Date de publication:

Grands Crus de Gevrey-Chambertin

Mise à jour: janvier 2023

Le Chambertin a l’esprit de famille.” (Allusion aux sept climats associant le nom Chambertin au leur, tel Charmes-Chambertin.)” ‘Chambertin’, de Jean-François Bazin.

 

LES VOLETS DE CE SEGMENT:

Toujours est-il : ‘Premier clou du défilé des Grands Crus’
1→ ‘Recensement’ des Grands Crus de Gevrey-Chambertin
2→ Mise en situation via une cartographie: climats, topographie et géologie
Toujours est-il: ‘Individualité des climats de La Côte: fascinant

3→ Classements historiques
4→ Chambertin
5→ Clos de Bèze
6→ Chapelle-Chambertin
7→ Charmes (et Mazoyères)
8→ Griotte-Chambertin
9→
Latricières-Chambertin
10→ Mazis-Chambertin
11→ Ruchottes-Chambertin
12 → Classements historiques des crus
→ Bibliographie


Toujours est-il …

‘Premier clou du défilé des Grands Crus’

Imaginons la Côte d’Or, un coteau viticole long de près de 60 kilomètres, tel un défilé de jour de fête. Celui-ci débute à Chenôve, en banlieue de Dijon, initié par des tambours qui résonnent au Clos du Roy de l’appellation Marsannay. La Côte amorce son relief à cet endroit.
Dans les deux communes suivantes en direction Sud, Marsannay-la-Côte et Couchey, une suite de majorettes anime la foule. Elles attirent d’autant l’attention que des Premiers Crus y seront désignés dans un avenir prochain, sinon déjà désignés lorsque vous lirez ces lignes. Le versant gagne graduellement en hauteur.
Les sons de la première fanfare se font entendre à Fixin. Ce tintement a une envergure modeste, que quelques cuivres joués par certains musiciens doués, les Premiers Crus Hervelets et les Clos Napoléon, Chapitre et Perrière. La silhouette du versant de la Côte de Nuits s’y précise.
Des mimes s’insèrent dans le défilé dans la commune suivante, Brochon. Ce finage a préféré demeurer dans l’anonymat. Il s’est fédéré à l’aire de l’AOC ‘Côtes de Nuits-Villages’ pour sa partie septentrionale et à celle de l’AOC ‘Gevrey-Chambertin’ pour sa partie méridionale.
À l’entrée de Gevrey-Chambertin, sur son versant Nord, la deuxième fanfare du défilé est plus éclatante, les instruments plus variés. Des virtuoses s’y font nettement remarquer: Lavaut-St-Jacques, Cazetiers et d’autres. Un d’eux, est un super doué, le Clos Saint-Jacques. Ce segment de la Côte de Nuits se montre avec panache. Le Clos Saint-Jacques et les Premiers Crus l’avoisinant grimpent jusqu’à 370 mètres, quasiment le niveau le plus élevé de toute La Côte quant aux climats nobles.
Le clou du défilé entre en scène sur le flanc Sud de Gevrey-Chambertin, une longue suite de chars allégoriques y triomphent. Huit Grands Crus forment cette suite magistrale. Deux des chars sont majestueux, ceux représentant le Chambertin et le Clos de Bèze. Entre Gevrey-Chambertin et Morey-Saint-Denis, le vignoble prend une grande envergure.

 

1 ⇒ ‘Recensement’ des Grands Crus de Gevrey-Chambertin

Notes:
Les superficies sont tirées de ‘Climats et lieux-dits des grands vignobles de Bourgogne’ de Sylvain Pitiot, 2010
Note 1: Les climats figurent en noir, tandis que les lieux-dits figurent en gris. Entre autres, le climat Chapelle-Chambertin est formé des deux lieux-dits En la Chapelle et Les Gémeaux.
Note 2: Dénivelé entier du versant de Gevrey-Chambertin: soit le dénivelé afférent à l’ensemble du vignoble de Gevrey-Chambertin.



2 ⇒ Mise en situation via une cartographie: climats, topographie et géologie

Carte des lieux-dits de Gevrey-Chambertin tirée du site du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB). Le périmètre des Grands Crus est tramé en rouge; ceux des Premiers Crus en orange.

Carte construite à partir de Google Earth qui laisse entrevoir le parcellaire des Grands Crus.
Les Grands Crus sont délimités par des traits rouges.

Quatre climats formés respectivement de deux lieux-dits, ceux-ci sont subdivisés par des traits noirs, soit les climats Mazis-Chambertin (lieux-dits Mazis-Bas et Mazis-Haut), Chapelle-Chambertin (lieux-dits En la Chapelle et Les Gémeaux), Charmes-Chambertin (lieux-dits Aux Charmes et Mazoyères) et Ruchottes-Chambertin (lieux-dits Ruchottes du Bas et Ruchottes du Dessus).

COURBES DE NIVEAUX

Construite en superposant sur Google Earth une carte captée sur Géoportail, laquelle met en évidence les courbes de niveau. À la suite, dans le Toujours est-ilIndividualité des climats de La Côte: fascinant‘, il est brièvement traité des effets rattachés à la position sur le versant et à l’exposition.

La route D974 constitue notamment un repère entre cette carte et la suivante (la D974 est le double trait traversant le bas de lancarte géologique)

CARTE GÉOLOGIQUE

Carte géologique qui isole la géologie du secteur des Grands Crus. Selon le dossier produit à l’échelle 1/10 000 par la géologue Françoise Vannier en 2010 (voir Géologie/physiographie de Gevrey-Chambertin).
Sur la carte géologique, repérez les climats en les situant d’abord sur les cartes précédentes.

Série lithologique présente sur le finage de Gevrey-Chambertin, un ‘millefeuille’ de strates calcaires et marneuses. Cette séquence s’est formée initialement horizontalement, relativement uniformément, sur tout le finage de Gevrey comme sur toute La Côte durant le Jurassique, il y a plus de 150 Ma.

ENTRE AUTRES OBSERVATIONS:
• Les GC Chambertin et Clos de Bèze sont des ‘jumeaux identiques’: même créneau altitudinal, topographie comparable, exposition semblable et géologie analogue: quatre bandes lithographiques de la séquence du Calcaire à Entroques au Calcaire de Prémeaux forment leur substratum.
• Si le GC Latricières partage plusieurs traits avec les ‘jumeaux’ Chambertin, il est toutefois traversé de haut en bas par une bande représentant une partie du ‘cône alluvial’ associé à la Combe Grisard, laquelle combe échancre quelque peu la partie supérieure de ce climat et en détermine un micro-climat plus froid.
Le cône alluvial associé à la combe Grisard parcourt d’abord le GC Latricières et s’étale assez largement sur le GC Mazoyères.
• Les GC Mazis et Ruchottes se singularisent par leur unicité géologique, roche-mère formée d’Oolithe blanche, un calcaire.

 

Toujours est-il …

Individualité des climats de La Côte: fascinant

Les huit Grands Crus de Gevrey-Chambertin sont tous inscrits dans un même grand rectangle difforme. La bande de cinq climats en partie supérieure, du Mazis au Latricières, est inscrite dans le créneau altitudinal, entre 270 à 300 mètres d’altitudes. La distance Nord-Sud de cette bande Nord-Sud de ±1,7 kilomètre comporte une donne géologique et des conditions physiographiques changeantes au fil de celle-ci. Si il peut ainsi paraitre logique que les vins de Latricières diffèrent de ceux de Mazis, il est cependant plus étonnant que Latricières livre des vins nettement différents du Chambertein qui le jouxte, et que le Mazis engendre des vins bien distincts du Clos de Bèze, son voisin immédiat. Il en va de même dans le sens de la pente: le Clos de Bèze est placé immédiatement au dessus de Griotte et Chapelle et les vins de ces deux derniers Grands Crus ne sont définitivement pas similaires à ceux de Bèze, et surtout pas du même niveau.

