morlein, se superposent à celles du Clos actuel; tandis que les des deux autres bordures l’excèdent, soit à l’Ouest, en amont sur le versant, par l’inclusion d’un espace englobant les Grands Echézeaux et un regroupement de lieux-dits formant actuellement le Grand Cru ‘Echézeaux’ − secteur qui n’était certainement pas défriché − et au Nord par un appendice se prolongeant jusqu’au ruisseau de la Vouge (lire ci-bas), qui englobe la carrière que les cisterciens avaient entrepris d’exploiter pour leurs multiples besoins en matériaux de construction.
Pour les historiens, cette transmission d’autorité territoriale des clunisiens de Saint-Vincent de Vergy en faveur des cisterciens représente l’acte fondateur du Clos de Vougeot.
Le mur dont le pourtour mesure 3,2 kilomètres sera érigé à la suite de cette charte, au cours des dernières décennies du 12e siècle et de la première du 13e siècle. Les cisterciens ne sont toutefois pas encore propriétaires de l’entièreté du périmètre du Clos. Le remembrement s’opère graduellement sur les deux siècles suivants, par des donations de terres et ensuite des achats et des échanges. Des acquisitions de parcelles sont aussi réalisées en périphérie du Clos, notamment sur Vosne-Romanée, dont un morceau des Richebourg, et sur Les Musigny.
La logique qui sous-tend le contour muré du Clos de Vougeot n’est pas connue. Celle-ci répond manifestement à des impératifs de l’époque qui ne peuvent être appréhendés aujourd’hui.
CONTEXTE: La période entre 1050 et 1250 est marquée par une importante évolution démographique, économique et technologique. Les cisterciens sont à la fois des agents et des bénéficiaires de cette prospérité. À la faveur de ce progrès, ils entreprennent notamment la commercialisation de leurs vins entre 1060 et 1080. Nous n’avons toutefois rien déniché qui indique la désignation sous laquelle le vin obtenu du Clos de Vougeot était commercialisé.
Au Moyen Age, le concept de cru n’existe cependant pas, ou peu, notamment parce que les vins n’étaient pas, ou peu, individualisés. Bien que quelques vignobles sont plausiblement déjà notoires, les vins de La Côte sont longtemps désignés et commercialisés en ‘vin de Beaune’, ‘vin de Nuits’ et ‘vin de Dijon’.
Les cisterciens différencieront cependant les ‘vins de clos’, que ceux-ci faisaient directement cultiver sur leurs propres vignes à leurs frais par des vignerons; ‘vins de cens’, produits par des vignerons sur des terres cisterciennes en quelque sorte louées; et ‘vins des dîmes’, en guise d’impôt dû aux cisterciens.
La tempérance, le recueillement et le dénuement de biens matériels des origines de Cîteaux s’estomperont et des instincts d’ambition et des pulsions associées aux péchés capitaux s’essaimeront au sein de l’organisation. L’ordre cistercien regroupera près de 700 abbayes en Europe vers l’an 1300. À la faveur de la prospérité de la période 1050-1250, les cisterciens deviendront d’importants développeurs viticoles, agricoles, forestiers et fonciers. Chaque abbaye détiendra en moyenne une dizaine d’établissements viticoles et/ou agricoles et/ou forestiers, si bien que le nombre de leurs granges, celliers et autres bâtiments d’exploitation s’élèvera à près de 10 000 à l’échelle de l’Europe occidental. Aussi, ils vont acquérir des compétences en ingénierie et en tirer profit. Bref, ils seront de remarquables agents de progrès.
Par ailleurs, à partir du 13e siècle, la prospérité sociale induit une décrue d’intérêt pour le rôle et la position de convers, les moines vignerons. Conséquemment et vu l’expansion constante de leurs vignobles, les cisterciens en viendront à s’appuyer sur des arrangement de location, d’amodiation − mode d’exploitation agricole dans lequel le propriétaire de la terre concède l’entreprise à un tiers en échange de prestations en nature et argent − et de sens pour l’exploitation de ceux-ci.
CLIQUEZ SUR LES ILLUSTRATION POUR LES AGRANDIR.
La fondation de l’Abbaye de Cîteaux a subséquemment induit une formidable organisation, l’ordre cistercien, à l’échelle de l’Europe occidentale. Cîteaux devint la maison-amiral de près de 350 abbayes en près de quarante ans, ce nombre s’élevant à 700 vers l’an 1300.
Entre le 12e et le 14e siècle, les cisterciens bâtissent des celliers et des granges en maints endroits le long de La Côte.
2.4 → Construction d’un cellier (chai) au sein du Clos entre 1160 et 1190
Les cisterciens conservent initialement leurs vins dans une construction primitive, érigée certainement entre 1112 et 1119.
Le bâtiment considéré en tant que premier cellier éventuellement rattaché au Clos est construit entre 1160 et 1190. Il comprend deux étages, le cellier comme tel au premier plancher et le dortoir des convers − moines chargés des travaux de la vignes − au second.
Le support du plafond du cellier, 3,70 m de hauteur, comprend deux alignements de quatre colonnes. Ce plafond de chêne supporte 66 cm de terre et gravats en guise d’isolation pour la conservation des vins.
Les cisterciens entreprennent la commercialisation de leurs vins durant cette période.
Le cellier fut surélevé en 1698.
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Illustrations (CLIQUEZ SUR CELLES-CI POUR LES AGRANDIR) du cellier dont la construction remonte au 12e siècle.
Haut à gauche: sous ‘1’, le cellier au sein du complexe de bâtiments du Clos de Vougeot; la cuverie sous ‘2’; la cour centrale sous ‘3’; et le château sous ‘4’.
Haut au centre: vue aérienne du complexe de bâtiments du Clos de Vougeot.
Haut à droite: entrée du cellier depuis la cour centrale.
Bas à gauche: le plain-pied du cellier et ses huit piliers.
Bas au centre: fenêtres du cellier.
Bas à droite: en chêne, charpente du toit du cellier ouverte sur le deuxième niveau, lequel constituait initialement le dortoir des convers, les moines vignerons.
2.5 → Acquisition par les cisterciens du prieuré de Gilly, ‘annexe’ du Clos de Vougeot, vers 1300
Au 6e siècle, longtemps donc avant la création de l’ordre des cisterciens, le prieuré bénédictin de Gilly fut construit sur le territoire de l’actuelle commune de Gilly-les-Cîteaux, à deux kilomètres, à vol d’oiseau, à l’Est du cellier du Clos de Vougeot. Le prieuré est lié à l’organisation bénédictine de Saint-Germain-des-Prés de Paris. À la fin du 13e siècle, les bénédictins de Gilly étant dans l’incapacité d’honorer les termes d’un emprunt contracté en 1299 auprès des cisterciens, ces derniers achètent alors le prieuré en vertu d’une clause de défaut rattachée à l’emprunt. Un domaine d’une centaine d’hectares est adjoint, dont des vignes. Ils acquièrent de plus le droit de gouvernance sur ce territoire. Le prieuré était convoité par les cisterciens car, entre autres, La Vouge coule depuis les abords du Clos vers l’abbaye en retrait dans la plaine de la Saône en traversant le domaine de Gilly.
Le site de Gilly-les-Cîteaux acquis par les cisterciens se greffera à celui du Clos de Vougeot pour ne former qu’un seul contexte.
En 1367, Philippe le Hardy, duc de Bourgogne, accorde aux cisterciens le droit d’y construire un château fortifié, le Château de Gilly, lequel substitue le prieuré des bénédictins.
Au 15e siècle, les cisterciens y aménage un cellier considérable, si bien que seuls les vins de l’année sont dès lors conservés au Clos de Vougeot.
Au 17e siècle, l’abbé Nicolas II Boucherat adapte le château en résidence de prestige. Aussi l’église abbatiale Saint-Germain est construite selon le style cistercien.
Illustration depuis le geoportail.com
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2.6 → Construction de la cuverie en 1477
La charpente de la cuverie est bâtie en 1477, adjacent au cellier en place depuis le 12e siècle. Ces deux bâtiments sont toujours en place aujourd’hui, rattachés du Château de Vougeot qui sera construit ultérieurement. Deux des quatre pressoirs de la cuverie sont montés en 1478 et 1489.