Une panoplie de facteurs explique la diversité et ‘l’inégalité’ des Premiers Crus et tout autant, bien entendu, des Grands Crus. Six ou sept facteurs peuvent être identifiés sans que puisse être clairement déterminé leur poids respectif dans l’établissement de la singularité des vins de chaque lieu. Cette alliance, une synthèse, des facteurs est un phénomène tout simplement fascinant.
Physiographie/climatologie: Latricières a un positionnement altitudinal similaire au Chambertin, son voisin. Le contraste entre les deux est plutôt géomorphologique et climatologique: Latricières est logé au débouché de la combe Grisard, un vallon qui l’échancre et dans lequel circule un courant d’air plus frais venant de l’Ouest, qui occasionne un décalage de maturation des raisins.
Géologie/géomorphologie: Ruchottes et Mazis, un au dessus de l’autre, sont les voisins immédiats du Clos de Bèze, dans la même bande altitudinale. Cependant, la limite commune Ruchottes/Mazis et Bèze correspond à une faille où s’est produit une dislocation, un décalage stratigraphique: Ruchottes et Mazis reposent principalement sur l’Oolithe Blanche, tandis que Bèze est déposé sur une série de quatre bandes: Calcaire à Entroques, Marnes à Ostrea acuminata, Calcaire argileux et Oolithe Blanche dans sa bande supérieure. En ces endroits, les sols résultent en large partie de l’altération du substratum en place, si bien que la pédologie de ces climats comporte des nuances.
Pédologie: Placé plus haut sur le versant que Mazis, Ruchottes montre un sol plus maigre et induit du coup des vins plus longilignes, plus minéraux.
Géologie/géomorphologie/pédologie: Plaçons-nous maintenant dans l’axe de la pente. Isolons d’abord Griotte. Il est inscrit en bonne partie, sinon en totalité, dans une ancienne carrière; il nous apparait que son substratum a été grugé (il y a quelques siècles) pour produire de la pierre de construction; puis de la terre y a été apportée. Des terroirs comportant d’ex-carrières ne sont pas inusités sur La Côte. — Portons ensuite brièvement notre attention sur Charmes et Chambertin, le premier sous le deuxième. Si les deux sont mitoyens sur une même bande Nord-Sud de Calcaire à Entroques, ils sont toutefois prolongés un et l’autre par des formations différentes: le Calcaire de Comblanchien pour Charmes et une séquence de trois autres formations pour le Chambertin. À cette différenciation géologique, s’ajoute des nuances manifestement importantes d’ordre pédologique. Nommé ‘topo-lithoséquence’, un schéma pédologique s’observe de façon générale du haut au bas de la pente sur La Côte: les sols en partie haute du versant sont généralement plus maigres et, à l’inverse, les sols du glacis (amorce du piémont) et à plus forte raison du piémont sont plus épais. Divers facteurs se conjuguent pour créer cette différenciation pédologique, dont la mécanique d’érosion, le drainage, l’insolation et autres. Comprenons que si le substratum, la formation géologique, devait être identique du haut du Chambertin au bas des Charmes, la pédologie en serait certes différente, contrastée.



3 ⇒ Classements historiques

Note1: Dans le classement du Comité de Beaune, la partie basse du Mazoyères, près de la route D974, n’a pas été classée.

→ Classement de Jules Lavalle (1855)
Le Dr Jules Lavalle a rédigé ‘Histoire et Statistique de la Vigne et des Grands Vins de la Côte d’Or’ en 1855. L’ouvrage est une référence majeure puisqu’il contient le premier essai de classement, complet et consciencieux, des climats de la Côte d’Or. Ce classement est réalisé par commune, par finage. La catégorisation comprend cinq niveaux: ‘Tête de Cuvée’, ‘Première Cuvée’, ‘Seconde Cuvée’, ‘Troisième Cuvée’ et ‘Quatrième Cuvée’. Jules Lavalle utilise aussi la mention ‘Hors Ligne’ en certains endroits, entre autres pour classer le Clos de Vougeot et quelques climats d’Aloxe-Corton, Prémeaux-Prissey et Maranges. Il indique en page 92 de son ouvrage que les ‘têtes de cuvée‘ et les ‘hors ligne‘ sont dans la même classe, sans toutefois mentionner les particularités ou circonstances associées aux attributions des cotes ‘hors ligne’.

Au sujet de l’éventuelle comparaison de classes identiques d’un finage à l’autre (exemple: les climats en ‘Première Cuvée’ sur Gevrey par rapport aux ‘Première Cuvée’ sur Beaune), Jules Lavalle a écrit « Je n’ai étudié les vins de chacune des communes de la Côte comme si les autres communes n’eussent pas existé et la classification que j’ai donnée n’est vraie que pour chacune d’elles prises isolément. »

→ Classement du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune (1860)
Le Classement de 1860 du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’Arrondissement(1) de Beaune fut produit pour la promotion des vins de Bourgogne lors de l’exposition universelle de Londres de 1862. L’arrondissement de Beaune est un des cinq arrondissements du département de la Côte d’Or. Voici quelques extraits des notices liées audit classement: « Non seulement chaque commune, mais encore chaque climat, et souvent chaque parcelle a été l’objet d’un examen consciencieux de la part de cette Commission qui a puisé ses renseignements aux meilleures sources. De plus, avant d’être définitivement arrêté, le classement de chaque commune a été soumis à une enquête publique par M. le Préfet de la Côte-d’Or. / Les observations recueillies dans les diverses localités ont été l’objet d’un nouvel examen très approfondi et le classement a été modifié en vertu des observations qui ont été reconnues fondées. Nous osons donc le dire, le plan que nous publions présente toutes les garanties désirables de sincérité et d’exactitude. / La première classe comprend les vignes qui ont paru réunir à un haut degré toutes les conditions voulues pour produire un vin de choix; ce qu’on appelle ordinairement les têtes de cuvées et premières cuvées. La seconde classe (vulgairement nommée secondes cuvées) comprend les vignes placées dans des conditions un peu moins favorables, par rapport à la nature du sol, à son exposition, à son inclinaison. La troisième classe (troisièmes cuvées) les vignes qui, tout en produisant des vins dignes d’être classés parmi les vins fins, se trouvent placées sur l’extrême limite des bons climats. »
La classification du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860 couvre aussi quelques finages de la Côte de Nuits situés dans l’arrondissement de Dijon. Il y est précisé, judicieusement, que pour « l’arrondissement de Dijon (le classement a été effectué) par une société de viticulteurs »(2). Sur Gevrey-Chambertin, à toute fin utile, seuls les climats majeurs ont été classés: ceux actuellement en Grands Crus et les Premiers Crus Lavaut-Saint-Jacques, Clos Saint-Jacques (partie haute) et Cazetiers.

(1) L’arrondissement de Beaune regroupe les finages de Santenay à Vougeot et l’arrondissement de Dijon comprend les finages de La Côte situés au Nord de Vougeot, soit de Chambolle-Musigny jusqu’à Chenôve (finage de l’AOC Marsannay).
(2) Ladite mention figure sur la planche cartographique de la classification du Comité de Beaune « dessinée par M.L. Bonnamas / ÉD BATAULT MOROT, ÉDITEUR À BEAUNE / 1867 ».

→ Classement de Camille Rodier (1920)
Dans son ouvrage important ‘Le Vin de Bourgogne’, Camille Rodier, co-fondateur, avec Georges Faiveley, de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin, écrit « Nous tenons à ce qu’il soit établi que nous n’avons pas cherché à faire un classement nouveau, mais que le travail que nous présentons aux lecteurs résultent de deux classements faisant autorité à des titres différents, savoir … » et il nomme les classements de Jules Lavalle (1855) et du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860. Il n’en adapte pas moins certains éléments de ces deux classements, avec justesse, d’autant que les valeurs des climats étaient certainement mieux connues quelques décennies après la réalisation des classements nommés précédemment.
Après les classements historiques de Jules Lavalle et du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 18650, le classement de Camille Rodier doit également être considéré tel une référence importante.