Les deux autres pressoirs sont installés plus de deux siècles plus tard, en 1709 et 1743.
Ce bâtiment ayant l’allure d’un cloître comprend quatre galeries de 40 mètres par 10 mètres chacune, autour d’une cour.
D’imposantes cuves de fermentation en bois longent les parois de deux galeries.
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Haut à gauche: Sous ‘2’, la cuverie au sein du complexe du Clos de Vougeot (cellier sous ‘1’; cour sous ‘3’; et château sous ‘4’).
Haut au centre: vue aérienne du complexe de bâtiments du Clos de Vougeot.
Haut à droite: cour intérieur de la cuverie.
Bas à gauche: une des galeries avec cuves en bois et pressoirs aux extrémités.
Bas au centre: un pressoir à vis et cabastan, nommé ‘le têtu’. Les pressoirs mesurent approximativement dix mètres par cinq mètres.
Bas à droite: ouvriers activant le pressoir.
2.7 → Construction du Château du Clos de Vougeot en 1551
Dom Jean Loisier (1494-1559) alors abbé, le ‘général’, des cisterciens fait construire en 1551 le Château de Vougeot, annexé au cellier et à la cuverie. Les cisterciens sont riches et Loisier est orgueilleux et certainement présomptueux; le Château est destiné à lui servir de résidence de villégiature. Il adhère ainsi à la vogue des grands personnages de cette époque.
Le château est donc bâti trois siècles après l’érection du cellier et un siècle après celle de la cuverie.
CONTEXTE: Du 14e au 17e siècle, les cisterciens se portent constamment acquéreurs de vignes et de propriétés le long de La Côte, particulièrement dans les environs du Clos de Vougeot. Leurs vignes sont confiées à des vignerons via des locations et des amodiations. Les revenus qu’ils en dégagent sont considérables. Les cisterciens sont rentiers. À Vougeot et Gilly, leurs multiples propriétés et les droits de gouvernance qu’il y ont obtenus, leur confèrent le statut de seigneurs des lieux.
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Haut à gauche: Sous ‘4’, le château au sein du complexe du Clos de Vougeot (cellier sous ‘1’; cuverie sous ‘2’; et cour sous ‘3’.
Haut au centre: vue aérienne du complexe de bâtiments du Clos de Vougeot.
Haut à droite: photo sous un angle mettant en évidence le château.
Bas à gauche: le château a une forme d’équerre; photo de la cour intérieure du complexe du Clos de Vougeot.
Bas au centre: le grand salon du château.
Bas à droite: le salon des commanderies.
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2.8 → Deux enceintes au sein du Clos de Vougeot du 15e siècle jusqu’à la Révolution
Produit en 1717 par André et Bernard Gambu pour les arpentages, et par Étienne Prinstet pour les illustrations, le magistral atlas de Cîteaux montre la disposition des bâtiments et des divers espaces annexés au Clos de Vougeot du 15e siècle au 17e siècle.
Un mur sépare alors la partie en vigne (sous ‘1’ sur l’illustration de gauche) du Clos de Vougeot de la partie des bâtiment: le château/cellier/cuverie sous ‘4’, et les espaces connexes de polyculture, soit la Garenne sous ‘2’; la Muscadière sous ”3′; et les Petits Musigny sous ‘5’. La carrière des cisterciens, correspondant actuellement au climat ‘Clos de la Perrièrre’ de la commune de Vougeot , figure sous ‘6’.