→ Classement de Jasper Morris (2010)
Dans son livre ‘Inside Burgundy’, Jasper Morris attribue un classement à tous les climats homologués en Grands Crus et en Premiers Crus. Si de façon générale il soutient leur rang formel, il apporte occasionnellement des ajustements. Ainsi, sur le finage de Gevrey, Jasper Morris ajoute des superlatifs à six climats.



4 ⇒ Chambertin (12,90 ha)

Particularité:
Le Chambertin est un des grands ténors de La Côte, avec entre autres le Musigny, la Romanée-Conti et le Montrachet.
Rolande Gadille (‘Le Vignoble de la Côte bourguignonne’, 1967) a écrit qu “un dernier trait de cette œnologie du 18e siècle, c’est la place encore considérable qu’occupaient en Côte de Nuits les vins blancs de qualité: le Chambertin blanc, le Vougeot blanc sont considérés comme les égaux du Montrachet. L’orientation presque exclusive de la Côte de Nuits vers les vins rouges est donc un phénomène relativement récent.
Lieu-dit:
Le lieu-dit correspond au climat.
Histoire:
Tant le Clos de Bèze détient une longue histoire connue remontant au 8e siècle, tant celle du Chambertin est peu connue, sinon inconnue avant le 17e siècle. Marie-Hélène Landrieu-Lussigny (‘Climats et lieux-dits des grands vins de Bourgogne – Atlas et Histoire des noms de lieux’) indique simplement “qu’une histoire intéressante circule à propos de ce célèbre vignoble! On raconte qu’un certain Bertin possédait un champ voisin du Clos de Bèze”; assez banal. Le climat est donc anonyme avant l’époque moderne. Sa notoriété s’établit aux 17e et 18e siècles: le vin de Bourgogne, particulièrement celui de Côte de Nuits, cesse alors d’être conçu en vin clairet, avec bien peu de couleur et de structure; les cuvaisons et élevages sont allongés et dès lors (‘du coup’ disent les français) les terroirs sont enfin révélés. Sa notoriété atteint son pinacle au cours du 18e. Titulaire de baux à sens (acencements: des baux emphytéotiques en quelque sorte) sur des parcelles du Chambertin, négociant, apparemment redoutable commerçant, Claude Jobert de Chambertin − 1701-1768 / ‘de Chambertin’ est un titre qu’il a sollicité et obtenu − contribue incontestablement à construire la réputation du Chambertin. Il est à souligner que ‘l’économie de marché’ prend forme à cette époque et que le vin fin devient graduellement un bien de consommation, voire de luxe, de la bourgeoisie et une hiérarchisation informelle se développe.
Au 19e, Le Chambertin blanc (cépages à vin blanc) occupe le tiers du climat; blancs et rouges ont d’ailleurs cohabité longtemps. Son prix approche celui du Montrachet. Le mousseux a son moment de gloire durant la seconde moitié du 19e et est exporté aux  États-Unis jusqu’aux années 1950.
Jean-François Bazin indique que sa réputation aurait précédé celle du Clos de Bèze pour des raisons inconnues.
Si il s’est produit durant un temps du ‘Chablis’ en différents vignobles de la planète, il en fut de même pour le Chambertin dont le nom était entre autres plagié aux États-Unis, en Angleterre et en Espagne.
Physiographie:
Exposition franc Est — Dénivelé de 30 mètres, entre les niveaux ±270 m et ±300 m. − Pente entre 10 à 35%, très marquée dans la partie haute.
Classements historiques:
‘Tête de  Cuvée’ par Jules Lavalle en 1855 — Seul en ‘Première Classe’ avec le Clos de Bèze dans le Classement du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860 — ‘Tête de  Cuvée’ par Camille Rodier en 1920.
Possédants:
Douze propriétaires en 1829, surtout des aristocrates et parlementaires dijonnais; une douzaine vers 1920; 24 en 1965; 25 en 1990 et même nombre (±) actuellement. Des familles vigneronnes, ayant pris le relais des bourgeois au cours du 20e siècle et des maisons de négociants-éleveurs se partagent actuellement la propriété du Chambertin. Voir le plan parcellaire à la suite.
Géologie:
Quatre bandes lithologiques successives dans le sens de la pente forment le substratum du Chambertin: Calcaire à Entroques dans la partie inférieure; Marnes à Ostrea acuminita dans la partie médiane inférieure; Calcaire argileux dans la partie médiane supérieure; et Calcaire de Prémeaux dans la bande supérieure.
Vins:
Nos commentaires: Tant a été écrit sur la noblesse du cru. Nous croyons cependant opportun de mentionner qu’il y a certainement deux ‘types’ de Chambertin: D’une part, ceux issus de parcelles qui s’allongent du bas au haut du climat et qui traversent ainsi les quatre bandes géologiques; ce pattern de parcelle étant très majoritaire. D’autre part, les Chambertin issus de parcelles ne reposant que sur une bande géologique, ou deux; les parcelles des vins de ce deuxième ‘type’ se situent surtout en partie supérieure et, outre leur spécificité géologique, celles-ci ont certainement des sols plus maigres étant donné leur position élevée sur le versant, et un micro-climat contrasté en raison particulièrement de leur proximité de la forêt. Voir la carte à la suite.

Domaines et négociants-éleveurs propriétaires sur le Chambertin: 1) Bouchard Père et Fils — 2) Jacques Prieur — 3) Armand Rousseau — 4) Charlopin — 5) Louis Latour — 6) Rossignol-Trapet — 7) Leroy — 8) Feuillet-Duband —9) Ponsot — 10) Denis Mortet — 11) Trapet — 12) Camus — 13) Château de Marsannay — 14) Pierre Damoy — 15) Rebourseau — 16) Bertagna — 17) Albert Bichot — 18) Tortochot — 19) Dugat-Py.
La grille n’est pas entièrement précise. Les limites de parcelles peuvent ne pas être exactes et quelques propriétaires sont manquants.

Source: revue Bourgogne Aujourd’hui.

Des panneaux placés durant les années cinquante le long de la Route des Grands Crus indiquent encore aujourd’hui le début et la fin du périmètre du Chambertin.

Nous signalons ponctuellement dans nos textes des empreintes de carrières médiévales dans les vignes − notamment sur des terroirs de Grands Crus − comme ici dans le Chambertin, aux abords de la Route des Grands Crus. Il s’agit d’une des parcelles du Domaine Jacques Prieur dans le Chambertin.



5 ⇒ Clos de Bèze (15,39 ha)

Particularité:
Les vins peuvent être désignés sous ‘Clos de Bèze’, ‘Chambertin’ ou, assez généralement, sous ‘Chambertin Clos de Bèze’.
Lieu-dit:
Le lieu-dit correspond au climat.