Le chardonnay et le pinot gris ne sont soustraits du Clos qu’à partir de 1820, le pinot noir représentait auparavant les 2/3 approximativement du vignoble. Une cuvée de vin blanc, réputée, y était produite. Aussi il y avait du Clos de Vougeot mousseux. L’Hégémonie du Pinot noir sur La Côte ne commence donc qu’au début du 19e siècle. L’influence des cisterciens sur le savoir en réalisation du vin de Bourgogne est déterminante. Il s’agit d’un milieu expérimental tant dans la vigne que dans le chai. Notamment, les cisterciens sont des pionniers au 18e siècle de l’enrichissement du degré d’alcool par le sucre, le chauffage du moût, l’emploi du glucosé-oenomètre, le développement du pèse-liqueur, … Le concept ‘Clos de Vougeot’ tel qu’il est vu aujourd’hui, soit un vignoble muré duquel est associé une identité unique, nommément une AOC unique depuis 1936, n’est tangible que depuis les siècles récents. Longtemps par le passé il est désigné de ‘Grand Clos de Cîteaux‘. Le Clos de Vougeot intervient dans l’instauration du concept de climat: la renommée du vin tient au nom du lieu et non plus à celui de son propriétaire. |
2.9 → Les lieux-dits originaux du Clos
S’il ne constitue qu’un seul climat depuis plus de deux siècles, auparavant il comprenait plusieurs lieux-dits, ou climats. Dans son monumental ouvrage de 1855, ‘Histoire et statistique de la vigne et des grands vins de la Côte d’Or’, Jules Lavalle écrit: “… on comprendra que bien des climats furent englobés dans cette masse, qui ne referme pas moins de 150 journaux (50 hectares)…. nous trouvons au 14e siècle: les Eschonoy, le Quartier d’Escoiles, celui du Porchier, le Pertui-au-Cugne, Musigny-Melot, Devant-la-Maison, à la Porte Saint-Martin, le Conroy des Echsceaux, la Combotte, le Quartier de Maire-au-Musigny, les Echeseaux, le Buchilier, aux Côtes, le Quartier des Tites, au Chatrel. Ces quartiers ont été absorbés par les suivants, et aujourd’hui se distinguent encore: Petit et Grand Maupertuis, Maret-Haut et Bas, Plante l’Abbé, Garenne, Musigny-Chioures, Dix-Journaux, Quatorze Journaux, Moutiottes-Hautes et Basses, Baudes Saint-Martin, nord et sud.”
Difficile, bien difficile, de constater les noms des lieux-dits figurant sur cette carte que Benoit Chauvin désigne du 16e siècle dans son ouvrage ‘Le clos et le château de Vougeot, cellier de l’abbaye de Cîteaux‘ de 2008. Entrevoyons-y les lieux-dits nommés ci-haut par Jules Lavalle. Toujours est-il que le Clos de Vougeot a longtemps, très longtemps, comporté une mosaique parcellaire.
À toute fin utile, les chemins de vignes actuels du Clos ne correspondent pas au découpage de cette carte.
3 ⇒ Du début de la Révolution à 1889 / maintien du Clos de Vougeot en monopole
3.1 → Confiscation des biens des cisterciens à la Révolution / Propriété de spéculateurs de 1791 à 1818
Incidence de la Révolution, le Clos de Vougeot est confisqué aux cisterciens et désigné ‘bien national’. Le 17 janvier 1791, l’ensemble, vignes et bâtiments ainsi que la seigneurie de Gilly, mais excluant les vins en cave, est vendu pour la somme de 1,140,600 livres; l’évaluation avait été établie à 400,000 livres.
Pendant une trentaine d’années, les possédants sont de malins spéculateurs financiers parisiens: Louis Focard, Louis et Antoine Ravel, Louis Tournon et Gabriel Julien Ouvrard à compter de 1816. Ce dernier est un manipulateur d’opérations nébuleuses, banquier personnel de Bonaparte et Napoléon et fournisseur des armées impériales. Son frère Victor devient un acquéreur ‘figurant’ en 1818 puisque l’ensemble est simultanément transféré au fils de Gabriel Julien, Jules Ouvrard.
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3.2 → Propriété de Jules Ouvrard et ses héritiers directs de 1818 à 1889
Autrement que son père, Jules Ouvrard (1798-1861) − photo ci-contre − est affable et bienveillant et il devient une personnalité publique après s’être établi au Château de Gilly en 1828. Il affectionne le Clos de Vougeot, ainsi que les autres vignobles qu’il détiendra dont la Romanée-Conti (1820) et, entre autres, les Petits Vougeots (1822), six hectares du Clos du Roi de Corton (1825) et des parcelles sur le Chambertin (entre 1826 et 1835). Il devient maire de l’endroit en 1837, conseiller général de 1840 à 1848, puis député au Corps législatif en 1852 et réélu en 1857.