Histoire:
Les citations à la suite sont extraites d’ouvrages de Jacques Bazin, Jean-François Bazin et Christine Magnin, lesquels sont nommés dans la bibliographie placée à la fin.
Don à l’Abbaye de Bèze en 630, le point: Deux donations sont immanquablement signalées dans les récits d’histoire du vin de Bourgogne: celle de Charlemagne à Aloxe-Corton au 8e siècle et l’autre du duc d’Amalgaire aux moines de Bèze à Gevrey en 630. Nous pensons que la première est une légende perpétuée que nul n’ose encore rompre. La seconde a des versions différentes, selon les livres. Un nombre d’auteurs ne mentionnent que la cession du Clos du Bèze par Amalgaire; d’autres signalent plusieurs legs de terres par Amalgaire dont des vignes, incluant le Clos; puis certains sont définitivement plus précis en évoquant de nombreux legs de terres éparses, dont une à Gevrey, laquelle fut subséquemment défrichée et colonisée, entre autres de vignes, par les moines de Bèze. En fait, Amalgaire donna de nombreuses terres à l’Abbaye de Bèze, dont la plus fondamentale, en 620, porte sur le lieu même de l’établissement de l’abbaye, à 30 km au Nord-Est de Dijon, sur la commune nommée Bèze par la suite. Les auteurs qui ne mentionnent que le legs du Clos de Bèze à Gevrey laissent entrevoir aux œnophiles peu rompus avec l’histoire que cette dotation fut particulièrement magnanime. — Le début de la colonisation en vignes du grand versant qu’est La Côte remonte plausiblement au milieu du premier millénaire. La notoriété des terroirs n’est alors même pas embryonnaire. Les vins sont élémentaires et aucunement individualisés, ni associés à un lieu.
1219: Le Clos est vendu par les moines de Bèze au chapitre de Langres. “Nous ne connaissons pas les motifs de cette vente. Le nom lui est resté.” — Jusqu’à la Révolution, Gevrey est assujetti à deux pouvoirs: l’abbé de Cluny est le seigneur tandis que le chapitre de la cathédrale de Langres est le maître ecclésiastique. “Les vignerons étaient essentiellement les ouvriers des seigneurs du village, l’Abbaye de Cluny.” − “Comme la paroisse dépend de Langres, les chanoines de cette ville veulent à tout prix déloger Bèze de son clos.” 
13e siècle: “Les murs du clos étaient déjà construits au 13e siècle…
14e siècle: Le périmètre du Clos n’aurait vraisemblablement pas été intact au Moyen Age. “Nous trouvons au 14e siècle des acquisitions au clos de Bèze en 1317, 1318, 1334, faites avec le souci d’acquérir des parcelles contiguës à celles que le chapitre possédait déjà. Il y avait donc des parcelles qui n’appartenaient plus à l’abbaye de Bèze (possesseur avant 1219) depuis longtemps.”
15e siècle: “En 1621, l’état des clôtures est pire: ou elles sont tombées, ou elles menacent ruines. On a l’impression soit que le chapitre (de Langres) se désintéresse de son clos, soit qu’il n’a pas les moyens de l’entretenir en bon état, soit qu’il ne trouve pas la main d’œuvre nécessaire à l’entretien et à la remise à l’état.” — Ayons à l’esprit qu’à cette époque les contextes sont parfois, sinon souvent, compliqués, troublés.
1627: “L’ensemble fait peine à voir, murailles écroulées, friches et buissons envahissant la vigne“. Toujours est-il qu’un bail est consenti pour 20 ans. Le montant de la location est de 50 septiers (unité de mesure) de vin vermeil, du cru de la vigne. Claude Jomard, avocat au parlement de Bourgogne en devient le locataire et l’aurait remis en bon état. — Revenu en vin vermeil, autrement dit en vin plutôt rosé! Jusqu’à cette époque, le vin produit sur La Côte est du clairet. C’est ce que veulent les chanoines de Langres en guise de revenu de loyer. La conception du vin change cependant au fil du 17e siècle: la cuvaison est allongée et l’élevage devient une pratique courante; les vins sont ainsi plus aboutis, les terroirs révélés! Exit les vins vermeils, cela en Côte de Nuits avant la Côte de Beaune.
1646/1651: “Presque à l’expiration du bail, en 1646, la question se posa (au sein du chapitre de Langres) ou de l’exploitation directe, ou du renouvellement du bail, ou d’un ascensement qui équivaut pratiquement à une vente.” Jacques Bazin (père de Jean-François Bazin, voir la biblliographie) énumère la douzaine de motifs que les chanoines exposent à l’encontre d’une vente ou d’un ascensement (ou bail à cens, forme de bail emphytéotique perpétuel). Malgré les tergiversations des chanoines, Claude Jomard obtient cette fois un bail à cens en 1651. Le revenu pour les moines est cependant à la hausse. — Au 17e siècle, les ecclésiastiques présents sur La Côte se dégagent de plus en plus de l’exploitation directe de leur parc immobilier de vignes. Les aristocrates et les bourgeois, ceux de Dijon particulièrement quant à La Côte, prennent le relais via des locations ou des baux à cens. Ces derniers participent fièrement à l’édification du concept de crus au fil des 17e et 18e siècle et de sa valorisation commerciale.
18e siècle: “Malgré de nombreuses consultations d’avocats par le chapitre de Langres sur la valeur des actes de 1651 et 1709, … il fallut continuer à céder le Clos de Bèze à cens le 3 juillet 1753…”. Quelques occupants succèdent à Claude Jomard, nommément Claude Jobert. — Au milieu du 16e siècle les vins de Chambertin, incluant le Clos de Bèze, étaient vendus à un prix identique à tout autre vin issu de l’ensemble des finages de Gevrey, Fixin ou encore Marsannay, situés en terminaison méridionale de la Côte dijonnaise. Ce sont les vins de Dijon, de la ville même et ses pourtours immédiats, qui avaient alors la faveur, de façon purement subjective, et la tarification était conséquente, à des prix plus élevés! Deux siècles plus tard, au milieu du 18e, la donne a changé: les vin de Bèze et du Chambertin dominent fortement au sommet de la pyramide des prix de la Côte dijonnaise. (Histoire de Bourgogne/Époque moderne). Le Chambertin doit alors une partie de sa nouvelle notoriété à un étonnant personnage, Claude Jobert (1701-1768). Originaire de Montigny-sur-Aube, environ 100 km au Nord de Dijon, il avait marié la fille d’un riche marchand de Langres qui possédait quelques bien à Gevrey. Au Clos de Bèze et en Chambertin, il réussit à succéder aux exploitants temporaires des vignes des chanoines de Langres. Il incarne la race montante des négociants-éleveurs qui vendent leurs vins à l’étranger. Claude Jobert achète tout ce qui se présente: 3/4 du Clos de Bèze et un peu plus de 2 hectares sur le Chambertin. Il serait le premier à nommer commercialement ‘Chambetin’ les vins issus des deux climats. Il met en bouteilles sa production, dont il fait lui-même la promotion. Nouveau riche, il achète un titre: ‘Jobert de Chambertin.’ Rollande Gadille (‘Le Vignoble de la Côte bourguignonne’, 1967) indique que “le sieur Jobert, propriétaire de la majeure partie des Clos de Bèze-Chambertin fut ainsi le véritable créateur du prestige acquis par le Chambertin.”
1791:On mis ces biens (vignobles appartenant aux ecclésiastiques confisqués durant la Révolution) en vente par fractions le 29 janvier et 24 octobre 1791…” Des bourgeois de Dijon et de La Côte, aussi de Paris se portent acquéreurs de pièces de vignes aux encans subséquents à la Révolution.
1855: Jules Lavalle nomme les propriétaires du Chambertin, Clos de Bèze compris: MM Ouvrard, Serre, Marion, Thiébaut, Genret, Grachet, de Grésigny, héritiers Belot, Mme veuve Mongin. “Au 19e siècle, les gros propriétaires menaient le plus souvent une vie bourgeoise, laissant la charge des vignes à de petits vignerons.” Aristocrates, banquiers de Napoléon, les Ouvrard, banquier, ont aussi été propriétaires au Clos de Vougeot et à la Romanée-Conti.
1920: Camille Rodier dans ‘Le Vin de Bourgogne’ nomme les principaux propriétaires de cette période. Le nombre a presque doublé entre 1891 et 1920. Ils sont 23 principaux propriétaires en 1920. Les deux crus, Chambertin et Clos de Bèze, ont été morcelés; apparemment davantage pour le Chambertin.La première guerre mondiale a beaucoup changé … Des parcelles de vignes ont été vendues… Il semble d’ailleurs que ce soit à cette époque que des domaines que nous connaissons aujourd’hui se soient formés.” “Au 20e siècle, les grandes propriétés appartiennent à des personnes qui entendent mener elles-même l’exploitation de leurs biens à partir de Gevrey ou d’autre villages de La Côte… On peut parler de la mise en place de dynasties de grosses familles vigneronnes… Ces dynasties agrandissent progressivement leur pré carré de vignes. Le grand-père dans les années 1910-1920, le père dans les années 1930-1940, le fils à partir des années 1950”  Au nombre des propriétaires en 1920 figurent au moins quatre noms qui sont toujours connus et réputés aujourd’hui: Rousseau, Tortochot, Damoy et Trapet. Notamment, Julien Damoy a vendu son commerce parisien et a acquis par la suite, entre autres, près de cinq hectares de vignes dans le Clos.
1929-1937:Le décret officiel de 1937 créant les grands crus d’appellation d’origine contrôlée reprend les principes des délimitations judiciaires (AO de 1929), et autorise, à la demande du président du syndicat de défense du Chambertin, le général Rebourseau, de vendre comme Chambertin, sans clos de Bèze, le vin du clos de Bèze mais pas l’inverse.”

Physiographie:
Exposition franc Est — Dénivelé de 25 mètres, entre les niveaux ±275 m et ±300 mètres. — Pente entre 5 à 20%, plus forte dans la partie haute.

Classements historiques:
‘Tête de Cuvée’ par Jules Lavalle en 1855 — Seul en ‘Première Classe’ avec le Clos de Bèze dans le Classement du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860 — ‘Tête de Cuvée’ par Camille Rodier en 1920.
Intriguant: “À l’époque de Claude Jobert (fin 18e), le clos est cultivé par sept vignerons, et il est réparti en quatre ‘cantons’. Les meilleurs sont ceux du Sud, les autres sont moins estimés. Cela va ‘d’un produit excellent à un autre très inférieur.” ‘Chambertin’, de Jean-François Bazin.
Possédants:
Le Clos de Bèze est moins morcelé que le Chambertin. Environ 15 propriétaires, dont un détient la part du lion: Pierre Damoy (5,4 ha), Armand Rousseau (1,4 ha), Drouhin-Laroze (1,4 ha), Faiveley (1,3 ha), Marion/Prieuré-Roch (1,0 ha), Bruno Clair (1,0 ha), Gelin, Zibetti, Bart, Robert Groffier, Louis Jadot, Rebourseau, Duroché, Dujac, Jacques Prieur et Joseph Drouhin.

Géologie:
Comme le Chambertin, quatre bandes lithologiques successives dans le sens de la pente forment le substratum du Chambertin: Calcaire à Entroques dans la partie inférieure; Marnes à Ostrea acuminita dans la partie médiane inférieure; Calcaire argileux dans la partie médiane supérieure; et Calcaire de Prémeaux dans la bande supérieure.

Vins:
Il est parfois dit que le vin du Clos de Bèze serait plus complexe, alors que le Chambertin serait plus puissant. Nous sommes hésitants à les différencier. Leur géologie est en tout point similaire et tout autant leur physiographie, si ce n’est que Bèze tourne quelque peu vers le Nord dans sa partie Nord-Est. Aussi les parcelles des deux climats s’allongent pour la plupart du bas au haut du climat. À nouveau: des ‘jumeaux identiques’.

Ce plan de propriétés du Clos de Bèze se calque sur celui du livre ‘Chambertin’ écrit en 1990 par Jean-François Bazin. Près de trente ans après, ce plan n’est donc que relativement exact, bien que la majorité propriétaires de 1990 le sont encore actuellement.
Principaux propriétaires, domaines et négociants-éleveurs, sur le Clos de Bèze: 1) Pierre Damoy (5,4 ha)— 2) Drouhin-Laroze (1,4 ha) — 3) Robert Groffier (0,4 ha) — 4) ? — 5) Duroché (0,25 ha) — 6) ? — 7) Bruno Clair (1,0 ha) — 8) Bart (0,4 ha)— 9) ?— 10) Gelin (0,6 ha) — 11) Marion/Prieuré-Roch (1,0 ha) — 12) Zibetti (0,5 ha)— 13) Armand Rousseau (1,4 ha)
Ne figurant pas sur la carte: Faiveley (1,3 ha) — Jadot (0,4 ha) — Rebourseau (0,3 ha) — Dujac (0,2 ha) — Jacques Prieur (0,15 ha) — Joseph Drouhin (0,1 ha).

Cette cabane installée aux abords de la Route des Grands Crus dans le Clos de Bèze est immanquable. Le Domaine Pierre Damoy détient les parts du lion sur les climats Clos de Bèze et Chapelle. Le ‘Pierre’ (Pierre Damoy) présentement aux commandes est de la lignée des descendants de Jean-Baptiste-Julien Damoy, qui après avoir vendu son entreprise parisienne du secteur alimentaire s’est installé d’abord au Château de Moulin-à-Vent dans le Beaujolais puis à Gevrey-Chambertin.

Toujours est-il …

… qu’ils n’auront certainement jamais imaginé cela de leur vivant.
Virtuellement aucun nom de vignerons actuels n’apparait dans la nomenclature des propriétaires de l’ouvrage détaillé ‘Les grands vins de Bourgogne’ de Charles Aubertin et René Danguy édité en 1892; les vignes de Gevrey étaient alors détenues majoritairement par des bourgeois et des parlementaires dijonnais. Des noms de vignerons apparaissent toutefois dans la nomenclature de ‘Le vin de Bourgogne’ de Camille Rodier publié en 1920. La donne avait changé dans l’intervalle; les vignerons accédaient à la propriété de parcelles, même sur les plus réputés crus. En Bourgogne, l’industrie du vin n’ayant pas vraiment prospéré pendant la première moitié du 20e siècle, les vignerons n’étaient clairement pas animés par le gain ou la spéculation. En revanche, ils étaient certainement exaltés par les perspectives d’acquisition de vignes estimées. Ils ont été déterminés, éventuellement pugnaces et/ou rusés. Leurs vins étant alors très majoritairement commercialisés par le négoce, ils n’ont pas connu la notoriété, encore moins la célébrité, chose dont jouissent leurs héritiers actuels en charge du vignoble familial. Ils n’ont jamais cru, même imaginé, que le marché des crus de La Côte s’emballerait un jour; que les Grands Crus deviendraient des biens de luxe. Voilà que leurs descendants contemplent la formidable valeur financière du patrimoine familial. Les vénérables vignes seront certainement nombreuses à passer aux mains des riches; les vendeurs devenant du coup des riches. Les Armand Rousseau, Arthur Trapet, Félix Tortochot et autres, les pionniers de la propriété vigneronne à Gevrey, ne l’ont certainement jamais imaginé de leur vivant!



6 ⇒ Chapelle-Chambertin (5,49 ha)