Jules Ouvrard décède en 1861 et, sans héritiers directs, le Clos de Vougeot est transmis aux quatre enfants de sa sœur Elisabeth, tous habitant à distance du Clos de Vougeot: Aimery de Rochechouart, Gabrielle de la Garde − exécuteur testamentaire −, Valentine de Montalembert et Julien de Rouchechouart.
Mis en vente en 1869 alors que Julien de Rouchechouart ait requis sa part de l’héritage, le Clos de Vougeot est racheté par les trois autres héritiers.
Les désastres du phylloxera sur le vignoble entraînent des pertes financières et forcent le trio de propriétaires à vendre le Clos de Vougeot en 1889 à une valeur moindre, 600 000 livres, que celle afférente au rachat de 1869; la propriété de Gilly ayant été vendu auparavant.
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Jules Ouvrard à gauche, Léonce Bocquet au centre et Étienne Camuzet à droite. Les trois acteurs principaux du Clos de Vougeot entre 1818 et 1943
4 ⇒ Morcellement de la propriété du Clos débutant en 1889 / Contextes du château et du vignoble au 20e siècle
4.1 → Prépondérance de Léonce Bocquet jusqu’en 1920
Les bâtiments du Clos de Vougeot et quatorze hectares, dans une partie environnant le château, sont achetés en 1889 par Léonce Bocquet (1839-1913), négociant à Savigny-les-Beaune. La superficie de vignes restante du Clos est vendue à une quinzaine d’intervenants bourguignons, principalement des négociants, dont un seul n’est pas établi en Côte d’Or. Le plan ci-contre constitue le découpage de 1889. Sur la carte ci-contre, on notera que ce découpage en une quinzaine de morceaux s’effectue à l’intérieur de la mosaïque des lieux-dits, laquelle mosaïque figure au segment 2.9 (‘les lieux-dits originaux du Clos’). CLIQUEZ SUR LA CARTE POUR LA GROSSIR.)
Personnage haut en couleur, doué en relations publiques, Léonce Bocquet rénove entièrement le château. Il s’entête à traiter son vignoble, ravagé par le phylloxera comme partout ailleurs sur La Côte, au sulfure de carbone, sans succès, plutôt que d’y effectuer des greffages sur plants américains selon l’approche de régénération adoptée presque partout ailleurs. Lorsque ses héritiers vendent l’actif en 1920, le vignoble est dans un mauvais état.
À la suite, les noms des acquéreurs de parcelles suite au découpage en 1889 du Clos de Vougeot. Que trois des noms sont des domaines ou négociants toujours actifs et toujours détenteur d’une parcelle sur le Clos: Comte Liger-Belair (les vignes appartiennent maintenant au domaine Thibault Liger-Belair), Maison Champy et Rebourseau-Philippon qui a depuis soustrait ‘Philippon’ du nom du domaine.
Photo de droite: Charles Polack est le douzième nom de la liste. Ce portail est identifié aujourd’hui au domaine Jean Grivot.
Illustrations tirées de l’ouvrage de référence réalisé en 1892 par Charles Aubertin et R. Danguy, ‘Les grands vins de Bourgogne’
4.2 → Prépondérance de Étienne Camuzet de 1920 jusqu’en 1944
En 1920, Étienne Camuzet (1867-1946) achète des héritiers de Léonce Bocquet le château et ses annexes ainsi que trois hectares de vignes entourant les bâtiments. Étienne Camuzet est alors une grande personnalité sur La Côte. Propriétaire de vignes à Vosne-Romanée − son vignoble est maintenant celui du Domaine Méo-Camuzet −, il fut maire de Vosne-Romanée de 1900 à 1929 et député de la Côte-d’Or de 1902 à 1932; monocepage.com l’a désigné parmi les ‘dix héros de l’histoire‘ (de La Côte). ‘Le Tienne’ , son surnom, vend le château et annexes en 1944 à la société des Amis du Château de Vougeot.