Particularité:
Ne pas confondre Chapelle-Chambertin et ‘Petite Chapelle’, un premier cru.
Lieu-dit:
Le climat comprend deux lieux-dits: au Nord Les Gémeaux (1,79 ha) et En La Chapelle au Sud (3,69 ha).
Histoire:
Une petite chapelle fut bel et bien construite autour de 1155 sur le lieu-dit En La Chapelle, reconstruite en 1547 et délibérément brûlée en 1830. Jean-François Bazin écrit dans son remarquable ouvrage ‘Chambertin’ (1990) que “devant cette chapelle dont la porte s’ouvrait du côté Est du chemin, s’élevait un grand et haut portique sous lequel passait gens et voitures et qui, enjambant le chemin, se prolongeait dans une vigne au couchant. Garni d’un banc, le pourtour permettait les jours de fête de suppléer l’exiguïté de l’église… C’est à peine si l’on en reconnait aujourd’hui quelques vestiges dans les grosses pierres réemployées au bord de la route des Grands Crus.” Le lieu-dit En la Chapelle obtint une AO en 1930 (Appellation d’Origine selon la Loi de 1919), alors que Les Gémeaux lui a été jumelé par la suite, en juillet 1936.
Physiographie:
Exposition franc Est — Dénivelé de 10 mètres, entre les niveaux ±265 m et ±275 mètres. — Pente entre 5 à 7%.
Classements historiques:
En la Chapelle en Première Cuvée  et Les Gémeaux en Deuxième Cuvée par Jules Lavalle en 1855 −  Les deux lieux-dits en ‘deuxième classe’ par le Classement du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860 − Les deux lieux-dits en Première Cuvée par Camille Rodier en 1920.
Possédants:
Huit propriétaires, nommément les domaines Pierre Damoy (2,2 ha sur En la Chapelle), Ponsot (0,7 ha), Trapet (0,55 ha sur En la Chapelle), Rossignol-Trapet (0,54 ha majoritairement sur En la Chapelle), Drouhin-Laroze (0,5 ha sur En la Chapelle), Louis Jadot, Cécile Tremblay et Claude Dugat. Comme pour le Clos de Bèze, placé au haut de Chapelle, le domaine Pierre Damoy est donc le propriétaire nettement dominant.
Géologie:
Le Calcaire à Entroques forme entièrement la formation lithologique du climat.
Vins:
Les climats portant le nom de Chambertin en suffixe sont des faire-valoir de Chambertin et Clos de Bèze, et réciproquement. Jean-François Bazin écrit “qu’au nez, La Chapelle ressemble au Clos de Bèze, mais elle n’en possède pas tout le corps, la grandeur finale. Parfois d’une finesse étonnante.” Possesseur de vignes sur les deux lieux-dits, le Domaine Rossignol-Trapet indique sur son site internet que “moins solaire que Chapelle haute (dans un sol un peu plus profond), Gémeaux donne des vins plus charnus, très denses, aux tanins un peu plus formés.”

Des panneaux du BIVB jalonnent La Côte.



7 ⇒ Charmes (et Mazoyères) (total de 30,83 hectares)

Particularités:
Les vins issus du lieu-dit Mazoyères peuvent être désignés bien entendu sous ‘Mazoyères’, bien que plus généralement repliés sous ‘Charmes’ tel qu’autorisé. Mazoyères est le seul lieux-dit qui ne jouxte pas l’un ou l’autre de Chambertin ou Clos de Bèze. Nous aurions aimé trouver le motif historique de la réunion des lieux-dits Aux Charmes et Mazoyères en un climat. Toujours est-il que la carte du Classement du Comité d’Agriculture et de Viticulture de Beaune de 1861 indiquait Mazoyères ou Charmes.
Lieux-dits:
Aux Charmes (12,24 ha) et Mazoyères (18,58 ha).
Physiographie et climatologie:
Exposition Est-Nord-Est pour Aux Charmes; Est-Sud-Est pour Mazoyères — Dénivelé de ±15 mètres dans le créneau altitudinal de ±260 m/±275 m pour les deux lieux-dits — Pente de 5% à 7% pour Charmes; et de 2% à 5% pour Mazoyères. Le lieu-dit Mazoyères est affecté par le courant d’air frais de l’Ouest aiguillé dans la Combe Grisard qui débouche sur le Latricières, placé immédiatement au dessus.
Classements historiques:
Par Jules Lavalle en 1855: Première Cuvée pour la partie haute du lieu-dit Les Charmes et Deuxième Cuvée pour la partie basse; Deuxième Cuvée pour le lieu-dit Mazoyères. − Sauf pour la petite portion aux abords de la route D974 qui est en Troisième Classe, les deux lieux-dits figurent en ‘Deuxième Classe’ dans le Classement du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860. − Première Cuvée pour l’ensemble du climat par Camille Rodier en 1920.
Possédants:
Une quarantaine de propriétaires, majoritairement domiciliés à Morey-St-Denis. Les domaines possédant plus d’un hectare: Camus (3,0 ha sur Charmes et 3,9 sur Mazoyères) — Perrot-Minot (0,9 sur Charmes et 0,7 ha sur Mazoyères) — Taupenot-Merme (0,6 sur Charmes et 0,85 ha sur Mazoyères) — Armand Rousseau (0,45 sur Charmes et 0,9 ha sur Mazoyères) — Rebourseau (1,3 sur Charmes) — Arlaud (0,95 sur Charmes et 0,2 ha sur Mazoyères) — Henri Richard (1,1 ha sur Mazoyères) — Gérard Raphet (1,0 sur Charmes).
Géologie:
Approximativement 50% en partie haute du lieu-dit Les Charmes a un substratum formé de Calcaire à entroques, tandis que l’autre demie en partie basse est déposée sur du Calcaire de Comblanchien. — Le substratum du lieu-dit Mazoyères a un schéma identique à celui des Charmes, cependant Mazoyères est coupé en son centre par un important lobe, ±50% de la superficie de Mazoyères, représentant la plus grande partie du cône alluvial associé à la Combe Grisard (voir Géologie/physiographie de Gevrey-Chambertin).
Vins:
Tant Chambertin/Clos de Bèze montre un schéma parcellaire cohérent alors que la plupart des morceaux de vignes ont des conditions identiques, tant le schéma parcellaire du climat Charmes est varié en raison de la fluctuation des paramètres (géologique, pédologique, climatique et physiographique) d’une partie à l’autre de ce climat considérable. Il y a certainement plusieurs étalons de vins associés à ce climat. Il est plausible que la réputation des vins du climat soit sujet à un ‘nivellement vers le bas’, autrement dit que les vins des parcelles les moins favorisées, il y en a bel et bien, notamment les parcelles en contact avec la D974, atténuent la réputation générale du climat. La partie haute du lieu-dit Les Charmes induit certainement les meilleurs vins, susceptibles de s’apparenter à ceux de Chapelle, plus précisément à ceux du lieu-dit En la Chapelle; d’ailleurs cette partie est la seule du climat qui fut classée en Première Cuvée par Jules Lavalle. Bref, le climat Charmes induit des vins contrastés.

PRUDENCE: Cette carte des propriétés des parcelles des lieux-dits Charmes et Mazoyères remonte à 1990. Nous l’avons extraite du livre ‘Chambertin’ de Jean-François Bazin. Malgré son antériorité, elle en est certainement exacte en bonne partie puisque la propriété des vignes conserve un assez haut degré de pérennité.



8 ⇒ Griotte-Chambertin (2,69 hectares)

Particularité:
L’étonnante cavité au sein du climat laisse croire à un site d’ancienne carrière. Ce type de contexte est constaté çà et là sur La Côte en maints endroits, incluant sur des crus nobles.
Lieu-dit:
En Griotte.
Histoire:
Peu à dire. Que son nom soit associé à la cerise qui porte ce nom nous apparait peu plausible. L’autre idée, que Griotte dérive de Criotte, lui même un diminutif de crais qui est un terrain couvert de petites pierres et de cailloux (Marie-Hélène Landrieu-Lussigny) est intéressant. Voir ‘géologie’ à la suite.
Physiographie:
Exposition franc Est — Dénivelé de ±15 mètres, entre les altitudes ±260 m et ±275 m — Pente irrégulière entre 5 à 10% — terrain tourmenté.
Classements historiques: Première Cuvée par Jules Lavalle en 1855 — ‘Deuxième Classe’ dans le Classement du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860 — Première Cuvée par Camille Rodier en 1920.
Possédants:
Sept propriétaires, domaines ou négociants-éleveurs suivants: Chézeaux-Ponsot (0,9 ha), Chézeaux-René Leclerc (0,7 ha); Joseph Drouhin (0,5 ha), Fourrier, Claude Dugat, Marchand Frères et Joseph Roty.
Géologie:
Déposé sur du Calcaire à entroques sur la forte majorité du climat et sur une mince bande de Calcaire de Comblanchien dans sa limite inférieure. Nous pensons qu’il pourrait s’agir du site d’une ancienne carrière car celui-ci comporte une étonnante cavité, un relief insolite étant donné la régularité du versant qui entoure le climat. De la terre y aurait ainsi été rapportée. Que Jasper Morris que Clive Coates évoquent la faible épaisseur et la particularité du sol est à nos yeux un autre indice.
Vins:
Les deux auteurs ci-devant nommés attribuent aux vins de Griotte de la finesse, de l’exquis. Coates mentionne que les vins de Griotte et Chapelle sont très différents. Le contexte d’une ancienne carrière en serait-il l’explication puisque ces deux climats voisin ont des paramètres assez identiques.