4.3 → Phases de démembrement du vignoble du Clos
Grosso modo, le démembrement du vignoble du Clos se matérialise en quatre phases. D’abord en une quinzaine de morceaux lors de la vente en 1889 par les descendants de Jules Ouvrard. Puis en 1920 la vente de la quinzaine d’hectares qui était détenue par Léonce Bocquet donne lieu à une subdivision comptant dorénavant 38 parcelles. Subséquemment de succession en succession, le nombre passe à 55 en 1945, à près de 85 actuellement; d’entre eux, environ 65 en produisent et commercialisent une cuvée; propriétaires-vigneron et négociants commercialisent de millésime en millésime plus de cent cuvées.
4.4 → Création de l’AOC ‘Clos de Vougeot Grand Cru’
Le Syndicat de défense du Clos de Vougeot est créé le 6 septembre 1935. Les ‘syndicats de défense’, plutôt des ODG aujourd’hui (Organisme de Défense et de Gestion), sont des organismes formels de représentation de viticulteurs de secteurs viticoles spécifiques, le ‘Clos de Vougeot’ en occurrence, qui interviennent notamment dans les créations et affaires d’AOC.
L’appellation ‘Clos de Vougeot’ est créée le 31 juillet 1937.
4.5 → Le Château cédé à la Confrérie des Chevaliers du Tastevin en 1945
Le 29 novembre 1944, Étienne Camuzet fait une promesse de vente du château de Vougeot à la société civile des amis du Clos de Vougeot. Cette société en prend formellement possession l’année suivante, en 1945. Celle-ci consent en janvier 1946 un bail emphytéotique de 99 ans à la Confrérie des Chevaliers du Tastevin.
La création de la Confrérie est l’idée surtout de trois hommes bien connus du milieu bourguignon, Camille Rodier (de la famille du négoce Henry de Bahèzre de Nuits-Saint-Georges, auteur de l’ouvrage référentiel ‘Le Vin de Bourgogne’ en 1920 et du ‘Clos de Vougeot’ en 1931) Georges Faiveley (de la descendance du négociant-éleveur Domaine Faiveley aussi de Nuits-Saint-Georges) − et Henri Garnier (du milieu artistique de Dijon). Dans le contexte de sévère mévente de l’époque des années 1930, ils conçoivent la mise sur pied de cet organisme d’animation d’événements de relations publiques destiné à promouvoir le vin de La Côte, la Côte d’Or: la Confrérie des Chevaliers du Tastevin. La Confrérie nait le 16 novembre 1934.
5 ⇒ Bibliographie
Sources majeures:
• Bazin Jean-François, ‘Le Clos de Vougeot’, 1987
• Chauvin Benoît, ‘Le Clos et le Château de Vougeot, cellier de l’abbaye de Cîteaux‘, 2008
• Atlas de Cîteaux
Sources particulièrement pertinentes:
• Benoît Chauvin et Christophe Perrault, ‘Le cellier et la cuverie du Clos de V: les apports de la dendrochronologie (12e-18e siècles)‘,
• Danguy René et Aubertin Charles, ‘Les Grands vins de la Bourgogne’/ volet ‘Vougeot’, 1892
• Foucher Marion, ‘Le Clos de Vougeot ou la notion de limie dans le patrimoine viticole monastique‘, 2010
• Foucher Marion, Jean-Pierre Garcia Jean-Pierre, Petit Christophe et Méniel Patrice, ‘Nouvelles observations sur les matériaux de construction et la chronologie du bâti médiéval‘, 2008
• Foucher Marion, Jean-Pierre Garcia Jean-Pierre, ‘Études archéologiques du clos de vougeot et autres clos cisterciens‘, 2013
• Foucher Marion, Jean-Pierre Garcia Jean-Pierre, ‘La vigne et la pierre comme matières du paysage viticole de la Côte bourguignonne‘ 2009
• Foucher, Garcia, ‘La double signification des clos monastiques sur la côte de Nuits (Bourgogne, France) : étude archéologique et historique du Clos de Vougeot et d’autres clos cisterciens‘, 2013
• Lavalle Jules, ‘Histoire et statistique de la vigne et des grands vins de la Côte d’Or’/volet ‘Vougeot’, 1855
• Provins Michel, ‘Le Clos de Vougeot et son château‘, 1896
• Rodier Camille, ‘Le vin de Bourgogne’/ volet ‘Vougeot’, 1920
Sources complémentaires:
Voir: ‘La Côte d’Or: jeu d’info de base‘
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