9 ⇒ Latricières-Chambertin: (7,35 hectares)

Lieux-dits:
Latricières: 6,90 ha et partie de Aux Combottes: 0,45 ha.
Particularité:
Voisin immédiat au Sud du Chambertin, dans le même créneau altitudinal. Le Latricières est caractérisé par des influences de la Combe Grisard, qui débouche sur celui-ci.
Histoire:
Loin de ± deux kilomètres des hameaux d’autrefois de Gevrey-Chambertin, il a plausiblement été exploité après Chambertin et encore plus longtemps après le Clos de Bèze.
Climatologie et Physiographie:
La combe Grisard qui débouche sur le Latricières apporte un courant d’air plus frais en provenance de l’Ouest. — Exposition Est-Sud-Est. — Dénivelé de ±30 mètres entre les altitudes ±270 m et ±300 m. — Pente de faible au bas du climat (±5%) à forte (±30%) dans sa partie supérieure.
Classements historiques:
Deuxième Cuvée par Jules Lavalle en 1855 — ‘Deuxième Classe’ dans le Classement du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860 — Première Cuvée par Camille Rodier en 1920.
Possédants:
Une dizaine de propriétaires, les domaines ou négociants-éleveurs suivants: Camus (1,5 ha), Faiveley (1,2 ha); Rossignol-Trapet (0,7 ha), Trapet (0.7 ha), Drouhin-Laroze (0,7 ha), Leroy (0,6 ha), Arnoux/Newman (0,5 ha), Louis Remy, Simon Bize, Duroché, Feuillet/Duband.
Géologie:
La séquence régulière des quatre bandes lithographiques de Chambertin et Clos de Bèze (voir ‘géologie’ de ces deux climats) se constate sur Latricières, selon un arrangement toutefois différent. Le Calcaire à entroques occupe toute la demie inférieure du climat. Le Calcaire argileux est le substrat majoritaire en partie haute. L’amorce du ‘cône alluvial‘ associé la combe Grisard traverse le Latricières en son centre (voir l’étonnante illustration à la suite); sa forme au sein du climat étant celle d’un goulot de bouteille bourguignonne dont la partie la plus évasée est bien entendu au bas. La partie du cône alluvial présente sur le climat étant restreinte, c’est particulièrement l’écart de température attribuable à la combe Grisard qui caractériserait ce climat.
Vins:
Les vins du Latricières se situent incontestablement à un niveau inférieur des maestros Chambertin. Que dire de plus? Qu’ils sont moins puissants, ou autres? Le site internet de Rossignol-Trapet, proprio sur plusieurs Grands Crus de Gevrey, mentionne que le Latricières a une “finesse unique de constitution”. Conçu éventuellement par un producteur qui vinifie selon des extractions plus poussées, la finesse en serait-elle atténuée d’autant? Enfin, nous préférons dire que les façons de faire des dix propriétaires du Latricières produisent certainement autant de versions de ce terroir. Finalement, le réchauffement climatique favorise définitivement ce climat aux vendanges généralement plus tardives.

Le climat Latricières selon le cadastre ‘napoléonien’ de 1828. Le cadastre indique des classes, des classes de fertilité (de vins ordinaires à grands vins). La ‘Deuxième catégorie’ est colorée en violet; la ‘Troisième catégorie’ en ocre. La zone en ”Troisième catégorie’ correspond au prolongement de la Combe Ambin, où s’est formé une partie du cône alluvial associé à la combe. Pour information: le Chambertin et le Clos de Bèze furent classés en ‘Première catégorie’.
L’illustration est tirée du texte ‘Lorsque le cadastre raconte l’histoire’ de Charlotte Fromont.

Cette porte aux abords de la Route des Grands Crus indique deux noms. Riembault apparait dans la liste de propriétaires énumérés par Danguy et Aubertin en 1892, alors qu’il n’était pas nommé par Jules Lavalle en 1855, non plus par Camille Rodier en 1920. Bref, la porte fut construite entre 1855 et 1920. Remy est le propriétaire actuel de la parcelle.



10 ⇒ Mazis-Chambertin (9,10 hectares)

Lieux-dits:
Mazis-Bas (4,56 ha) et Mazis-Haut (4,54 ha). Un chemin de vignes en diagonal  sépare les deux lieux-dits.
Histoire:
Un hameau aurait été situé sur les Mazis au Moyen-Age.
Physiographie:
Les Mazis et les Ruchottes, au dessus, prolongent le Clos de Bèze au Nord: Exposition à l’Est, bien que Mazis-Bas comporte de façon générale une exposition qui incline légèrement vers le Nord, puisqu’il s’agit de la terminaison du dévers (arc) Sud du débouché de la Combe de Lavaux sur le versant de La Côte de Nuits. — Même créneau altitudinal de ±275 m à ±295 m — Pente de 5% à 15%.
Classements historiques:
Dans le classement de Jules Lavalle, Mazis-Haut est en Première Cuvée tandis que Mazis-Bas est en Deuxième Cuvée, l’exposition tournant légèrement au Nord expliquerait à notre avis la ‘décote’ du Mazis-Bas par ce classificateur. — ‘Deuxième Classe’ pour le Mazis-Haut et ‘Troisième Classe’ pour le Mazis-Bas dans le Classement du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860. — Camille Rodier soutient le classement de Lavalle.
Possédants:
Une vingtaine de propriétaires dont les domaines ou négociants-éleveurs suivants: Hospices de Beaune (1,8 ha) — Faiveley (1,2 ha) — Henri Rebourseau 1.0 ha) — Dugat-Py (0,2 ha) —  Harmand-Geoffroy (0,7 ha) — Bernard Maume (0,7 ha) — Armand Rousseau (0,5 ha) — Frédéric Esmonin — Gabriel Tortochot — Philippe Nadeff — Camus — Dupont-Tisserandot — Bize-Leroy — Newman — Jean-Michel Guyon — Joseph Roty — Philippe Charlopin — Confuron-Cotedidot.
Géologie:
Une fracture Est-Ouest, dans le sens de la pente, et un décalage des deux parties séparées expliquent que le substratum, la roche-mère, des Mazis et des Ruchottes diffère entièrement du Clos de Bèze, l’illustre voisin. Les Mazis reposent essentiellement sur l’Oolithe Blanche, tandis que Bèze est déposé principalement sur une séquence de roches immédiatement sous-jacente à l’Oolithe Blanche dans la série lithologique propre à La Côte (voir l’illustration de la série lithologique placée au point 2 ci-haut (‘mise en situation via une cartographie’).
Vins:
Au sein des Grands Crus aux noms composés (…-Chambertin), les Mazis seraient à ranger immédiatement après les deux maestros Chambertin et Bèze. Clive Coates qualifie les Mazis de vins riches en tanins, structurés, fruités marqués intensément de petits fruits rouges. Nul auteur contemporain sur les vins de La Côte ne commente les nuances entre les Bas et les Hauts. Le sol de la partie haute des Mazis est plus mince qu’en partie basse et, du coup, les vins des ces parties sont certes différents.



11 ⇒ Ruchottes-Chambertin (3,30 hectares)

Lieux-dits:
Ruchottes du Dessus (1,99 ha) et Ruchottes du Bas (1,31 ha).
Particularités:
Ce Grand Cru est parmi les plus élevés en altitude sur La Côte. À notre connaissance, hors le Clos de Bèze, c’est le seul climat en Grand Cru comprenant un clos, le Clos des Ruchottes, détenu en monopole depuis 1976 par le domaine Armand Rousseau. Un sentier de randonnée − l’ancienne route menant de Gevrey-Chambertin à Curley dans les Hautes Côtes − délimite le climat dans sa partie supérieure.
Histoire: Le domaine Thomas-Bassot (voir la prochaine illustration), fondée aux alentours de 1850 fut un propriétaire majeur sur le finage de Gevrey-Chambertin durant la deuxième partie du 19e et la première partie du 20e siècle. Celui-ci détenait une portion dominante des Ruchottes, laquelle fut vendue en trois morceaux en 1976. Le nom existe toujours, assez discrètement, logé à une adresse de Nuits-Saint-Georges. Nous aurions aimé expliquer ‘l’éclipse’ de cette maison.
Physiographie:
Les Ruchottes au haut et les Mazis plus au bas prolongent le Clos de Bèze au Nord, dans un créneau altitudinal un peu plus élevé que ce dernier climat, soit entre ±285 m à ±315 m —Exposition à l’Est — Pente  vigoureuse de ±15% à ±30%.
Classements historiques:
Dans le classement de Jules Lavalle, Ruchottes du Dessus est en Première Cuvée tandis que Ruchottes du Bas est en Deuxième Cuvée. — Le Classement du Comité d’Agriculture et de Viticulture de l’arrondissement de Beaune de 1860 fait aussi une ségrégation, ‘Deuxième Classe’ pour le Haut et ‘Troisième Classe’ pour le Bas. — Camille Rodier situe les deux lieux-dits en Première Cuvée.
Possédants:
Une dizaine de propriétaires dont les domaines ou négociants-éleveurs suivants: Armand Rousseau (Clos des Ruchottes 1,1 ha) — Mugneret-Gibourg (0,7 ha) — Frédéric Esmonin (0,5 ha) — Bonnefond/Christophe Roumier (0,5 ha) — Trapet-Rochelandet — Henri Magnin — Château de Marsannay — Marchand Grillot.
Géologie:
Une fracture Est-Ouest, dans le sens de la pente, et un décalage des deux parties séparées expliquent que le substratum, la roche-mère, des Ruchottes et des Mazis diffère totalement de celui du Clos de Bèze, l’illustre voisin. Les Ruchottes reposent presque essentiellement sur l’Oolithe Blanche, tandis que Bèze est principalement déposé sur une séquence de roches immédiatement sous-jacente à l’Oolithe Blanche dans la série lithologique propre à La Côte (voir l’illustration de la série lithologique placée au point 2 ci-haut: ‘mise en situation via une cartographie’).
Vins:
Les vins des Ruchottes sont certainement les plus ‘minéraux’ de tous les Grands Crus de Gevrey. Vu la position au haut du versant de vignes, le sol y est plus maigre; des affleurements rocheux apparaissent au haut des Ruchottes. Cette minéralité s’exprime par de la vivacité et de la finesse. Des vins aussi profonds et de longue garde.

Une illustration du Clos des Ruchottes du livre de René Danguy et Charles Aubertin édité en 1892. Les vignes des Ruchottes détenues jusqu’en 1976 par le domaine Thomas-Bassot furent vendues à trois propriétaires qui les possèdent toujours: le Clos des Ruchottes du Domaine Rousseau, Mugneret-Gibourg et Michel Bonnefond qui loue sa parcelle au Domaine Christophe Roumier. La minuscule maison apparaissant à droite au haut de l’illustration, actuellement en restauration par le Domaine Faiveley, est située dans le minuscule Premier Cru ‘Issarts’ (0,62 ha). Jean-François Bazin nous dit que “Les murs du Clos et le portail sont l’oeuvre de la maison Thomas-Bassot fondée en 1852 et construits vraisemblablement vers 1855-1860.”

Toujours est-il …

Gevrey-Chambertin:
finage aspirant à la suprématie en Côte de Nuits

Occupons-nous brièvement à désigner le finage le plus prééminent en Côte de Nuits. Chambolle-Musigny vient à l’esprit, mais ce sont surtout les noms de Gevrey-Chambertin et Vosne-Romanée où l’attention se concentre. Gevrey-Chambertin détient huit Grands Crus totalisant 87,1 hectares, tandis que Vosne-Romanée en possède six pour 27,8 hectares. Les Grands Crus de Vosne-Romanée se discriminent, selon Jules Lavalle, en quatre ‘Tête de Cuvée’ (Romanée-Conti, La Romanée, La Tâche et Richebourg) et deux ‘Première Cuvée’ (La Grande Rue et Romanée-St-Vivant). Les Grands Crus de Gevrey-Chambertin se répartissent en deux ‘Tête de Cuvée’ (Chambertin et Chambertin-Clos de Bèze), lesquelles totalisent cependant une superficie qui double celle de l’ensemble des Grands Crus de Vosne, et six ‘Première cuvée’ ou ‘Deuxième Cuvée’ (Ruchottes, Mazis, Chapelle, Griotte, Charmes et Latricière). Quant aux Premiers Crus, Vosne-Romanée obtient de Jules Lavalle quatre ‘Première Cuvée’ (Malconsorts, Brûlés, Beaux-Monts et Suchots’) et Gevrey-Chambertin en a un nombre équivalent mais couvrant toutefois une superficie moins grande (Clos St-Jacques, Estournelles St-Jacques, Cazetiers et Clos des Veroilles). Bilan: autorité à Gevrey, prestige à Vosne.
Rappel: Jules Lavalle est l’auteur en 1855 du premier classement solide, référentiel, des climats de La Côte. Lavalle nous met en garde de ne pas assimiler les crus de même rang, exemple ‘Première Cuvée’, d’une commune à l’autre. Les classes de Lavalle nous apparaissent néanmoins assez équivalentes d’une commune à l’autre sur le territoire de la Côte de Nuits.



12 ⇒ Classements historiques des climats

Voir ICI.


⇒ Bibliographie

→ Spécifique à ce thème

• Bazin Jacques, Manuscrit ‘Monographie et histoire de Gevrey-Chambertin’, 1961
• Bazin  Jean-François, ‘Chambertin’ (1990) et de ‘Le vin de Bourgogne’ (1996)
• Coates Clive, ‘The wines of Burgundy’, 2008
• Danguy René et Aubertin Charles, ‘Les grands vins de Bourgogne, étude et classement …’, 1890
• Fromont Charlotte, ‘Lorsque le cadastre raconte l’histoire’, 2016
• Gadille Rolande, ‘Le vignoble de la Côte bourguignonne’, 1967
• Jacquet Olivier, ‘Un siècle de construction du vignoble bourguignon’, 2009
• Jacquet Olivier et Ballester Jordi, opuscule ‘Vin Masculin, Vin Féminin’, 2014
• Jullien André, ‘Topographie de tous les vignobles connus’, première édition en 1816
• Landrieu-Lussigny Marie-Hélène, ‘Climats et lieux-dits des grands vins de Bourgogne’, 2010
• Lavalle Jules, ‘Histoire et statistique de la vigne et des grands vins de la Côte d’Or’, 1855
• Magnin Christine, ‘Vignerons à Gevrey-Chambertin de 1847 à 1959’
• Meadows Allen, ‘Burghound’, édition de janvier 2018 (no 69)
• Morelot Denis, ‘La vigne et le vin en Côte d’Or’, 1831
• Morris Jasper, ‘Inside Burgundy’, 2010:
• Norman Remington, ‘The great domaines of Burgundy’, 1992
• Petronio Roberto et Denis Savarot Denis, La Revue du vin de France, avril 2008
• Pitiot Sylvain, ‘Climats et lieux-dits des grands vignobles de Bourgogne’, 2010
• Rigaux Jacky, ‘Gevrey-Chambertin, joyau du terroir’, 2008
• Rodier Camille, ‘Le vin de Bourgogne’, 1920
• Vannier Françoise, ‘Gevrey-Chambertin: du sous-sol au paysage viticole, étude géologique et physiographique de l’appellation’, 2010

Bibliographie pertinente à tous les thèmes portant sur La Côte, voir ICI.

 

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